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« La formation à l’esprit critique offre des espaces où l’on se donne un pouvoir d’agir »

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Les Cahiers pédagogiques ont publié un précédent dossier sur l’éducation aux médias et à l’information. En quoi celui-ci est-il différent ?

Jean-Michel Zakhartchouk : Disons que l’éducation aux médias et à l’information (EMI) est partie intégrante de la formation à l’esprit critique, mais celle-ci est beaucoup plus vaste et englobe des domaines très différents, présents dans toutes les disciplines. Il est vrai cependant que les deux dossiers sont complémentaires, pour ce qui est par exemple de la lutte contre les « infox » et la nécessité de la vérification des sources.

Faut-il avoir peur de former ses élèves à l’esprit critique ?

Aurélie Guillaume : L’esprit critique peut faire peur, il induit une nécessaire déstabilisation. La confusion entre esprit critique et esprit « de » critique n’arrange rien à l’affaire. L’intérêt de former à l’esprit critique est justement d’outiller chacun pour trouver de la stabilité dans cet univers mouvant. Si les savoirs sur le monde évoluent constamment, si les médias d’information se multiplient, les outils et les démarches acquis dans cette formation rassurent et protègent.

Jean-Michel Zakhartchouk : D’où d’ailleurs l’importance de dispositifs cadrés et rigoureux comme ceux de la discussion à visée philosophique. Il s’agit de trouver aussi le bon équilibre entre ce qui rassure (les outils, la maitrise du sujet qu’on peut aborder avec les élèves) et ce qui forcément va un peu déstabiliser nos certitudes, la formation à l’esprit critique étant nécessairement une invitation à la complexité. Ce qui ne signifie pas sombrer dans le relativisme ; n’oublions pas que ceux qui doutent de tout oublient souvent de douter… de leur propre doute !

Y a-t-il un point commun entre les différentes pratiques présentées dans le dossier pour former l’esprit critique des élèves ?

Jean-Michel Zakhartchouk : Oui, le point commun, c’est le refus du dogmatisme, du « c’est comme ça » et un plaidoyer pour plus d’horizontalité. Véritable révolution pédagogique que relève en fin de dossier Gérald Bronner, dès lors qu’on ne confine pas l’esprit critique dans un secteur à part (comme par exemple l’EMI).

Aurélie Guillaume : Ces différentes pratiques manifestent donc un optimisme résolu et raisonnable, chacun misant sur la capacité de réflexion et d’expression des élèves.

Que retenez-vous plus particulièrement de ce dossier ?

Jean-Michel Zakhartchouk : Je retiens le très grand nombre de propositions d’articles qui nous ont été faites et qui auraient doublé le dossier si nous avions répondu favorablement à toutes.
Je retiens aussi la diversité des pratiques, qui vont de la maternelle à l’université, et touchent aussi bien les sciences que les arts.

Et encore, la nécessité d’un bon climat scolaire qui permet de débattre tranquillement, d’être plus sereins dès lors que ce qu’on enseigne peut entrer en contradiction avec des préjugés ou idées fausses largement partagées par les élèves et/ou leurs familles.

Si quelques articles plus théoriques éclairent la problématique, nous avons surtout récolté des témoignages de pratiques. Je me permets aussi de conseiller la consultation de l’importante biblio-webographie qui ne se contente pas d’énumérer des titres mais les commente.

Aurélie Guillaume : Pour ma part, j’ai mesuré à quel point l’esprit critique était au centre des préoccupations de nombreux acteurs de l’éducation. Certains y trouvent le cœur de leur métier. On voit dans le dossier que la formation à l’esprit critique offre des espaces où l’on se rencontre véritablement et où l’on se donne un pouvoir d’agir. Cela est vrai dans la classe mais aussi dans les collectifs de professionnels de l’éducation. Au-delà des apprentissages, les enseignants ont le sentiment de former les citoyens de demain. S’agirait-il d’un rempart contre la peur de l’avenir, contre le pessimisme ambiant ?

Propos recueillis par Cécile Blanchard