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Questionner pour enseigner et pour apprendre
Les « questions » sont bien au cœur de l’acte pédagogique. Questions que pose l’enseignant pour vérifier que l’élève a compris ou que l’élève pose parce qu’il n’a pas compris. Questions que tout enseignant qui se respecte cherche à susciter chez les élèves pour que la classe soit « vivante ». Questions que l’enseignant renvoie à l’élève afin qu’il trouve lui-même la réponse. Olivier Maulini, chercheur à l’université de Genève, parcourt ce vaste domaine de façon très exhaustive, au risque de donner le vertige au lecteur qui n’était peut-être pas conscient de l’omniprésence de la « question » à l’école. D’autant que l’auteur resitue la notion de question de façon plus large : dans la société, dans la réflexion philosophique. On pourra préférer la première et la troisième parties, plus en phase avec la réflexion et la pratique pédagogique à la seconde, parfois très conceptuelle, et même si cette prise de recul est intéressante.
La distinction entre questions pour enseigner et questions pour apprendre éclaire en tout cas tout l’ouvrage qui met en avant paradoxes et dilemmes entre lesquels doit naviguer l’enseignant. Celui-ci, pas plus que de donner trop vite les réponses, ne doit devancer trop les questions. Le forme-t-on suffisamment à les laisser venir, à organiser la classe en conséquence, à savoir « se taire » tout en mettant ses élèves dans l’obligation « de ne pas se taire » ? À « organiser la rencontre des questionnements » ? En somme, ajouterons-nous, à dépasser une logique binaire stérilisante…
Dans la dernière partie, Olivier Maulini analyse des séquences de travail à l’école primaire pour examiner comment s’installe le questionnement pertinent, comment des maîtres peuvent faire passer la classe de questionnements ponctuels à une vraie problématisation. Tâche difficile, mais indispensable et là encore, travail nécessaire dans la formation d’enseignants si on veut vraiment faire réussir tous les élèves.
On voit bien qu’un tel livre nous permet de dépasser les fausses oppositions tournant autour de qui questionne, ou qui est « au centre » pour aborder le comment autrement plus intéressant. C’est à travers un professionnalisme accru que l’enseignant peut parvenir à organiser le bon questionnement, à prendre les bonnes décisions, comme en témoignent certains enseignants dans le livre.
On appréciera particulièrement les encadrés-synthèses à la fin de chaque chapitre et la postface de Philippe Perrenoud qui met en garde (à nouveau) les pédagogies qui sollicitent le doute et le questionnement des élèves contre les risques de perpétuer les inégalités… si on n’allume pas des contre-feux (toujours les paradoxes et la pensée complexe). Un ouvrage foisonnant donc, par moments un peu déroutant, mais toujours stimulant pour le praticien ou le formateur.
Jean-Michel Zakhartchouk