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Quand les tout-petits explorent le dehors

Sortir les tout-petits n’est pas une chose évidente pour les structures d’accueil. Cela demande évidemment une réflexion et une formation des professionnels.

En Belgique, l’Office de la naissance et de l’enfance, comme de nombreux pouvoirs organisateurs de milieux d’accueil de la petite enfance, ont bien compris les effets positifs de l’environnement naturel sur les jeunes et très jeunes enfants. Certains milieux d’accueil ont remis les espaces extérieurs et leur exploitation au centre de leur projet pédagogique. C’est le cas des crèches communales de la ville de Liège.

Mais les impératifs de sécurité et d’hygiène et les pratiques prônées ces trente dernières années ont quelque peu déconnecté les puéricultrices des espaces extérieurs et de leur exploitation. La municipalité a sollicité un accompagnement auprès d’Éducation Environnement, afin de leur donner une formation pour leur permettre d’aborder de nouvelles pratiques dans les espaces extérieurs avec plaisir et confiance.

Observer, marcher, jardiner, gouter

Au cours de ces journées pédagogiques, nous faisons explorer les potentialités des alentours de la crèche par l’adulte. Nous prenons un temps pour travailler son lien à la nature pour qu’il trouve ses propres sources de plaisir et ses médias favoris. Il pourra ensuite les partager avec les enfants qu’il aura en charge.

Certains enfants sont plus attirés par des activités extérieures de type artistique comme le land art. Les formes et les couleurs piquent leur curiosité. Des feuilles, des fleurs, des éléments naturels plastifiés et fixés sur le sol ou sur les fenêtres permettent aux bébés de les observer de près. Trier ensuite les éléments naturels selon leur forme, leur couleur, leur texture et les disposer dans des contenants ou même les écraser sur du papier sont autant de propositions stimulantes et amusantes à leur portée.

D’autres enfants iront plus volontiers vers des activités psychomotrices comme un parcours sensoriel effectué pieds nus : marcher sur des graines, sur de l’herbe fraiche, des cailloux, des pommes de pin, etc. pour qu’ils éprouvent les ressentis de ces divers tapis naturels. Les plus craintifs préfèrent garder leurs chaussettes ou ne poser qu’un seul pied. Après quelques essais et en observant leurs camarades plus téméraires, ils finissent la plupart du temps par y poser les deux pieds et les mains. Les possibilités d’activités psychomotrices et sensorielles sont quasiment infinies, avec un peu de créativité.

Pour ceux qui aiment plus particulièrement le jardinage et la manipulation, on peut mettre à disposition des « bacs à chipote » dans lesquels de la terre, des contenants de tailles variées et quelques ustensiles permettent d’explorer le plaisir de « remplir, vider, transvaser ». Dans d’autres bacs, des mélanges de fleurs sauvages, petits fruits et légumes de saison, plantes aromatiques sont l’occasion de découvertes olfactives et gustatives dont les jeunes enfants raffolent.

L’observation du vivant captive les tout-petits et peut se faire facilement en toutes saisons. En hiver, pratiquer le nourrissage des oiseaux offre des moments de connexion avec la nature tout en restant bien au chaud derrière la fenêtre. Il est possible de réaliser des pommes de pin garnies de graines à suspendre dehors, bien en vue, pour ensuite observer le ballet des passereaux qui viennent s’y nourrir. S’assoir ou se coucher à plat ventre dans l’herbe avec de petites boites, des loupes, des prismes ou des miroirs invite à l’exploration et l’observation d’éléments naturels, vivants ou non.

Une nécessaire formation

Ancrer la pratique à l’extérieur comme source de plaisir et d’émerveillement nécessite de lever certaines craintes. Il y a celles des puéricultrices à qui l’on répète depuis des années que la terre est sale, les plantes et les champignons sont toxiques, les insectes piquent, etc. Elles réceptionnent les craintes et les mécontentements des parents : « Il fait froid aujourd’hui pour sortir », « hier son pantalon était sale quand je suis venu chercher mon petit. »

Il faut tenir compte des peurs des enfants. Les petites bêtes, le vent, les nouvelles textures, etc. sont parfois source d’angoisse, voire de phobies. Si les fausses croyances liées à la nature méritent d’être déconstruites, les vraies peurs doivent être prises en compte pour pouvoir être apprivoisées. Les professionnels apprennent les postures qui accompagnent les petits avec respect et les aident à dépasser leurs peurs. L’enjeu est pour chacun de trouver une façon de profiter du dehors en toute sécurité, mais aussi en toute sérénité.

Chaque activité testée ou chaque aménagement envisagé se fait sur des bases pédagogiques et théoriques référencées. Cela aide les professionnels à se sentir légitimes quand ils mettent ce type d’actions en œuvre. Un milieu d’accueil de la petite enfance est un lieu soumis à des contraintes légales très spécifiques en matière de sécurité, d’hygiène, d’équipement, de procédure, etc. ; il n’est pas question de faire n’importe quoi, la formation doit aborder ces points. Les propositions d’activités et d’aménagements doivent tenir compte de tout cela, être les plus durables possible et réalisables avec des budgets restreints.

Au terme de ces journées de formation, les équipes des milieux d’accueil se disent toujours surprises par le potentiel éducatif des espaces extérieurs. Elles se mettent généralement en projet très rapidement et font un retour de résultats très encourageants. Les tout-petits sont très réactifs aux propositions en lien avec la nature qui leur sont faites, et les bienfaits sur le groupe et le bienêtre de chacun, enfants et adultes, sont palpables.

Vinciane Graulich

Formatrice Éducation Environnement ASLB, Liège, Belgique


Sur la librairie:

Apprendre dehors

Coordonné par Aurélie Zwang et Jean-Michel Zakhartchouk

Après les confinements successifs, l’intérêt pour les pratiques d’éducation en plein air est grandissant. Inscrites dans l’histoire de la pédagogie, elles sont non seulement mises en œuvre à l’école, de façon régulière ou lors de sorties de terrain plus ponctuelles, mais aussi dans le périscolaire. Il s’agit dans ce dossier d’interroger ce qui s’apprend de spécifique dehors.

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