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Explicite… c’est pas clair !

Expliciter, pour certains, c’est soigneusement dé-tail-ler : « Je répète encore une fois ? » Pour d’autres, c’est annoncer la couleur (« On va parler de… »), les modalités (« On récapitulera tout cinq minutes avant la fin, revoyons la leçon d’hier »), l’objectif (« On va travailler sur cette photo de château en Écosse, c’est pour acquérir la forme interrogative ») et faire attention aux mots qu’on emploie. Aux références, surtout : en maternelle, ne pas lire un album parodique avant de s’assurer que tout le monde connaît le modèle de départ (sinon, le petit Chaperon rouge est bel et bien fichu). Indispensable en effet.

Être explicite, c’est aussi faire le lien entre les différentes disciplines. La confection d’une courbe en physique, en sciences de la vie et de la Terre, géographie ou mathématiques, correspond à des consignes différentes. Dire simplement que c’est différent peut être un soulagement pour l’élève. Faire que, dans la tête des élèves du secondaire, l’image de l’orchestre se substitue à celle du grand bazar peut rendre plus clair un ensemble passablement confus.

Un langage de vérité

Être explicite, c’est aussi tenir un langage de vérité : ne pas entonner les rengaines officielles du type « Travaille-si-tu-veux-avoir-un-bon-métier-plus-tard » (réponse : « Mais alors pourquoi faire de la musique? »), ne pas nier face aux parents la fonction sélective de l’école sans que ce soit pour autant un lamento ou un renoncement : par exemple, parler des codes du langage. Un peu de socio-linguistique (avec les élèves aussi) ne fait pas de mal. Dire, enfin, que nous vivons dans des lieux situés, et que savoir à quoi s’en tenir aide à s’y retrouver. Bref, ne pas refuser d’appeler un chat un chat : un exercice que j’ai beaucoup pratiqué avec des élèves de seconde, désespérés des notes au milieu du premier trimestre… et du ton employé à leur égard dans leur nouvel établissement (« Vous étiez où l’année dernière ? »).

Cela me semble d’autant plus utile que c’est loin d’être un réflexe professionnel généralisé : l’habitude est plutôt dans les lieux communs moralisants ou désespérés-désespérants sur la paresse des élèves et la négligence des parents. On a beau accabler de sarcasmes Bourdieu, ou en tirer, de seconde main, des conclusions fatalistes, il ne semble pas faire partie, pas plus que Bernard Lahire ou François Dubet, des classiques de la formation, et c’est dommage. Qu’au moins donc une partie des élèves et des parents cessent d’être jugés et entendent… des explications.

Car l’objectif, pour les élèves, est d’être le plus possible en maîtrise de leur scolarité. C’est une double nécessité. Savoir pourquoi on est là, ce qu’on y fait, c’est devenir peu à peu un citoyen du savoir et non un simple sujet obéissant (ou pas !) à ses parents et aux profs. Et d’ailleurs, ça marche mieux quand on sait ce que l’on fait. Là aussi, démocratie et efficacité vont de pair.

Suis-je clair ? Sinon, je peux répéter !

Jean-Pierre Fournier
Enseignant en collège puis coordonnateur et formateur en éducation prioritaire, aujourd’hui accompagnateur de jeunes migrants