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Les EPI existent déjà dans les lycées agricoles
Pendant le Salon de l’agriculture, nous avons participé à une réunion de presse organisée par le Réseau de l’enseignement agricole privé (CNEAP). Occasion pour les intervenants de donner quelques informations sur les réussites de ce type d’enseignement, réussites dont les Cahiers pédagogiques se sont plusieurs fois fait l’écho, y compris sous forme de dossier complet (n° 289 – « Les lycées agricoles : un laboratoire d’innovations grandeur réelle », décembre 1990). Mais le thème essentiel était indiqué par le titre de la réunion : « La réforme du collège ? Une réalité pour les classes de 4ème et 3ème de l’enseignement agricole depuis 30 ans ».
L’interdisciplinarité, on connait dans cet enseignement, souvent très concret et pratique, mais qui sait aussi s’adapter aux exigences de la modernité. Dans les établissements privés comme dans le public, une large autonomie est laissée aux établissements pour gérer les horaires et organiser l’année. Mais à côté des enseignements obligatoires qui comprennent aussi comme « matière » l’éducation socio-culturelle, de nombreuses heures sont dévolues à l’interdisciplinarité (qui seront donc à la rentrée sept heures d’EPI sur un total de trente) et des semaines thématiques sont organisées (exemples : semaine de l’eau, qui mobilise de nombreuses disciplines), plus des stages professionnels.
Pédagogie de projet
La pédagogie de projet est au cœur des enseignements, et la co-animation ou la pluri-animation sont fréquentes, quitte à ce que soit organisée « autrement » la distribution des moyens et le temps de service des enseignants. Ces pratiques s’accompagnent d’une évaluation par compétences et d’un accompagnement personnalisé des élèves qui, pour beaucoup, retrouvent de la motivation à se confronter au terrain (la terre, les animaux, mais aussi la recherche pour être plus performants, sans oublier les préoccupations écologiques). La ministre de l’Éducation nationale avait d’ailleurs manifesté son vif intérêt pour cette expérience qui a sans doute en partie inspiré les nouveaux dispositifs.
La réforme officielle s’appliquera donc dans ces établissements, mais avec une adaptation spécifique (le DNB, réussi à 90%, est aussi adapté à ce parcours déjà professionnel). Il ne concerne que les 4ème et 3ème, puisqu’il n’y pas de 5ème, ce qui n’est pas forcément cohérent avec l’idée de cycle 4. La représentante du ministère de l’Agriculture, présente, a déclaré qu’il pouvait y avoir une évolution sur ce point, ce qui est demandé par les établissements agricoles.
Bref, un message optimiste et dynamique qui tranchait avec une certaine morosité, pour ne pas dire plus, d’un milieu professionnel inquiet pour l’avenir de l’agriculture en France…
Deux témoignages de lycées
Deux établissements étaient présents par l’intermédiaire de leur directeur, accompagné d’élèves de quatrième et troisième. Ils nous présentent les projets interdisciplinaires qui sont mis en œuvre.
Xavier Marin dirige le LEAP de Nermont, en Eure-et-Loir, qui dispense des formations notamment dans les productions végétales et le monde du cheval, mais aussi le numérique («les champs du possible»).
«Les heures interdisciplinaires se déroulent sur trois demi-journées, les soixante jeunes de quatrième choisissent trois ateliers par semestre. Même chose en troisième. L’enseignant a trois heures d’atelier sur trente-deux semaines. L’équipe se réunit en début d’année pour choisir sur quel atelier chacun va travailler avec souvent des co-animations. Les projets sont évalués à partir des réalisations. Les ateliers deviendront donc des EPI, ce qui demandera une certaine évolution, avec par exemple un accent mis sur le numérique ou l’agro-écologie dans le cadre du développement durable.
Parmi les projets dont je suis particulièrement fier, je citerai en quatrième un voyage d’étude sur une semaine pour découvrir une région nouvelle avec une approche sportive en lien avec la région (canoé, escalade, accrobranche,) ou en troisième, la « semaine Orientation » : mise en place d’un forum avec des professionnels pour une découverte des métiers demandés par les jeunes en interne au sein de l’établissement. Mais aussi un travail lors d’une semaine Histoire des arts autour du château de Cheverny, modèle de Moulinsart avec donc l’exploitation de la BD de Tintin. Nous avons fait intervenir des artistes locaux. Ces projets sont l’occasion d’échanges nombreux où les élèves sont vraiment acteurs.»
Philippe Bréant a en charge le LPEA de Tourville, dans l’Eure. Il évoque aussi des projets très stimulants. Ainsi le suivi de petits animaux en quatrième, en liant les sciences et techniques agronomiques et mathématiques (calculs de croissance), le projet Pomme (nous sommes en Normandie !) avec une partie théorique sur la production de pommes, la fabrication du cidre, du jus de pomme et une partie pratique avec la fabrication et la vente, l’atelier greffe en Sciences technique agronomie (qui permet d’aborder aussi des notions d’économie sociale et familiale, pour la gestion des dépenses et recettes, budget et des notions de technique de vente en lien avec la filière commerce, pluridisciplinarité avec l’informatique pour la conception des étiquettes, des affiches pour la vente). Un film d’animation sur les métiers de l’agriculture a été réalisé avec l’aide de la Fondation de France, impliquant le français et l’éducation socio-culturelle.
Ces projets sont des occasions d’appropriation des savoirs, même si les jeunes ne se rendent pas toujours compte de cette utilisation qui pour eux tombe sous le sens… Mais l’essentiel est bien que tout cela les fait aussi progresser dans les matières générales. Même si du travail reste à faire pour mieux relier encore le professionnel et les savoirs dits généraux.»
Jean-Michel Zakhartchouk