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Notre école. Appel à ceux qui lui manquent. À la rencontre des familles gitanes

Généralement les ouvrages qui abordent la question des relations des publics tziganes avec l’Institution scolaire, s’épuisent dans la description des dispositifs administratifs, mis en place par l’administration. Dans ce genre de documents, très « techniques », on ne « voit » pas la réalité de ce public ; on ne l’entend pas davantage. On n’y trouve, en général, que l’étalage des objectifs forcément positivistes d’une Institution jamais prête à se remettre en cause.
Le livre de Frédéric Miquel est à ce titre une exception. L’auteur a pourtant une expérience universitaire et académique (il est chercheur, Inspecteur d’Académie et directeur du CASNAV de Montpellier). Et pourtant, on ne trouvera dans les pages de son livre, ni un document de recherches, ni un rapport d’activité. Dans un style très humain, souvent poétique, en s’adressant directement à ceux qui « manquent l’École » (et qui « manquent à l’École), Frédéric Miquel dresse un constat d’éloignement, et d’enfermement réciproque de deux mondes : celui des familles « manouches » et l’Institution scolaire. La force de son constat vient du fait qu’il ne désigne aucun de ces deux mondes sur le mode de la défaillance ; il s’attache au contraire, à exposer (plaider serait plus juste) ce que ces deux mondes perdent à ne pas se fréquenter. Ce point de vue est suffisamment révolutionnaire pour être souligné. En n’incluant pas les populations tziganes, ou alors insuffisamment, et d’une manière insatisfaisante, l’Institution scolaire perd une chance de se réformer par le regard unique de ces jeunes, sur la vie et la société.
En n’accueillant pas ces publics, en ne réussissant pas à les « accrocher », les enseignants perdent une occasion de voir autrement leur propre fonction et leur métier. En particulier, la question de la relation humaine, de la Fraternité, de l’authenticité de la rencontre des cultures, constitue, selon l’auteur, le manquement le plus important de la culture de l’École, pour attirer et retenir ces publics d’enfants et adolescents. Et au-delà, sans doute tous les autres…
On ne recherchera pas dans cet ouvrage un catalogue de recommandations, ou des propositions de mesures. C’est un texte qui porte et partage une réflexion courageuse et libre pour attaquer les idées toutes faites, les évidences et les principes concernant les problèmes « d’inclusion de ces publics » qui trop souvent empêchent de penser ou changer.
Personnellement, à partir de l’expérience en Pédagogie sociale qui m’a permis de rencontrer et fréquenter d’autres groupes de la population tzigane (les Rroms), je ne peux que comprendre et ressentir toute la sensibilité qui s’exprime dans ces pages.
Il manque peut-être à cet ouvrage (mais ce n’est pas son objectif) les enseignements que les éducateurs peuvent entrevoir en allant au-devant de cette population. La question des relations entre enfants de culture tzigane et l’École, nous poussent à questionner un système d’enseignement basé sur la contrainte… lorsqu’il rencontre des enfants qui se sentent culturellement libres de leurs choix et décisions. Cela interroge notre conception de l’Enfance, de l’Éducation, et porte en creux, la nécessité de penser un nouveau système éducatif qui ne s’arrêterait pas aux murs des institutions, et qui donnerait lieu à des pratiques « hors les murs ». Pour libérer le regard des éducateurs, sortir des impasses, ne faut-il pas d’abord sortir des institutions ?