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Climat scolaire : ensemble, c’est tout

De la lutte contre le harcèlement au souci du bien vivre à l’école, le climat scolaire est devenu une préoccupation institutionnelle, locale et partagée. Clément Hesling, chargé de mission pour le climat scolaire, accompagne les écoles et les établissements de l’Académie de Versailles sur la question. Il nous raconte en quoi le climat scolaire rassemble des domaines vécus souvent de façon parallèle pour donner une acception généreuse au terme communauté éducative.

La vie scolaire est depuis longtemps le lieu éducatif qu’il a choisi, depuis que, surveillant d’externat, il a découvert ce qu’elle revêtait, l’organisation qu’elle supposait pour « mettre les élèves dans de bonnes conditions d’apprentissage ». Passer le concours de Conseiller principal d’éducation coule pour lui de source, afin d’aller plus loin, de prendre une part plus importante pour « mettre en musique entre les cours ce qui est nécessaire pour que tout se passe bien en cours ».

Titulaire sur zone de remplacement, il travaille principalement dans les lycées, contribue à mettre en place des conseils de vie lycéenne, espaces démocratiques qui permettent « d’impliquer les élèves afin qu’ils travaillent eux aussi au meilleur fonctionnement de l’établissement ». Il vit des situations différentes, des climats scolaires qui varient de l’une à l’autre. Partout, il constate l’intérêt d’associer les lycéens.

Nous étions à l’orée des années 2010, lorsque le climat scolaire a été de plus en plus investi par les niveaux académiques, traduction d’une préoccupation ministérielle. Le harcèlement, en particulier, fait l’objet d’études et de mesures. Éric Debarbieux mène alors une mission sur la violence scolaire avec une enquête pour l’alimenter. En 2013, un poste de Délégué académique à la vie lycéenne et collégienne se libère, Clément Hesling candidate et est retenu. Il tisse un réseau avec les référents de vie lycéenne dans les établissements, travaille avec les différentes directions académiques, accompagne les projets locaux, crée du lien et de la cohérence entre les structures rectorales et le terrain. Là aussi, il veille à impliquer les élèves, à les inclure dans les instances.

Faire travailler tout le monde ensemble

En 2017, il devient chargé de mission climat scolaire et œuvre à une organisation académique en associant des personnes qui « n’ont pas l’habitude de travailler ensemble ». Il participe à l’installation de groupes de travail sur différentes thématiques, en sortant « d’une logique de tuyaux ». Il coordonne le déploiement de l’enquête sur le climat scolaire, veille au lien entre les orientations politiques et ce qui se pratique dans les établissements.

Dans ce cadre, la lutte contre le harcèlement scolaire est une priorité qui se décline dans une approche préventive où la coéducation a toute sa place. « J’ai l’habitude de dire que je suis un peu couteau suisse, je m’adapte aux demandes, je mets de l’huile dans les rouages. » Il se déplace beaucoup dans les établissements, participe à la formation de toutes les catégories de personnels, qu’ils soient adjoints, gestionnaires, personnels de service, adjoints de prévention de sécurité, personnels éducatifs.

La clé de l’amélioration du climat scolaire est là aussi, dans une connaissance et une approche partagées. Au niveau académique, le souci de travailler en commun est identique en associant des directions et des acteurs qui d’ordinaire travaillent les uns en parallèle des autres sans réellement mutualiser. La question du climat scolaire devient alors un support pour mieux comprendre le rôle de chacun et en quoi, en les reliant, ils peuvent contribuer à un mieux vivre à l’école.

Enquêtes sur le climat

Les enquêtes locales sur le climat scolaire sont une porte d’entrée pour la mise en place de plans d’amélioration et d’action. Initiées au collège, près de quatre-vingt l’an passé dans l’académie, elles sont maintenant utilisées dans les écoles et lycées. L’enquête de départ, créée par Éric Debarbieux, comme support de recherche pour l’observatoire des violences scolaires, a été depuis enrichie de questions sur le bienêtre, les relations des élèves avec les professeurs et la vie scolaire, le sentiment de justice, l’évaluation.

Les résultats ne sont pas remontés au niveau académique, ils alimentent le diagnostic local, un diagnostic souhaité partagé, fondé sur les réponses de tous les élèves et des personnels volontaires. « Il y a parfois des surprises. Les enquêtes révèlent des choses que l’on ne soupçonne pas. Dans un collège, c’est la question de la justice scolaire qui est ressortie. La moitié des collégiens estimaient les punitions injustes. Cela entraîne des discussions intéressantes. » L’échange peut alors visiter les thèmes de la confiance, de l’évaluation, de l’implication des élèves.

