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Plaidoyer pour l’EDD

Principal du collège La Coutancière, à La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique), Stéphane Germain nous raconte en quoi « être un défenseur inconditionnel de l’éducation au développement durable » enrichit ses pratiques professionnelles.

Ses premiers pas dans l’animation d’un collectif, Stéphane Germain les fait en tant que responsable de département dans un IUT. « Cela m’a beaucoup plu, d’animer, de comprendre la complexité de métiers et de contexte qui évoluent tout le temps, d’anticiper le changement et de mettre en place des choses nouvelles. » Pendant ses études, il avait été sensibilisé à l’intelligence collective. Là, il la sollicite, la développe. Alors professeur, il décide de faire de l’animation du collectif son métier et passe en 2010 le concours de personnel de direction.

Il commence sa nouvelle carrière en tant que proviseur adjoint, découvre une autre complexité et une liberté d’action amoindrie. « On applique des prescriptions descendantes, mais il reste des marges de manœuvre et d’autonomie, pour construire un projet d’établissement, par exemple. » Dans ces marges, il apprécie d’être en dehors d’une logique programmatique et de se mouvoir dans un contexte qu’il faut analyser dans la perspective d’une adaptation permanente.

L’éducation à l’environnement puis au développement durable (EDD) lui offrent l’opportunité d’investir des approches transversales. Il le fait dès 2015, devenant un acteur de terrain intarissable sur les politiques et stratégies sous-tendant l’EDD.

Labellisé école verte

Son collège, associé au réseau Unesco, est aujourd’hui reconnu comme « école verte ». Il en est fier, car le label est aussi une reconnaissance d’un travail collectif, celui de toute une communauté éducative. En miroir, le sceau Unesco engage à porter les valeurs de cet organisme onusien, de développer et diffuser des pratiques, de répondre à diverses sollicitations.

Cela lui tient à cœur de relayer les réflexions menées par des chercheurs, des experts et des praticiens réunis. « Ils produisent des publications qui répondent à cette vision de se projeter dans le futur pour le développement de l’EDD. La grande variété de pays d’origine des participants gomme les biais nationaux. » Il apprécie aussi de faire écho aux pratiques qu’il encourage, accompagne ou observe.

Il a formalisé les liens entre les deux dimensions en écrivant un Guide pratique pour l’éducation au développement durable, en proposant de partir de la pratique pour s’approprier ensuite les concepts adoptés par l’Unesco et schématisés avec les objectifs du développement durable (ODD). Il explique, par exemple, comment organiser une fresque du climat et ensuite consacrer un temps à l’analyse, à l’expression des émotions, à la recherche collective de solutions.

La publication de l’ouvrage l’amène à découvrir de multiples réseaux et initiatives francophones consacrés à l’EDD, concourant à promouvoir l’éducation pour opérer le changement sociétal nécessaire pour atteindre les ODD.

Eco Days et stratégie éducative

L’année 2015, celle des accords de Paris pour lutter contre le réchauffement climatique, est aussi celle de la déclaration d’Incheon qui définit la stratégie Éducation 2030, « Vers une éducation de qualité inclusive et équitable et un apprentissage tout au long de la vie pour tous », avec à l’appui un référentiel comprenant 255 compétences pour un volume estimé de 600 heures sur l’ensemble du parcours scolaire.

Sans véritable écho médiatique, cette stratégie éducative reste lettre morte avant d’être relancée en 2020 par la feuille de route EDD qu’il perçoit comme une « invitation pour que chacun s’empare d’un axe selon son expertise, loin de l’approche programmatique. Et chacun, ce sont toutes les parties prenantes, enseignants, collectivités territoriales, associations, etc. ».

Il lit dans la démarche EDD l’influence du concept de la pensée complexe proposé par Edgar Morin et le principe de ne pas dissocier les apprentissages cognitifs de ceux des domaines socioémotionnel et comportemental. Les activités transcendent le disciplinaire, avec notamment les journées mondiales Eco Days. « Lors de la journée mondiale de l’eau, les élèves participent à des ateliers sur l’eau dans le territoire avec une pédagogie de projet où ils sont aussi partie prenante de la décision. »

D’autres thématiques sont sources d’activités où l’intelligence collective des élèves est mobilisée : dessiner son territoire du futur, se pencher sur l’entreprenariat durable ou participer à des fresques.

