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Une école en sécurité ?

Dans les discours sur la violence, il est souvent difficile de sortir du simplisme opposant un agresseur et sa victime, en particulier lorsqu’il s’agit d’évoquer le problème à l’échelle de la société ou d’institutions comme l’école. L’agresseur, ce serait une certaine jeunesse, ou bien l’environnement social, diront plus pudiquement ceux qui veulent éviter d’accuser les jeunes ; la victime serait l’école en général, les enseignants en particulier. Ne reste plus alors qu’à trouver les bons moyens pour sévir contre l’agresseur, « le sauvageon », « la racaille », « le jeune sans repères », les empêcher de nuire en les plaçant dans des « établissements adaptés » où ils ne perturberont plus la vie des autres », et protéger la victime, par des portiques, des caméras, des mesures de « sanctuarisation ». C’est un raisonnement « de bon sens » en réaction immédiate à une agression précise. Protéger, alerter, secourir, c’est le b. a.-ba de l’intervention en urgence. S’atteler au problème social des violences scolaires, c’est tout autre chose.

Que les évolutions sociales comme le creusement des inégalités, l’évolution des figures et des rapports d’autorité, l’érosion des modèles parentaux, la violence du pouvoir par l’argent, la domination d’un modèle de consommation, aient des conséquences fortes sur la vie des classes des établissements, certes ; mais l’école reste pour autant une institution influençant de façon considérable la jeunesse, la société dans son ensemble. Les contenus d’apprentissage, la constitution des classes, les modalités d’évaluation, de sélection, les relations entre les adultes et les jeunes, tout cela fait des établissements scolaires des lieux où les jeunes apprennent bien des valeurs et des comportements : on voudrait que ce soit l’émancipation, l’autonomie, la vie en collectivité, c’est aussi souvent l’ennui, l’individualisme, l’absence d’enjeux, la déconsidération de soi face à des échecs répétés. Oui, les jeunes d’aujourd’hui sont aussi ce que l’école en fait. Si les jeunes ont des comportements violents vis-à-vis de l’école, de ses enseignants, des autres jeunes qui la fréquentent, l’école n’y est pas pour rien, et elle y peut quelque chose. On peut penser qu’elle est encore trop marquée par les pesanteurs héritées du passé, encore trop élitiste, et qu’elle a bien besoin d’évolutions profondes. Mais sans attendre d’incertaines échéances, nous devons au moins faire en sorte dès maintenant qu’elle soit exemplaire en matière de violence, à tous les niveaux.

Quel enseignant, quel éducateur ne souhaiterait que tous ses élèves soient capables de contrôler leur agressivité, leur impulsivité, leur stress, faire face à d’éventuels moqueries, conflits, drames personnels avec lucidité et maitrise de soi ? Enclins au respect mutuel, vis-à-vis des adultes, privilégiant la coopération plutôt que le rapport de force ? Sachant s’intégrer dans un collectif, même de circonstance, contribuer à la mise en œuvre d’un projet ? Vœu pieux, vaste ambition en tout cas, et le premier pas serait déjà de leur permettre de vivre avec des adultes maitrisant toutes ces compétences. On sait que les écoles qui parviennent à contrôler les problèmes de violence sont celles où existent de véritables collectifs d’enseignants, avec un fonctionnement réfléchi en équipe et rôdé, solidaire, en relation étroite avec les autres adultes encadrant les jeunes, à commencer par leurs parents, soucieux de se former, d’assumer pleinement leurs tâches d’éducateurs, de construire l’apprentissage des règles, du civisme, de la citoyenneté en amont et pas simplement dans des réactions punitives.

Une école exemplaire le serait aussi au plus haut niveau. Un système éducatif dont les responsables éviteraient les rodomontades sur l’éradication de la violence, dénuées d’effets et qui déconsidèrent leur parole, qui privilégierait l’éducation sur le long terme à l’exclusion à court terme, qui favoriserait la cohésion et la formation des équipes, qui se donnerait les moyens de tenir ses engagements pour faire acquérir à tous une culture commune, aurait plus de chances d’inspirer le respect à sa jeunesse que celui qui pratique les discours martiaux, prône des solutions répressives démagogiques, en premier lieu la mise à l’écart des trublions.

