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Antidote : se prémunir contre les mensonges et les idées reçues

À l’été 2016, on pouvait s’attendre à ce que l’année électorale à venir soit chargée en caricatures, fausses bonnes idées et poncifs rétrogrades sur l’école, son fonctionnement, les méthodes pédagogiques, etc. Nous avons alors souhaité, au CRAP-Cahiers pédagogiques, déconstruire ces caricatures et ces promesses hasardeuses. La rubrique Antidote a été conçue pour notre site, comme un remède aux simplismes rances et aux mythes miteux. Nous avons volontairement écarté les questions de suppressions de postes dans l’Éducation nationale ou de service des enseignants, ainsi que les attaques contre les différents métiers de l’éducation, quoique nous en pensions par ailleurs.

Severus Rogue : « Silence ! SILENCE ! Ceux qui ont reçu de la potion, venez tout de suite prendre un antidote. Et quand je saurai qui a fait ça… » Harry Potter et la chambre des secrets, J K Rowling, Bloomsbury, 1998 (version anglaise).

Finalement, c’est peu dire que la période préélectorale de l’année 2016-2017 aura surpris. Potentielle abstention record pour une élection présidentielle, indécision très importante des électeurs quelques jours encore avant le premier tour, vote utile et stratégies, recours à des hologrammes et vidéos virales, rebondissements et feuilletons affairistes ou à propos d’unions improbables entre candidats ou de soutiens inattendus pour d’autres, absence totale dans le débat des enjeux des législatives, etc. Une campagne hors norme, imprévisible, où le débat d’idées n’aura guère eu de place, jusque dans les débats télévisés, plutôt vite faits mal faits, surtout quand, par extraordinaire, les questions éducatives étaient abordées.

D’éducation il ne fut de fait guère question, pour un sujet pourtant censé passionner 65 millions de spécialistes. On a quand même eu droit à quelques beaux morceaux de poncifs : retour de l’uniforme, histoire nationale réduite à de grands hommes et grandes dates, autorité sacrée du maitre, diatribes contre le service public de l’éducation sclérosé, incapable de se réformer, comparé aux établissements privés hors contrat, parés de toutes les vertus et objets de toutes les promesses, anathèmes contre les « pédagogistes arrogants » à qui reviendrait la responsabilité exclusive de tous les maux de l’école.

Des antidotes dans l’oreille

Nous avons tout de même l’impression tenace que nos antidotes, qui ont à eux tous accueilli plus de 70 000 visiteurs, ne sont pas tombés dans l’oreille de sourds et ont été utiles à ceux qui les ont lus. Diversement, bien sûr, mais surement. Le nombre des visites pour certains articles et les commentaires sur les réseaux sociaux nous ont parfois surpris, signe, bien souvent, que certaines polémiques récentes qui ont fort occupé les politiques n’ont en fait aujourd’hui plus véritablement d’écho. À l’inverse, des questions se détachent incontestablement, comme l’évaluation et les notes, la place des parents d’élèves ou la bienveillance et l’exigence.

On trouvera rassemblés ici vingt-cinq textes sur des sujets comme le déclin de l’orthographe et les méthodes de lecture, le roman national qui devrait tenir lieu de programme d’histoire, l’enseignement de l’arabe, le mérite ou l’élitisme.

La plupart de ces réponses aux mensonges et idées reçues ont été confiées à des experts de la question. Chercheurs, didacticiens, personnalités engagées, tous ont répondu souvent avec enthousiasme à notre proposition. Leurs réponses sont étayées, argumentées et ne versent jamais dans la pure polémique et encore moins dans les invectives. Même si la réaction ne peut être la même selon qu’elle concerne : des opinions hâtives, qui peuvent contenir des éléments de vérité, mais restent simplistes ; des représentations parfois largement partagées dans l’opinion, mais qui ne reposent sur rien de solide (croyance dans les vertus du redoublement ou des classes de niveau) ; des mensonges purs et simples qui participent de la désinformation et des faits alternatifs (sur l’enseignement de l’arabe ou sur l’abandon de l’étude de grandes œuvres).

Pourquoi, nous demanderez-vous, publier dans un hors-série des articles aisément accessibles sur notre site internet ? D’une part, pour leur donner une autre vie, parallèle en quelque sorte à celle du site. D’autre part, nous avons la certitude que ces articles sont des articles de garde, car nous savons bien, aux Cahiers pédagogiques, que les politiques passent au ministère de l’Éducation nationale, mais que les fonctionnements installés dans le système éducatif et les mythes et les idées reçues ont la peau dure. La rubrique « Depuis le temps » de notre revue l’atteste : il peut parfois se passer trente ans sans qu’un débat soit tranché ou abandonné, sans que le constat d’un fonctionnement problématique ne trouve sa solution. Il n’y a qu’à voir la querelle sur les méthodes d’apprentissage de la lecture et l’éternelle condamnation de la méthode globale, qui n’est plus employée dans les classes depuis belle lurette !

La rubrique « Antidote » ne sera pas maintenue au-delà de l’élection présidentielle de 2017, mais le travail de désintox se poursuivra sur notre site, sous d’autres formes.

Cécile Blanchard
Rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques
Jean-Michel Zakhartchouk
Professeur honoraire, membre du Comité de rédaction des Cahiers pédagogiques

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