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Quand le respect passe par l’écoute de l’autre
Prévenir plutôt que guérir. Au sein de l’école internationale d’Atlanta, des protocoles de discussion initient les élèves à l’écoute et au respect des autres. Si des conflits surgissent, des protocoles de justice réparatrice cherchent à restaurer les liens sans avoir recours à des sanctions.
Dans notre établissement, qui accueille des élèves de la petite section à la terminale, la question du respect est abordée de manière préventive avec des cercles de discussion de la maternelle au collège et des discussions socratiques au lycée, dont nous présentons ici des exemples concrets. En cas de conflit, nous avons aussi mis en place des pratiques de justice réparatrice fondées sur la communication.
Dans le cercle de discussion, la disposition spatiale permet de placer tout le monde au même niveau et favorise l’attention au langage non verbal. Le lieu choisi doit être le plus convivial et confortable possible pour libérer la parole. Nous commençons toujours par une prise de température émotionnelle pour instaurer un climat de bienveillance et de confiance. Des supports visuels variés peuvent être utilisés : des roues des émotions, des mèmes, des émojis, etc. Le protocole de discussion est ensuite expliqué aux élèves. Ils acceptent de s’engager personnellement dans la discussion, d’écouter pour comprendre et non pour juger, de parler avec mesure en étant concis et respectueux du temps des autres (est-ce que ce qui est dit est nécessaire pour le cercle ?) et de partager à l’extérieur du cercle les idées apprises et non les expériences privées.
Les élèves et enseignants signalent leur accord par un pouce levé. Pour certaines questions choisies par l’enseignant, les élèves devront répondre chacun à leur tour sans être interrompus. Pour d’autres, les réponses se feront de manière facultative. Avant de répondre, les élèves disposent d’un temps de réflexion individuelle en silence pour donner à chacun un espace de réflexion libre. À la fin de la discussion, on clôt le cercle avec des remerciements et chaque élève partage une idée qui l’a marqué.
Au cycle 3, les sujets proposés s’inscrivent dans le thème du parcours citoyen : les notions de diversité et d’inclusivité. La question posée peut être : « Selon toi, qu’est-ce que la diversité ? » Une discussion s’engage durant laquelle chacun offre son point de vue. À ce stade, l’enseignant ne confirme ni n’infirme les définitions proposées. Il prend note de toutes les propositions et s’assure de la bonne compréhension du groupe. Ensuite, de nouveaux supports sont proposés, par exemple l’exposition Humanæ d’Angelica Dass et l’installation L’envolée des bustes au Musée de l’Homme à Paris. Les élèves vont alors explorer ces deux images à partir d’une routine de pensée du Projet Zéro (voir encadré) : « Je vois – Je me demande – Je fais des liens ». Cette activité permet d’arriver au sens du mot « diversité » et son rôle dans la communauté.
Au collège, en début de 4e, nous avons discuté du climat de classe nécessaire à un bon apprentissage en partant des expériences des élèves. Chacun a parlé d’une expérience d’apprentissage difficile et d’un succès (quel que soit le domaine : scolaire ou extrascolaire), des sentiments associés à ces expériences et des conditions contribuant à l’échec ou au succès. Les élèves ont ensuite discuté des conditions nécessaires à un bon climat de classe pour apprendre, puis ils ont réagi à une infographie sur la mentalité de croissance et convenu de certains droits (droit à l’erreur, droit de demander de l’aide, etc.) et de certains devoirs (parler de manière respectueuse, arriver préparé en classe, etc.) pour favoriser cette mentalité.
Grâce à la pratique de la discussion socratique, les élèves apprennent à réfléchir ensemble sur des sujets complexes. Ils prennent le temps de préparer leurs arguments avant l’activité. Chacun doit participer, réguler sa parole et être attentif aux idées échangées pour faire avancer la discussion, l’idée étant de construire ensemble une réflexion et non d’avoir le dernier mot. On suggère donc aux élèves plusieurs manières d’intervenir : reformuler une idée pour être sûr qu’on la comprend, demander une clarification, étayer une idée à l’aide d’un exemple, faire un lien avec une autre idée ou un autre contexte, dire pourquoi on est d’accord ou pas d’accord, ajouter une idée ou une question nouvelle. Pendant cette discussion, le professeur s’efface. Chaque participant est observé par un autre élève qui se trouve dans un cercle extérieur au cercle de discussion et prend des notes. À la fin de la discussion, l’observateur partage avec la personne observée ce qu’il a noté.
