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Quelle autonomie, quelle gouvernance pour le premier degré ?

Le SGEN-CFDT s’était associé au GDID (Groupement de défense des idées des directeurs d’école) pour organiser sur ce thème un fort stimulant colloque, à Paris, le 15 novembre. Comme l’a dit en conclusion la secrétaire générale du syndicat, Catherine Nave-Bekhti, les questions d’autonomie des établissements sont plutôt à aborder sur le fond et non par une entrée par les « structures ». Ce qui est à l’intérieur de la coquille plutôt que la coquille elle-même.

Et plusieurs intervenants l’ont répété : l’autonomie ne peut pas être un objectif, elle n’est qu’un moyen, et surtout pas l’outil magique qui permettrait la réussite de tous les élèves. Les chercheurs Corinne Heckmann de l’OCDE et Olivier Rey de l’IFÉ l’ont bien montré, notamment à travers l’analyse d’expériences étrangères. Si une plus grande autonomie des écoles peut avoir des effets positifs sur l’engagement des équipes par exemple, elle peut aussi être un vecteur d’inégalités fortes. La Suède a poussé très loin en ce sens et les résultats n’ont pas vraiment suivi si on en croit les tests PISA.

Rôle et statut

Une des thématiques était celle des missions du directeur d’école, présentes et à venir, alors même que les problèmes de sécurité ajoutent aux tâches multiples qu’ils doivent accomplir, d’où souffrances et menaces de burnout ? Peut-on par exemple prendre comme modèle le fonctionnement du collège, alors même que les conditions ne sont pas les mêmes ? Il a été rappelé que le temps des directeurs était d’abord consacré à l’enseignement dans la grande majorité des cas.

Comment remplir ces missions définies par Olivier Rey : orienter, opérationnaliser, rendre compte, confronter le prescrit au réel ? Comment éviter que les réponses administratives prennent le pas sur la pédagogie ? Quel choix faire entre seulement accompagner, faciliter et impulser le travail d’équipe ? Celui-ci a été bien sûr souvent mis en avant par les intervenants. Déléguer parait bien être la seule solution justement face à la lourdeur des tâches. Reste l’épineuse question du « statut » du directeur sur laquelle les avis sont partagés.

Idées reçues

Jean-Paul Delahaye, ancien DGESCO, a, dans une intervention décapante, proposé des rappels historiques en citant des textes des premiers pas de l’école de la République. Il a souligné que, depuis longtemps il existe une tendance au refus de l’autonomie au profit d’un certain confort, car, après tout, obéir aux injonctions venues d’en haut déresponsabilise.

Nous avons aussi retrouvé le punch et l’humour de Christine Vallin, IEN dans le département du Nord, qui a convoqué pas moins que Ricœur et Aristote pour détruire des idées reçues sur l’autorité et la verticalité, liées souvent à la recherche du bouc émissaire (l’État, l’inspecteur, la mairie…). Ce qui importe, c’est bien le travail collectif qui se construit peu à peu, comme elle en témoigne pour sa circonscription.

Jean-Luc Cazaillon, directeur général des Ceméa, a aussi appelé à ne pas en rester trop dans le cadre scolaire et d’aller voir dans les autres professions qui peuvent être source d’inspiration pour ces questions de gouvernance.

Et Damien Berhitlier, président du Réseau français des villes éducatrices, a rappelé l’importance du partenaire essentiel qu’est la collectivité locale. Reste à savoir si tout le monde cherche vraiment la réussite de tous, l’épisode des rythmes scolaires ne va pas dans ce sens !

Dans la salle, de nombreux directeurs d’école étaient là pour rappeler l’urgence de transformer cette gouvernance des écoles, tout en étant très vigilants sur les projets ministériels qui n’iront pas forcément dans le sens souhaité par l’assistance !

Jean-Michel Zakhartchouk



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