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Promouvoir des « cités éducatives », pour aujourd’hui et pour demain

« Quelle éducation en 2030 ? » telle était la thématique de ces Rencontres. Est-ce pour aider les acteurs locaux de l’éducation à lever les yeux du guidon et êtres sensibles aux enjeux sur le long terme ?

Oui, c’était nécessaire. Nous subissons des successions de réformes et contre-réformes dont le sens global a été dilué. A force de réagir dans l’instant, nous avons perdu de vue les objectifs que tous les acteurs éducatifs avaient réussi à synthétiser avec l’appel de Bobigny en 2010. Depuis cet appel, la part centrale que prennent le changement climatique et les bouleversements liés à l’intelligence artificielle, aux algorithmes, etc., nous obligent à voir encore plus loin. Face à ces enjeux, seule la solidarité et la coopération pourront sauver. L’éducation aura donc un rôle prépondérant.

Au niveau des villes, comment est ressentie la succession très rapide des réformes parfois contradictoires de l’éducation nationale ?

Très difficilement, d’autant qu’il nous semble y avoir une méconnaissance du terrain par le ministère. Ce n’est certes pas totalement nouveau, mais avec ce gouvernement qui croit souvent tout inventer, au atteint un niveau inégalé. Le ministre semble encore croire au bouton magique : on appuie dessus et tout va changer. Ça ne marche – heureusement – pas comme cela. Changer les programmes, modifier les répartitions pédagogiques, cela a des conséquences sur les bâtiments et les missions des personnels municipaux.

Le stop and go est devenu normal. La gestion du dossier des rythmes scolaires a montré qu’on pouvait détruire en quelques mois un édifice patiemment construit sur plusieurs années. Lorsque les activités périscolaires sont fréquentées par 10 fois moins d’élèves d’une rentrée scolaire à l’autre et qu’il y a 40 jours d’école de moins par an, ce sont les enfants des classes populaires qui en pâtissent le plus. C’est un immense gâchis.

On parle beaucoup actuellement de « coéducation » : école- parents, mais aussi école-collectivités, école- périscolaire, etc. Diriez-vous que cette thématique progresse dans les faits, sur le terrain, ou qu’il y a encore une coupure nette, dans l’éducation des enfants, entre le scolaire… et le reste ?

Sur ce point, j’aurais tendance à voir le verre à moitié plein. Les Projets éducatifs de territoire (PEDT) ont permis de partager sur un territoire des enjeux communs. Il est vrai qu’il y a eu des régressions depuis le retour de nombreuses villes à 4 jours. Mais là où les dynamiques se sont enclenchées, il y a un effet cliquet. Il faut valoriser ceux qui ont fait cet effort de faire tomber les barrières plutôt que ceux qui se replient sur eux-mêmes. Face à la désagrégation du lien social dans notre pays, qui peut encore promouvoir une école citadelle ? Les cités éducatives peuvent être un objet supplémentaire de lien entre acteurs si elles ne sont pas aspirées par la machine déconcentrée de l’Etat.

Quelles thématiques principales va travailler le RFVE dans cette réflexion sur les 20 ans à venir ?

La question est : quel projet éducatif pour la génération climat qui va connaitre des bouleversements dont nous peinons aujourd’hui à percevoir toutes les conséquences ? La table-ronde qui a réuni les partenaires (syndicats, éducation populaire, parents d’élèves, etc.) a montré qu’il y avait une vraie envie de se projeter ensemble, de refaire du projet éducatif de territoire le socle d’alliances éducatives. Cela nécessite de dépasser les enjeux d’organisations et aussi de chantage aux financements que certaines subissent, et de partager ces projets avec les citoyens. Lorsque la nation trouve les moyens de mettre 1,5 milliard d’euros sur un pseudo service militaire, c’est qu’il y a de l’argent pour développer des projets éducatifs. A nous de démontrer qu’il y a mieux à faire pour redonner un avenir collectif à la jeunesse.

Selon vous, quels « plus » donne à une ville le fait de faire partie du RFVE ?

Je dirais, par provocation, que si vous avez peur d’être contaminé par les bonnes idées des autres, si vous préférer perdre du temps à réinventer ce qui existe déjà ailleurs, n’adhérez surtout pas au RFVE ! Il n’y a pas de meilleur moyen de se convaincre de la nécessité de devenir une « ville éducatrice » que de venir à l’une de nos réunions. A la sortie, on se sent plus fort pour affronter des problèmes qui nous paraissent insolubles lorsque nous avons le nez dans le guidon. Tout simplement parce qu’il y a une intelligence collective que rien ne peut remplacer !

Propos recueillis par la rédaction

Photographie Gilles Michallet / Villeurbanne


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