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« Chaque situation est unique, liée à un contexte très spécifique »

Comment faire pour obtenir le calme et pour mettre la classe au travail ? S’il y a une question universelle parmi les enseignants et enseignantes, c’est bien celle-ci ! Elle rejoint celle de l’autorité, de l’accueil des élèves, pour créer une ambiance propice aux apprentissages. Les coordonnateurs de notre dossier n°589, « Tu la gères, ta classe ? », nous le présentent.
Pourquoi vous interroger sur le terme « gérer » ou « gestion » en début de dossier ?

Baptiste Hebben : Nous avons choisi de reprendre dans le titre du dossier et dans l’appel à contribution les termes de gestion de classe, car ils sont maintenant très utilisés par les enseignants et font par conséquent sens pour beaucoup de lecteurs. Même les formateurs l’utilisent, et les formations pour apprendre à « gérer sa classe » ont enraciné l’expression chez les jeunes enseignants.
Cependant, le fait même de « gérer » une classe peut être discuté, dans la mesure où la notion de gestion peut être ambivalente et avoir une connotation administrative ou managériale. C’est ainsi que les articles de cette première partie donnent du sens aux mots employés et aident à définir plus largement le titre du dossier.

Alexandra Rayzal : En effet, il nous a paru nécessaire de placer dès le début du dossier des articles qui discutent le sens de ce terme et ce que ça désigne dans nos pratiques de classe : conduire, « manager », diriger, organiser, mettre au travail, réguler ? Un peu tout cela à la fois, en fait, avec des inflexions et des modalités très différentes d’un enseignant à un autre.

Est-ce qu’il y a des règles indépassables pour « tenir » sa classe ?

A.R. : Il n’y a pas de recette, pas de formule magique », disent souvent les formateurs. Ça irrite beaucoup les enseignants en difficulté dans leur classe, et j’en ai fait partie ! C’est pourtant vrai : chaque situation est unique, liée à un contexte très spécifique. Mais il y a quand même quelques régularités, peut-être même des « invariants », pour paraphraser Freinet : avoir de la considération pour les élèves, une éthique du métier qui empêche de tomber dans le ressentiment et l’agressivité, ou l’humiliation dans les situations de provocation, par exemple. Même si c’est parfois difficile de garder son calme, il vaut mieux ne pas s’énerver, ne pas entamer une escalade délétère, plutôt différer le règlement du conflit quand la moutarde nous monte au nez. Face à un collectif juvénile volontiers provocateur, garder sa posture d’adulte responsable. Et puis, bien sûr, toutes les pistes énoncées dans le dossier sur la mise en activité, l’organisation du travail.

B.H. : Chaque classe est différente et, chaque année, il faut repartir à zéro sans que rien ne soit gagné d’avance. En revanche, il est important de réfléchir à la manière dont nous souhaitons « gérer » nos classes ; ce sont des choix éthiques, en rapport avec nos valeurs, comme le montrent les différents profils détaillés dans l’article de Roch Chouinard. L’important, en fait, est de connaitre les effets de nos actions sur nos élèves. Et les méthodes très (trop) béhavioristes sont rarement les plus efficaces, quoique fortement répandues…

Quelles sont les valeurs défendues dans ce dossier ?

B.H. : Proposer des alternatives, justement, aux méthodes béhavioristes, reposant notamment sur la responsabilisation de l’élève.

A.R. : Oui, garder en tête quelques règles pour soi-même, c’est aussi éviter de s’en remettre à des techniques de maintien de l’ordre, si l’on peut dire, qui vont à l’encontre de nos valeurs. Nous avons à élever les enfants, les amener au-delà, plus loin, les aider à grandir. Y compris sur le plan des comportements vis-à-vis des autres et du travail.

Quelque chose vous a particulièrement marqués ou plu dans le travail sur ce dossier ?

A.R. : J’ai beaucoup aimé les textes qui racontent avec humour les situations de classe et les choix opérés par les enseignants pour faire évoluer leurs pratiques !
Par ailleurs, ayant déjà coordonné un dossier à la thématique très proche il y a plusieurs années (« Quand la classe est difficile »), je craignais qu’on patine sur cette question, qu’on n’ait pas grand-chose de nouveau à dire. Pourtant, à la relecture, il me semble bien que les deux dossiers sont bien différents, qu’ils forment même avec le dossier plus récent, « L’Autorité éducative », un ensemble complémentaire et très riche.

B.H. : En effet, ce dossier et celui sur l’autorité éducative sont très complémentaires et offrent une analyse et des perspectives pédagogiques riches sur le sujet. Coordonner ce dossier m’a (ré)conforté dans l’idée qu’il est possible de faire progresser et apprendre nos élèves sans être obligé constamment de les menacer ou de les sanctionner. Ce qui tranche malheureusement avec les discours politiques actuels…

Propos recueillis par Cécile Blanchard

Sur notre librairie :

N° 589 – Tu la gères, ta classe ?

Dossier coordonné par Baptiste Hebben et Alexandra Rayzal

Comment « gère »-t-on une classe ? Comment faire vivre et travailler en collectif des enfants ou des adolescents qui n’ont pas choisi d’être ensemble dans cet espace-temps contraint qu’est la classe ? Notre dossier aborde les manières d’accueillir des élèves, d’obtenir et de maintenir une atmosphère de travail sécurisante plutôt que sécuritaire. Une réflexion qui relève donc aussi de l’éthique et du sens que chacun donne aux apprentissages.