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Organiser une « bibliothèque humaine » pour les élèves

Des élèves, des livres humains qui racontent leur histoire ou font visiter leur ville, et ce qui en découle : voici l’histoire d’un projet Erasmus+ qui ne se résout pas à se terminer et qui veut essaimer et inspirer.

Tout a commencé en 2020, lorsque ma collègue Pilar Carilla, professeure d’espagnol en Belgique, nous a parlé de ce qui est connu au Danemark sous le nom de human library. Cette idée de rencontrer d’autres personnes qui viendraient partager leur histoire en tête à tête lui semblait transférable dans nos établissements. Nous avons donc monté le projet intitulé « Bibliotecas humanas que construyen una ciudadanía para un mundo mejor » (des bibliothèques humaines qui construisent une citoyenneté pour un monde meilleur) avec deux partenaires espagnols et un lycée italien.

Nous avons vite vu les bénéfices de ce dispositif simple à mettre en place. La rencontre avec des personnes qui partagent des expériences de vie très fortes captive les élèves, qui se montrent incroyablement attentifs.

Un dispositif puissant

Organiser une bibliothèque s’avère très facile et c’est cette simplicité qui rend le dispositif encore plus puissant.

Choisissez une grande salle, installez des cercles de cinq à huit chaises, invitez des personnes dont les histoires méritent d’être entendues, il ne vous reste alors qu’à faire entrer les élèves et à leur expliquer qu’ils vont devoir écouter sans juger, poser des questions et remercier leur interlocuteur.

Les « cercles » de lecture.

Pour que tout fonctionne, le plus efficace est de demander aux « livres humains » de changer de cercle de « lecteurs » toutes les vingt minutes environ. On peut numéroter les cercles ou bien créer un tableau pour visualiser les différentes rotations.

Nous avons aussi préparé les rencontres en amont afin d’éveiller la curiosité de nos élèves, en réalisant des présentations des « livres humains » sous la forme de quatrièmes de couverture. Et pour filer la métaphore du livre, nous avons aussi distribué des fiches de lecture, pour que nos élèves puissent inscrire leurs émotions, leurs étonnements, les phrases qui les avaient le plus inspirés.

Un dispositif qui s’adapte et évolue

Au cours de ce projet Erasmus +, nous avons été amenés à voyager dans nos pays respectifs et nous avons alors décliné le principe de la bibliothèque sous un angle thématique : à Séville (Espagne), ce fut une rencontre sur le thème des migrations, à Reggio de Calabre (Italie) sur le thème de l’inclusion, à Coria (Espagne) sur l’émigration espagnole, à Eaubonne (France) sur la paix et à Beaumont (Belgique) sur l’engagement.

À l’issue de ces rencontres, nous proposions à nos élèves une tâche créative pour garder une trace de ces apprentissages vivants : des lapbooks à Séville, de courts reportages à Reggio et Eaubonne, des vidéos en stopmotion à Coria, des petits livres à Beaumont.

Nous avons aussi imaginé de nouveaux formats de bibliothèque humaine. Ainsi, pendant la crise sanitaire, nous avons organisé des rencontres en visio, en invitant nos élèves à se connecter par petits groupes. Pendant la mobilité en Belgique, c’est grâce à une bibliothèque humaine itinérante que nous avons visité Charleroi. Cette ville, qui a la réputation d’être laide, a paru merveilleuse à nos élèves ! Concrètement, nous avons rencontré quatre « livres humains » dans quatre quartiers de la ville, dans des lieux insolites : le musée d’art contemporain, une association d’aide aux sans-abris, un centre culturel alternatif, une bibliothèque municipale.

Et après ?

Rencontrer des personnes, s’émouvoir, faire preuve d’empathie, briser les stéréotypes, tel est l’objectif de ce dispositif, mais après ? Il nous a semblé que le pas suivant était celui de l’engagement. On parle beaucoup d’engagement des élèves, mais, concrètement, quand leur donne-t-on l’occasion de s’engager véritablement ?

Ma collègue Pilar Carilla a donc organisé pendant la mobilité en Belgique une journée de l’engagement. Les élèves ont passé une journée dans une association, le plus souvent il s’agissait d’une association dont ils avaient rencontré un bénévole pendant la bibliothèque humaine qui avait eu lieu deux jours avant. Les élèves ont épluché des légumes, préparé et distribué des sandwichs, repeint un local, joué avec des enfants, proposé des activités à des personnes âgées, et ils ont été unanimes : ce fut leur meilleur souvenir de la semaine !

Ce projet est donc étroitement lié à l’apprentissage par service, une méthodologie qui a le vent en poupe en Espagne et qui vise à lier étroitement engagement citoyen et apprentissages scolaires : il s’agit d’apprendre à travers des projets solidaires en partant des besoins de la communauté locale. Rencontrer des « livres humains » permet de faire émerger les problématiques de notre environnement proche pour pouvoir ensuite contribuer à y répondre à notre manière, très modeste.
En somme, ce projet très riche ne peut que se poursuivre et se diffuser, tant il est le moteur d’apprentissages variés. Les élèves de la classe d’audiovisuel de Beaumont ont créé un tutoriel pour accompagner les professeurs dans la mise en œuvre d’une première bibliothèque humaine, et nous venons d’organiser un webinaire qui a attiré de nombreux enseignants séduits par ce concept qui fait de la citoyenneté une réalité.

Cécile Morzadec
Professeure d’espagnol en lycée
et coordinatrice Erasmus+ dans l’académie de Versailles

Le blog du projet : Bibliotecas humanas


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