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La mixité sociale au collège, c’est plutôt positif !

Qu’est-ce que la mixité sociale au collège fait aux élèves ? D’après une étude menée pour le CSEN (Conseil supérieur de l’éducation nationale), si elle ne semble pas avoir d’effet notable sur les résultats scolaires (ni en positif en en négatif), elle en a sur l’intégration sociale, l’ouverture aux autres et la solidarité des élèves.

Une très intéressante étude vient d’être publiée par le Conseil supérieur de l’éducation nationale (CSEN) exposant les premiers résultats des expérimentations menées en France au niveau du collège. Elle est due à trois chercheurs : Julien Grenet, directeur de recherche au CNRS et à l’École d’économie de Paris, Élise Huillery, professeure des universités à Paris Dauphine-PSL, et Youssef Souidi, postdoctorant au CNRS et à l’université Paris Dauphine-PSL.

Si on résume ce qui ressort de l’étude : les « bons » élèves ne perdent rien à être dans des collèges mixtes, il n’y a pas de véritable fuite vers le privé quand c’est bien fait, et la mixité améliore le climat scolaire et la confiance en soi de la plupart des élèves. Reste que les élèves issus des milieux populaires ne semblent pas en revanche améliorer leurs résultats scolaires.

Mais reprenons les choses plus précisément.

D’abord, les auteurs exposent leur méthodologie : échantillons choisis, lutte contre les biais possibles de leur étude, limites de celle-ci. Ils se sont appuyés sur ce qu’ils appellent « l’indice d’exposition » en séparant en deux catégories les élèves (milieu favorisé/milieu défavorisé) et en assumant cette division binaire simplificatrice : la mixité sociale est maximale lorsque les taux d’exposition des deux catégories l’une par rapport à l’autre sont égales au sein d’un même collège.

Approches diverses

En 2016, sous le ministère de Najat Vallaud-Belkacem, vingt-deux sites se sont engagés dans des actions locales pour réduire la ségrégation sociale entre collèges publics d’un même territoire. Cinquante-six collèges ont été concernés, dont certains très « défavorisés » (alors que les collèges plus favorisés étaient dans la moyenne nationale quant à la composition sociale).

Diverses approches ont été mises en œuvre : réunion des secteurs de plusieurs collèges en un seul avec un choix scolaire régulé ou la spécialisation de tel collège par rapport à tel autre dans les niveaux de classe (affectation uniforme en 6e et 5e dans un collège, puis alternance…), implantation de sections à recrutement spécifique dans des collèges défavorisés (mais cela ne doit pas conduire à une ségrégation à l’intérieur du collège entre les « bonnes » classes et les autres…).

Ces sites dits « pilotes » ont été comparés à des sites témoins présentant les mêmes caractéristiques quant à la composition sociale. 112 collèges ont ainsi été retenus (cinquante-six pilotes, cinquante-six témoins), et l’étude s’est déroulée de 2017 à 2021.

Plus de mixité

Les actions entreprises ont permis une augmentation moyenne de la mixité sociale, certes non spectaculaire, mais significative. Mais dans certains sites, où les écarts entre collèges étaient forts avant le lancement de l’expérimentation, la réduction de ces écarts a été importante et on s’est rapproché de la moyenne nationale. Les auteurs ont donc concentré l’étude sur ces sites-là, en examinant à la fois les effets sur les résultats scolaires des élèves et ceux se rapportant au bienêtre et aux attitudes sociales, en collectant ces résultats à la fin de la 6e et à la fin de la 4e.

Les évaluations réalisées n’ont pas dégagé de progression des élèves dans les collèges pilotes. Mais pas davantage de « baisse de niveau », souvent crainte par ceux qui s’opposent à la mixité sociale.
Pour les indicateurs non-scolaires, en revanche, beaucoup de positif. D’ailleurs, l’estime de soi des élèves plus « favorisés » a augmenté, vu l’augmentation de leur position relative dans l’établissement pilote.
Plus de confiance et d’optimisme

Mais tous les élèves des collèges pilotes semblent avoir davantage confiance en eux-mêmes, et être plus optimistes sur le rendement de l’effort.

Les relations sociales se sont améliorées entre élèves, les élèves de milieu « défavorisé » se sentent davantage en sécurité et ont de meilleures relations avec leurs amis, mais cela vaut aussi pour les élèves favorisés. « Ce résultat est important, car il indique que l’amélioration des relations sociales des uns ne s’effectue pas au détriment de celle des autres », relèvent les auteurs de la note. On note aussi que les élèves sont plus enclins à coopérer.

L’étude s’achève par une comparaison avec d’autres études dans divers pays, mais qui se sont beaucoup centrées sur les résultats scolaires et moins sur les autres dimensions de la vie des élèves. Cependant, deux études américaines vont dans le même sens des effets positifs sur la socialisation, des effets souvent à long terme. D’ailleurs, les auteurs de la note du CSEN soulignent que l’étude s’est limitée aux trois premières années passées au collège, et qu’ils « n’excluent pas que la mixité sociale puisse influencer à plus long terme les parcours scolaires des élèves, à travers notamment leurs choix d’orientation ».

Les conclusions restent prudentes, cette étude doit en appeler d’autres, mais à l’heure où il semble que le ministère veuille agir en matière de mixité sociale après cinq ans d’inertie, ce travail émanant donc d’une instance officielle ne peut qu’encourager à aller plus loin dans la lutte contre les ségrégations sociale et scolaire.

Jean-Michel Zakhartchouk

Lire la note du CSEN


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