Un exemple de discussion socratique en classe de français de 1re du bac international a porté sur la question : « Peut-on rire de tout ? » en prolongement à l’étude de La vie devant soi de Romain Gary. Après la discussion, les élèves ont résumé de manière visuelle les termes de la controverse, en utilisant la routine de pensée du Projet Zéro, Le Tir à la corde, ce qui leur a permis de placer le long de la ligne les différents arguments entendus ainsi que des nuances et questions soulevées.
Au cours de ces différentes activités, les élèves s’entrainent à une communication respectueuse et à considérer plusieurs perspectives.
Depuis peu, notre établissement s’est tourné vers la pédagogie de la justice réparatrice, une approche fondée sur le respect, l’écoute de tous les points de vue et la restauration des liens, sans qu’il y ait en général de mesures punitives.
À la maternelle, on met en place des principes de résolution des conflits. Le très jeune enfant concentré sur lui-même régule encore mal ses émotions et peut entrer facilement en conflit avec les autres. Avec la maturation du cerveau, du langage et les interventions bienveillantes et soutenues de l’adulte, il est possible d’aider l’enfant à mettre des mots sur ses émotions et sur ses désirs, tout en proposant des situations alternatives de partage. La construction du vocabulaire des émotions dans les situations conflictuelles au quotidien permet aux élèves de développer une sensibilité au vécu des autres. Féliciter l’enfant d’avoir partagé un jouet après la résolution du conflit lui donnera envie de recommencer et constitue ainsi un encouragement vers l’empathie.
En élémentaire, suite à un problème, les élèves impliqués vont se réunir avec l’enseignant qui invitera chacun à s’exprimer et à écouter avec respect pour comprendre ce qui s’est passé. L’enseignant devient le médiateur, pose des questions en utilisant un protocole (voir image), en veillant à rester neutre afin que les élèves comprennent pourquoi il y a eu un incident et ce qui s’est passé. Tous les élèves impliqués dans le conflit discuteront des possibilités de réparation et choisiront la ou les solutions. Ensuite, ceux qui ont tort devront réparer les dommages faits aux autres.
1.Répondre à des comportements irrespectueux | 2- Aider ceux et celles qui ont été affectés par ces comportements. |
Que s’est-il passé? | Qu’as-tu pensé quand tu as réalisé ce qui s’était passé? |
À quoi pensais-tu à ce moment-là ? | Quel impact cet incident a-t-il eu sur toi et sur les autres? |
Que penses-tu depuis? | Qu’est-ce qui était le plus difficile pour toi ? |
Qui a été affecté par tes actions ? De quelle manière? | Que doit-il se passer selon toi pour arranger les choses? |
Que faut-il faire, selon toi, pour que les choses aillent mieux ? |
Par exemple, à la suite d’un incident en récréation, deux élèves de CP continuaient à se pousser dans le couloir en se renvoyant les torts. À l’aide des questions, chacun a décrit sa perspective sur l’incident, ses pensées et la conséquence de ses actions sur l’autre. Il est apparu dans la discussion que le problème venait d’un manque de contrôle du corps qui amenait l’enfant à empiéter sur l’espace personnel de l’autre. Les élèves ont discuté de solutions pour respecter l’espace de chacun et se sont excusés et réconciliés avant d’entrer dans la classe.
Ces protocoles de discussion et de justice réparatrice tendent ainsi à créer une culture d’établissement bienveillante. L’élève est considéré avec respect : on prend en compte ses émotions, ses expériences et opinions personnelles et on l’accompagne dans un travail de pensée critique pour qu’il puisse contribuer de manière positive et citoyenne à la communauté.
Le groupe de recherche Projet Zéro, attaché au département des sciences de l’éducation de l’université de Harvard nous propose des outils appelés « routines de pensée »1, qui permettent de développer des compétences cognitives spécifiques et de documenter le cheminement de pensée des élèves. Elles suscitent des réponses authentiques et s’adaptent à une variété de contextes et supports. Elles sont utilisées très largement dans notre établissement à tous les niveaux et dans toutes les matières.