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Éducation artistique : l’échec n’est pas permis

jf_cabasso_2.jpgQuel est le sens de votre appel ? Comment pensez-vous faire bouger les lignes, après le rapport assez vague de la commission devant faire des propositions sur l’éducation artistique et culturelle ?

Deux concertations viennent d’être réalisées, sur l’éducation artistique et culturelle, dont les conclusions laissent perplexe. Les propositions actuelles sont très en deçà de nos attentes. Nous essayons donc de suggérer quelques idées qui permettraient de donner sens à la politique annoncée, sans savoir si elles seront entendues. Le silence eut été pour nous une trahison de nos propres convictions. Nous avons décidé de nous constituer en  » collectif pour l’éducation, par l’art », et de rendre publiques nos réflexions.

Parmi les quelques réactions à votre tribune, on trouve notamment l’idée que tout cela, c’est du luxe, alors qu’il faut se recentrer sur les fondamentaux, et qu’il y a des préalables (bien lire…). Que répondez-vous à cela ?

Il est naturel que des parents, des enseignants, des artistes, s’interrogent sur le bien fondé de l’éducation artistique et culturelle dans les cursus scolaires, puisque toute la tradition scolaire française a fait de ce domaine une activité mineure. Pourtant des expériences innombrables ont démontré, partout dans le monde, la pertinence de ces activités. Les mêmes prétendent sans doute que toute politique d’éducation active est irresponsable, que toute aide à la création artistique est inutile, etc. Il s’agit-là d’un élément, parmi d’autres, de la grande bataille pour une autre école et pour une autre action culturelle.

jf_cabasso_1.jpgDeux idées sont également critiquées : le fait d’évaluer les parcours et le risque de créer un effet d’aubaine pour des artistes si on développe les ateliers culturels. Qu’en pensez-vous ?

Si les activités d’éducation artistique et culturelle demeurent en marge du système, sans conséquences sur la scolarité des jeunes, elles seront considérées au mieux comme un loisir de luxe, au pire comme une obligation inutile. Si elles sont validées, ce qui ne veut pas dire notées mais prises en compte selon l’engagement de l’élève, elles peuvent être un élément essentiel de la rénovation pédagogique.

L’effet d’aubaine pour des artistes peut être réel. Ouvrir un « marché » de l’intervention artistique en milieu scolaire sans maîtriser les critères de qualification, peut mener à la médiocrité. Trois éléments peuvent éviter ce phénomène : le partenariat, la formation, l’évaluation. Le partenariat, c’est l’engagement conjoint d’artistes et de responsables éducatifs dans la réalisation des projets. Cette dimension oblige à la collégialité des choix. Mais la vraie solution, c’est la formation, initiale et continue, des tous les acteurs. Formation des enseignants à la conduite de projets, formation des artistes à l’intervention, formation des acteurs culturels à la négociation de projets, etc. Il serait absurde de prétendre développer une nouvelle politique de l’éducation artistique et culturelle sans véritables formations. Enfin, il faudra travailler à l’évaluation des parcours proposés, évaluation conjointe, processus indispensable à la qualité et au sens même du travail réalisé.

Vous prônez la création d’un Pôle national pour l’éducation artistique et culturelle. En quoi serait-il différent de ce qui existe ? Que signifierait un pilotage national, par rapport au souhait de multiplier les initiatives locales ?

Plus il y aura une diversité de projets et de parcours, plus ils seront décentralisés, plus il nous semble indispensable qu’existe un « pôle national de référence » qui reste à imaginer. Si l’on veut éviter la fragmentation absolue des pratiques, capitaliser les expériences, aider à la conception de projets, assurer une transversalité des domaines artistiques, s’ouvrir à la dimension internationale, proposer des publications… alors un « pôle national » indépendant peut être de la plus grande utilité. Nous suggérons qu’il remplace le Haut Conseil de l’éducation artistique dont la pertinence reste à démontrer.

Jean-Gabriel Carasso
Propos recueillis pas JM Zakhartchouk