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L’accompagnement pour remédier à l’échec

Premier enseignement de l’enquête de Trajectoires-Réflex pour l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la Ville) : l’accompagnement n’est pas subi mais souhaité par 86 % des jeunes interrogés, les filles étant plus enthousiastes que les garçons (90 % contre 80%). Et lors des premières séances d’aide, 53 % sont plutôt contents et 26 % plutôt motivés.

Leur attente porte d’abord à plus de 60 % sur la réussite scolaire et l’aide aux devoirs. Mais une relation interpersonnelle se construit, et les jeunes interrogés voient l’étudiant qui les accompagne comme « un ami » (à 55 %), qui discute souvent avec les parents (69 %).

Pour ce qui concerne les résultats obtenus, l’accompagnement, bien sûr, renforce l’estime de soi : 73 % des jeunes considèrent que l’étudiant leur a fait découvrir des qualités en eux. Les jeunes se sentent plus confiants en classe (64 %). Ils sont aussi plus motivés qu’avant (70 %), plus concentrés (61 %) et plus intéressés (59 %). Enfin, pour la moitié, ils estiment être moins stressés qu’avant et prendre davantage la parole en cours. Et 84 % disent que l’étudiant les a aidés à mieux réussir un examen ou un contrôle.

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Impact sur la vie personnelle

Majoritairement, l’accompagnement a également des impacts dans la vie personnelle (découverte de la bibliothèque et autres nouveaux lieux, de nouveaux livres…).

On notera qu’avec l’étudiant, les découvertes des jeunes sont moins axées sur les divertissements qu’ils connaissent déjà (sports, musiques, séries et jeux-vidéos), pour se concentrer sur ce qui ne leur est pas familier. Et en particulier la lecture de l’actualité : plus de la moitié des jeunes parle de l’actualité avec leur étudiant (53 %), et notamment les élèves de 1re (78 %) et de Terminale (75 %).

Et 66 % des jeunes déclarent aussi que depuis que l’accompagnement a démarré ils ont une relation plus apaisée avec leurs parents.

Concernant la découverte professionnelle, l’étudiant accompagnateur est aussi un appui. Ainsi, les élèves de la 4e à la Terminale sont 80% à considérer que leur étudiant les a aidés à y voir plus clair dans leur projet scolaire et/ou professionnel. Pour 47% d’entre eux, l’étudiant leur a fait découvrir de nouveaux métiers – et ils sont 37% à déclarer qu’il leur a fait découvrir le métier qu’ils veulent exercer plus tard.

Des effets très positifs, donc, mais qui ne bénéficient pas à tous les jeunes en difficulté : l’AFEV n’accompagne « que » 8000 jeunes chaque année, et Oscar Prieto-Flores, enseignant-chercheur à l’université de Gérone, souligne que la probabilité d’avoir un mentor « naturel » (dans la famille ou le réseau relationnel) est de 49 % pour les enfants de la classe ouvrière, contre 85 % pour ceux de la classe moyenne.

Et dans l’enseignement ?

Il semble donc bien que l’école ait là aussi son rôle à jouer.
L’écrivain Maxime Chattam, parrain de cette édition de la Journée de refus de l’échec scolaire, a retracé en ouverture son parcours d’ancien « mauvais élève » à l’adolescence : « La vie était ailleurs, pas dans le travail scolaire ou les livres » dit-il. « J’étais curieux mais les portes d’entrée dans la culture telles qu’on les concevait à l’Éducation nationale ne me correspondaient pas », explique-t-il encore.
En écho, dans une vidéo enregistrée à destination des participants de la journée, Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l’OCDE, a qualifié l’échec scolaire de « gâchis de talents humains ». Pour lui, si l’enseignement était auparavant axé sur les matières, il doit aujourd’hui être axé sur les projets collectifs. « L’avenir est collaboratif », ajoutait-il.

Précisément, l’accompagnement développe – et ce, à priori, aussi bien chez l’étudiant que chez le jeune accompagné – des compétences transversales, ou soft skills, particulièrement recherchés par les employeurs aujourd’hui. De fait, Hélène Garner, directrice du département Travail, emploi compétences de France Stratégie, a rappelé lors d’une des conférences de la journée, que ces compétences transversales sont jugées importantes pour le 21e siècle. Ainsi, elle rapporte qu’une étude de Pôle emploi montre que parmi les compétences les plus indispensables aux yeux des recruteurs figurent notamment la capacité à organiser le travail et hiérarchiser les tâches et l’autonomie, des compétences précisément déployées dans le cadre de l’accompagnement.

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Assez logiquement donc, la première table ronde de l’après-midi a élargi la réflexion sur l’accompagnement à l’émergence de celui-ci dans les pratiques de classe. Hélène Garner, a ainsi rappelé que « les pratiques pédagogiques et la manière dont on enseigne impactent aussi les apprentissages. On n’enseigne pas et on n’apprend pas de la même manière au XXIe siècle qu’au XXe. » Pour sa part, Nicolas Turquet, conseiller du directeur général de Canopé, a estimé que les TPE et les EPI font « vaciller l’enseignant vers de nouvelles postures face aux élèves, et notamment vers des démarches d’accompagnement ». Quant à Jean-Marc Merriaux, directeur du numérique pour l’éducation au ministère de l’Éducation nationale, il a relié l’accompagnement et le mentorat à la question de l’architecture scolaire et de l’organisation de l’espace de la classe, estimant qu’il n’est pas possible d’adopter cette posture d’accompagnant dans la forme scolaire classique.

Cécile Blanchard


Encadré :
L’enquête de Trajectoires-Réflex pour l’AFEV a été réalisée en mai/juin 2019 auprès de 552 enfants et jeunes du CM1 à la Terminale accompagnés par un ou une étudiante bénévole de l’AFEV.

Pour en savoir plus:
Le dossier en ligne de l’AFEV sur cette 12ème édition de la journée de refus de l’échec scolaire-> http://www.lab-afev.org/refusechecscolaire/

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