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Musées et artistes vus par la bande dessinée
Depuis quelques années, les musées d’art portent un intérêt grandissant à la bande dessinée. Des initiatives de Joan Sfar avec Pascin dès 1997[[Pascin, Joan Sfar, L’association, publié entre 2000 et 2002 (dès 1997, dans la revue Lapin).]] et plus tard, d’un des responsables des éditions du Louvre, Fabrice Douar, coordinateur d’un projet associant le Louvre aux éditions Futuropolis à partir de 2005, ont abouti à des bandes dessinées abordant l’art et les musées comme thématique centrale.
Un médium de communicationHenri Loyrette, président directeur du Louvre, envisage la bande dessinée comme « un phénomène artistique en plein essor depuis une décennie » ; à ce titre, elle entre dans la politique du Louvre qui est d’ « [aller à la rencontre] d’une nouvelle forme de créativité contemporaine[[Extrait de l’interview d’Henri Loyrette, président directeur du Louvre, DBD, février 2009, page 13.]] ».Pour les musées, la bande dessinée est un médium capable de rajeunir le public ainsi que le regard porté sur leurs collections. Ils recherchent une vision nouvelle, plus accessible qu’un livre d’histoire de l’art et versant davantage dans le sensible que dans l’informatif. L’intention du Centre Georges Pompidou est clairement posée : « Où retrouver cette vibration, ces émotions ressenties pendant l’exposition ? Où retrouver l’intimité ? Certainement pas entre les lignes des historiens d’art[[« Pourquoi Dali par Baudoin », Jeanne Alechinsky, site de la CIBDI]] » écrit Jeanne Alechinsky, responsable des éditions du Centre Pompidou, expliquant son choix de la bande dessinée pour l’exposition Dalí.Ainsi, c’est par le regard d’artistes dans leurs diversités sensibles et techniques que nous abordons les lieux, les artistes et les œuvres. Mais ce sont aussi des références et des problématiques propres à chacun des auteurs qui sont mises en jeu et au jour. Ces albums nous emmènent dans une relation étroite entre le sujet, l’artiste et le médium. Henri Loyrette parle « [d’] albums-passerelles entre bande dessinée et histoire de l’art[[Extrait de l’interview d’Henri Loyrette, op.cit.]] ».L’entreprise menée par les musées prend alors tout son intérêt : proposer un regard artistique sensible et contemporain sur les artistes et les collections d’œuvres.
revisiter une périodeLes auteurs jouent de « cette capacité de mise à distance et de réélaboration du réel[[Benoît Peeters dans « Rencontre avec B. Peeters : La Bande dessinée connaît un nouvel âge d’or créatif » de Céline Bagault, mis en ligne sur http://www.scienceshumaines.com/, le 20 février 2012.]] » inhérente à la bande dessinée pour mettre en valeur certains aspects de la vie et de l’œuvre d’un artiste tout en ayant une liberté de ton propre à chacun. Comme l’explique Julie Birmant, scénariste de Pablo[[Pablo, Tomes 1 et 2, Julie Birmant et Clément Oubrerie, Dargaud, 2012.]] : « Je voulais rendre quelque chose de l’ordre de l’émotion, pas seulement citer une longue liste de dates et de faits[[Interview de Julie Birmant et Clément Oubrerie, extraits, Léo Pajon dans Arts magazine, septembre 2012, p.25.]] ». Ainsi, outre la volonté de précision historique présentée dans certains albums, la préoccupation principale des auteurs est de rendre l’atmosphère d’une époque, des lieux de vie d’un artiste véritablement palpable.Si Gradimir Smudja avec son Vincent et Van Gogh[[Vincent et Van Gogh, Gradimir Smudja, Delcourt, 2003.]] notamment, a (brillamment) adopté le style de Van Gogh, c’est dans une intention « d’hommage d’un peintre à un collègue[[Article sur G. Smudja, site http://www.bedetheque.com/]] ». Pour la plupart des auteurs, il ne s’agit pas de pasticher le style de l’artiste mais de le suggérer. Clément Oubrerie, dessinateur de Pablo explique qu’ « en référence aux peintres de l’époque, [il est] parti sur des formats plus grands (…) avec des techniques traditionnelles, le fusain, le crayon…[[Interview de Julie Birmant et Clément Oubrerie, op.cit]] ». Il en va de même pour les albums abordant Egon Schiele ou Rembrandt[[Egon Schiele, Xavier Coste, Casterman, 2012 et Rembrandt, Olivier et Denis Deprez, Casterman, 2008.]] dont les auteurs utilisent des styles proches de ceux-ci tant dans les couleurs que dans le trait afin de favoriser la plongée dans l’univers des artistes et de l’époque. Joan Sfar, lui, opte pour une autre stratégie en écrivant dans l’avant-propos de Pascin « ceci n’est pas une biographie du peintre et dessinateur Julius Pinkas dit Pasquin (1885-1930)[[Extraits de Pascin en référence à René Magritte et La trahison des images, 1929.]] ». Ainsi, cela lui permet-il d’entrer pleinement dans l’univers du peintre tout en se détachant des contraintes historiques.C’est là l’occasion, pour ces auteurs, de nous plonger au cœur de la création artistique et de ses problématiques.