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Inquiétudes. Si la question des rythmes a occupé une bonne partie de l’espace médiatique, elle a occulté le débat public pourtant nécessaire sur la refondation de l’École. Les positionnements des différents acteurs du système éducatif, des collectivités territoriales sont marqués en majorité par l’esprit de critique et l’attentisme. A tel point qu’on peut se demander si le “constat partagé” évoqué dans le rapport final de la concertation est une réalité. Finalement, y a-t-il vraiment un consensus, sinon de façade, sur la nécessité de changer une école qui ne va pas très bien sur le plan de l’efficacité comme sur celui de l’équité ? « Oui, disent certains, et justement, cette loi ne va pas assez loin, il faudrait une « vraie » réforme ! » Sans oublier l’argument de l’absence de consultation des personnels…
Rappelons d’abord que dans l’histoire de l’éducation, les réelles consultations préparatoires à des réformes (Legrand en 1982, Meirieu en 1998, Thélot en 2003,..) n’ont pas davantage permis aux enseignants de s’approprier les réformes. La concertation menée cet été auprès des “corps intermédiaires” s’appuyait sur une consultation par délégation et s’il faut avoir des regrets, c’est peut-être dans le fonctionnement de la démocratie interne des organisations présentes qui n’ont pas pu ou pas su organiser le dialogue avec la “base”. Si, comme nous l’espérons, la loi laisse de l’autonomie aux équipes alors la concertation pourrait s’inscrire dans la réflexion sur les modalités d’application de la loi. Ne serait-ce pas tout aussi efficace ?

Mais s’il y a aujourd’hui des inquiétudes, c’est aussi parce que malgré la concertation, malgré la loi, demeure un manque de lisibilité de ce projet. Nous saluons pourtant en Vincent Peillon un ministre qui, enfin, connaît son sujet, s’est préparé depuis longtemps à cette fonction, a non seulement des convictions et des projets mais le souci de les faire partager, et de marquer son soutien à tous les acteurs qui font bouger l’école et l’aident à évoluer.
Mais qui donc est capable de résumer en quelques phrases chocs le projet de loi, comme on a pu le faire pour la loi de 89 avec « mettre l’élève au centre » ? La responsabilité des mouvements pédagogiques comme le nôtre est d’alerter sur la priorité : rendre notre système éducatif plus juste, enrayer la progression du nombre d’élèves en difficulté, et s’ouvrir davantage au monde de demain.
Nous espérons enfin que les troubles politiques qui entament la crédibilité de l’action politique n’aboutiront pas à faire perdre de vue cette grande ambition pour l’École qui a marqué la campagne électorale. On ne peut se permettre une nouvelle occasion manquée.

Nous avons donc envie de dire aux responsables politiques et au ministre : « tenez bon ! »
Mais plus encore qu’aux politiques c’est à nous-mêmes et à tous les militants pédagogiques que nous adressons cette injonction. Oui, il nous faut tenir bon face aux doutes, à une forme de procrastination collective, à la “fédération informelle des oppositions contradictoires”
Notre détermination est dans la poursuite de notre activité militante. Nous voulons accompagner les enseignants plus encore que la réforme elle-même. Nous faisons le pari de la professionnalité des enseignants et la reconnaissance du travail déjà en cours. Malgré la déploration, les inquiétudes, on constate que la concertation se fait bon gré, mal gré et, de façon sans doute plus discrète, dans les territoires. Nous sommes persuadés que c’est dans le passage à un véritable « développement du pouvoir d’agir » que se fera la nécessaire transformation de l’École. Les marges de manœuvre existent, il faut desserrer l’étau des procédures et des contrôles, tout en indiquant clairement les objectifs à atteindre.

Depuis 1945, avec la revue des “Cahiers Pédagogiques” et le mouvement du CRAP depuis 50 ans, nous sommes résolument engagés dans l’action pédagogique au quotidien dans nos classes, nos établissements, mais aussi dans la circulation de la réflexion collective et la proposition de pistes d’évolution. Notre revue et notre site sont là pour valoriser ce qui se fait, souvent dans la discrétion, dans les classes, dans les établissements et c’est sans doute cela, cette énergie et cette créativité, qui nous incitent à « tenir bon ».