Une référente Unesco

Dans son établissement, l’EDD se déploie sous différentes formes. Une référente Unesco coordonne le tout en veillant à ne pas disperser les énergies sur les multiples sollicitations ou idées de projets. L’an dernier, un partenariat avec un collège-lycée ukrainien a abouti à l’accueil d’une dizaine de jeunes et de deux enseignantes. Là, c’est le volet éducation à la citoyenneté mondiale qui était investi, mais pas seulement. « Il y a eu adhésion des familles et de la matière pour l’enseignement de l’histoire-géographie. »

Tous les projets, toutes les approches ont concouru à l’obtention de la reconnaissance « école associée de l’Unesco » et « école verte ». « Pour entrer dans le réseau des écoles associées à l’Unesco, nous avons été audités avec à l’appui des documents opératoires sur ce que l’on fait. Des enseignants, des élèves, des parents, des écodélégués, des associations partenaires, des représentants de la mairie et du département ont été audités. »

La démarche récompense aussi une dynamique collective territoriale dont le collège est le centre. Les projets illustrant la dynamique irriguent plusieurs ODD, et même au-delà des thèmes préconisés par l’Unesco. Une journée sur l’habillement durable a ainsi été organisée, avec des ateliers pour réfléchir sur le prix de revient au regard des conséquences humaines et environnementales.

Les projets engagent le collectif comme lorsqu’il s’agit de réaliser le défi mobilité et de se confronter à d’autres établissements scolaires et au-delà. « L’an dernier, on l’a remporté dans la catégorie des établissements de plus de 500 personnes en Pays de Loire avec 75 % de participation chez les élèves. »

Un comité vert

Être une école verte suppose de répondre aux indicateurs de la norme qualité, support de la démarche d’alignement. Tout commence par une validation en conseil d’administration, obtenue ici à l’unanimité. Un « comité vert » est alors constitué sur la base du volontariat. Il est composé d’élèves, de personnels enseignants et agents du collège, de parents, de représentants du tissu associatif, du département et de la mairie. « C’est une démarche de réflexion que j’ai expliquée dans un premier temps en visio, avec des documents envoyés en amont. Ensuite, on s’est interrogé en groupes de travail hétérogènes sur ce que l’on faisait ou pas, sur ce qui nous semblait atteignable ou non dans les propositions de la norme. »

L’autoévaluation réalisée collectivement sert de base pour la « demande d’alignement ». Les scores sont variables, mais soulignent dans l’ensemble un engagement et de réelles initiatives. Au-delà du cachet apposé, la démarche a été le support d’une réflexion riche. « On découvre de façon exhaustive ce qui peut être fait. Cela donne une vision aussi de ce qu’on a déjà et ce vers quoi on veut tendre. On est vraiment dans la stratégie, on choisit collectivement une stratégie éducative pour l’établissement. »

Un levier pour changer de posture

L’enjeu éducatif réside également dans le pouvoir d’agir dont pourront s’emparer les élèves et les parties prenantes, y compris les enseignants. « Soit on reste cloisonnés et on dépérit. Soit on s’ouvre vers les autres, on mise sur l’intelligence collective, cela ouvre vers des possibilités infinies. L’aspect coopération est intégré dans l’approche Unesco. »

Stéphane Germain voit dans l’EDD un levier positif pour un changement de posture dans l’apprentissage, une invitation à l’approche systémique où le sens est interrogé, où les champs des valeurs et de l’éthique sont visités avec un éclairage philosophique alimenté par des mises en situations pratiques. Il s’en nourrit et s’en inspire. « Cela donne beaucoup de points d’appui dans ma pratique de tous les jours, hors d’une approche descendante et programmatique. »

Une invitation à l’intelligence collective et à la coopération, loin des recettes toutes faites, pour encourager un pouvoir d’agir dans une complexité apprivoisée.

Monique Royer

Guide pratique pour l’éducation au développement durable, De Boeck Supérieur, 2023

Normes de qualité des écoles vertes : pour des cadres d’apprentissage verts, Unesco 2024


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