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Réforme du lycée : un projet qui manque d’ambition

Le conseil supérieur de l’éducation a voté jeudi 10 décembre 2009 les mesures concernant le lycée.
Ce vote a eu le mérite de rappeler que les enjeux allaient bien au-delà de la question de l’enseignement de l’histoire en Terminale scientifique. En arriver à ce débat si étriqué après les “Points de convergence” de l’été 2008 est tout de même consternant.
Cette réforme qui vient d’être adoptée n’est pas la nôtre et ne correspond pas aux propositions que nous avions élaborées collectivement au sein du groupe “De l’ambition pour la réforme des lycées”. Alors qu’il était question d’un lycée modulaire favorisant le choix et l’autonomie des élèves, les préparant réellement à l’enseignement supérieur tout en construisant une culture commune faisant le lien avec le socle commun et le collège, il n’est plus question que de rééquilibrage et de passerelles entre les filières. Tout cela en fait une réforme bien modeste qui n’est pas à la hauteur des enjeux. En l’état actuel des choses, tout laisse à penser que la seconde ne sera toujours pas une vraie étape de choix équilibré entre les différentes séries et que la série S restera dominante.
Même si on ne peut en faire un préalable empêchant les évolutions, il faut rappeler aussi que la situation de restriction budgétaire n’est pas favorable. Comment changer vraiment le lycée dans le contexte de déni de la pédagogie porté par les suppressions de postes et le saccage de la formation professionnelle des enseignants ? Comment mobiliser les acteurs dans un contexte de pénurie où chacun pense qu’il va y perdre ?

Mais on ne peut pas se contenter de mettre en balance les nombreux aspects critiquables des mesures gouvernementales avec les non moins nombreuses conditions préalables indispensables à une réforme du lycée juste et efficace : autant d’attitudes confortables, mais stériles. Sans faire preuve d’excès de naïveté ni de compromission, il faut admettre que la réforme comporte malgré tout des leviers de possibles évolutions : prévoir des heures pour l’accompagnement des élèves, proposer une conception du métier enseignant plus large que la centration sur les cours disciplinaires, favoriser l’autonomie des établissements et le rôle du conseil pédagogique, tout autant de points dont peuvent s’emparer des équipes pédagogiques. Bien des enseignants s’efforcent déjà de faire évoluer leurs pratiques et l’organisation du lycée, et pourront trouver leur compte dans ses mesures.

C’est à la fois notre espoir et notre crainte : l’espoir que le professionnalisme des acteurs de l’éducation permette qu’après des mois de vains débats la réalité des lycées évolue malgré tout et que chacun se saisisse des marges de manœuvre. Crainte que toutes les conditions de la réussite de ces leviers de transformation ne soient pas réunies.
On ne peut s’en remettre à la seule vertu des personnels pour qu’un dispositif réussisse. Il faut une pérennité des moyens, de la formation continue qui permette de s’approprier les dispositifs, une délimitation précise du contenu de l’accompagnement et de la compétence du conseil pédagogique, et enfin une autonomie des établissements qui soit cadrée pour éviter les dérives. Ce que les derniers amendements votés au CSE semblent garantir en attendant la publication des décrets ministériels.
Mais il reste une dernière contradiction et non des moindres. Comment concilier une réforme qui va dans le sens de l’accompagnement des élèves et de l’évolution du métier avec une “réforme” de la formation “anti-pédagogique” et qui constitue une véritable régression ?

Le bureau du CRAP-Cahiers pédagogiques
Le 16 décembre 2009