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Dessin de Borris pour le n°523 des Cahiers pédagogiques, « Le climat scolaire ».

Pour améliorer le climat scolaire, le levier le plus efficace n’est pas forcément le plus évident. « Il faut avoir une approche systémique, prendre du recul, regarder l’ensemble. » Les points forts sont soulignés pour voir comment les renforcer pour améliorer le reste. Alors, entre en jeu la coéducation, le travail partenarial, la pédagogie et la question de l’évaluation. Les élèves sont associés dans l’analyse des retours. « Ils ont plein d’idées, ce sont eux qui connaissent le mieux l’établissement. Et puis, les associer à la prise de décision permet de travailler sur l’autonomie, la citoyenneté. »

Associer les élèves

La prévention du harcèlement scolaire est un exemple de démarche impliquant une approche systémique du climat scolaire. En particulier, c’est un des volets où associer les élèves renforce l’efficacité du projet. « Les chefs d’établissement qui se mettent dans la démarche constatent que les projets de prévention s’enrichissent en associant les élèves. » Depuis 2014, dans l’académie de Versailles, des ambassadeurs lycéens sont formés pour intervenir et agir au sein de leur lycée.

Désormais, des collégiens sont aussi impliqués avec un dispositif, « graines d’ambassadeurs ». « On offre une formation aux élèves qui va permettre aux chefs d’établissement de les intégrer dans la conception et l’animation d’un plan de prévention. » Sous la forme d’un hackathon, les collégiens sont invités à définir comment ils peuvent être actifs dans le dispositif de prévention et jusqu’où ils peuvent aller.

L’engagement est réel durant la formation comme après, de retour dans l’établissement. Les ambassadeurs et les graines d’ambassadeurs sont parfois aussi membres du conseil de vie du collège ou de vie lycéenne, des instances qui facilitent les relations entre les élèves et les adultes. « Lorsqu’il y a une habitude de faire vivre ces instances, d’avoir un dialogue constant, cela apaise les tensions et améliore le climat scolaire. On ne peut pas travailler la citoyenneté sans impliquer, associer, rendre actif. On dit que les élèves ne s’engagent pas, que c’est une génération égocentrée. Or, ils ont envie. »

Il cite l’exemple de ce collège dont la direction et le CPE ont été positivement pris au dépourvu par l’afflux de candidatures et de votes pour le Conseil de la vie collégienne. L’engagement amène aussi des apprentissages y compris sur le plan scolaire, des changements de posture qui font grandir, responsabilisent. Il révèle des aptitudes jusque-là peu perçues. Il faut convaincre les adultes que ce rôle d’élu participant aux instances de dialogue, nécessaire pour une ambiance de travail plus sereine, n’est pas dévolu exclusivement aux bons élèves.

Veiller à la qualité des relations

L’académie de Versailles est vaste et hétérogène. Elle regroupe des établissements de centre-ville, en milieu rural, en zones pavillonnaires ou sensibles. Le climat scolaire n’est pas forcément meilleur là où a priori on le penserait, naturellement lié à l’aspect paisible de l’environnement. Une pression scolaire trop forte, des exigences élevées sans bienveillance affirmée, suffisent à écorner la confiance.

Le climat scolaire est trop souvent perçu par le prisme de la violence. « Mon fil rouge, c’est la réussite des élèves. Si on est content d’aller en cours, si les relations sont bonnes avec les enseignants, les adultes dans l’établissement, les autres élèves, alors on réussit mieux. » La qualité des relations est primordiale. Elle nécessite d’impliquer tous les acteurs, y compris les parents et les partenaires du collège ou du lycée. « Il faut aller à l’encontre du saucissonnage de la vie dans un établissement, entre les cours, et les intercours. L’élève vit sa journée en continuité. » L’interdépendance est réelle, au-delà du sentiment que la classe vit de façon autonome chaque heure de cours. La question du climat scolaire oblige à la prendre en compte. « C’est une question fédératrice, y compris au sein d’un rectorat. Elle fait travailler ensemble des gens qui n’en avaient pas forcément l’habitude, finit par faire du commun. »

Monique Royer