La démarche des états généraux, s’ils associent réellement les différents acteurs de l’école, s’ils donnent une véritable place à l’expérience et l’expertise accumulées depuis de nombreuses années, peut aller dans le bon sens. C’est pourquoi nous avons également contribué, dans le cadre du Collectif des associations éducatives et pédagogiques (CAPE), à une consultation préalable sollicitée par le ministre auprès des mouvement associatifs et pédagogiques. Cette consultation, en ligne sur le site du ministère, a déjà permis de dégager plusieurs propositions : de véritables outils de mesure de la violence dans les établissements, des moyens humains non seulement renforcés mais organisés et formés, des communautés éducatives élargies ainsi qu’une prise en compte de la dimension pédagogique.

Cependant, force est de constater que cette démarche est fragilisée par les décisions catastrophiques prises ces derniers mois : supprimer des postes, supprimer la formation des nouveaux enseignants, c’est inévitablement accroitre la tension dans les établissements, que des discours à la Sorbonne et aux journaux télévisés ne suffiront pas à réduire. Si au cours de ces états généraux les débats parviennent à être fructueux, si les conclusions permettent d’ouvrir des perspectives intéressantes, on ne peut que redouter une instrumentalisation politique et médiatique comme c’est trop souvent le cas sur les questions de violence et de sécurité.

Bureau du CRAP-Cahiers pédagogiques, le 7 avril 2010.


Des ressources sur notre site

Programmation 2014-2015

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La revue de presse du 6 avril 2010 de Philippe Watrelot

451_sanction_100.jpgN°451 – La sanction
Coordonné par Patrice Bride et Odile Sotinel
Le pédagogue idéal est celui qui n’aurait pas besoin de punir : sanctionner laisse souvent un sentiment d’échec. Pourtant c’est une dimension de notre métier d’éducateur, et nous devons nous y préparer, aussi soigneusement que pour le reste. Mais c’est en lien avec tout le reste de notre travail éducatif , car personne ne prétend résoudre les problèmes par la sanction magique, celle qui permettrait de soumettre les élèves aux volontés de l’enseignant.
Programmation 2014-2015

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426_autorite_100.jpgN°426 – L’autorité
Coordonné par Florence Castincaud
Face à la représentation d’une école en proie au renoncement, ce dossier se propose d’aider à comprendre en quoi consiste l’autorité, comment on peut la repenser dans un contexte de revendications égalitaires, comment on peut essayer de l’exercer collectivement dans l’établissement et seul dans sa classe, au milieu des paradoxes et difficultés multiples.
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375_violence_100.jpgN°375 – Face à la violence
Coordonné par Michèle Amiel, Agnès Paon et Marie-Christine Presse
Un dossier qui échappe au double piège de la dramatisation comme de la banalisation rassurante.
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prevenir_violence_100.jpgPrévenir la violence au collège – À travers le dispositif Parlons tabou
Un ouvrage de la collection Repères pour agir, par Vijé Franchi et Gwenaëlle Colin
Un livre qui peut être, sur la base d’une indispensable analyse de la situation et à partir de l’approche « identitaire », le point de départ d’actions très concrètes.
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classes_difficiles_100.jpgFace aux classes difficiles
Un dossier hors-série numérique, coordonné par Esther Fortin et Yannick Mével
Classe difficile : objet insaisissable ! Bavarde ou passive, agressive ou amorphe, pinailleuse ou ricaneuse, soumise à la tyrannie d’un leader négatif ou écartelée entre des clans dont l’hostilité se retourne contre les adultes, évitant l’effort ou multipliant les malentendus, désespérément monotone ou inexplicablement changeante, composée d’élèves incapables de se concentrer ou de se mettre au travail tous en même temps, homogène, hétérogène… la classe difficile n’est jamais celle à laquelle nous nous sommes préparés !
Programmation 2014-2015

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