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Remonter le temps, soulever les montagnes

L’approche par compétences ne va pas de soi en histoire-géographie, est en tout cas loin de la conception ordinaire de ces disciplines. Dans les représentations, voire encore parfois dans la réalité, l’enseignement de l’histoire-géographie est affaire de transmission au sens le plus étroit, de mémorisation de contenus, d’évènements datés, de lieux sur une carte. Si des élèves savent réciter leurs leçons, présenter un document, ils sauront se tirer d’affaire.

Et d’ailleurs, que peut vouloir signifier « rendre compétent en histoire-géographie » ? Et à quoi bon un tel objectif pour l’ensemble des élèves, dont une infime minorité sera effectivement historien ou géographe au final ? Pour les auteurs de ce dossier, ceci est une question passionnante : comment faire mieux que donner un vague vernis culturel à nos élèves, enchainer les chapitres dont ils ne conserveront que quelques souvenirs superficiels ? Qu’attend-on effectivement d’eux dans la manipulation du temps, des lieux, à différentes échelles ? Que doivent-ils maitriser de la « science du changement » chère à Marc Bloch ? Rien de stabilisé, à en lire ces articles, et beaucoup d’ambition pour travailler des compétences au sens fort du terme, ne se limitant certainement pas à la mise en œuvre de procédures de bas niveau comme le repérage d’information ou une lecture d’une carte.

Encore plus que pour d’autres disciplines, cette approche par compétences pose le problème de la formulation des programmes : on ne peut pas alors se contenter d’une succession de chapitres dans l’ordre chronologique, ou bien continent par continent, à dérouler d’heure en heure. Pour résoudre des problèmes, les élèves ont besoin de notions et de connaissances comme ressources pour leur travail, ce qui est une approche très différente des savoirs. On ne peut pas dire non plus que les formulations de l’actuelle compétence 5 du socle commun aident beaucoup les enseignants, tant elle reste ancrée dans une approche traditionnelle de la « culture humaniste ».

Comment développer des compétences, s’il faut commencer par les définir chacun de son côté ? Comment se débrouiller des énoncés des programmes traditionnels ? Comment ne pas confondre un travail par compétences, centré sur l’activité des élèves et de simples critères d’évaluation à la fin de chapitres ?

C’est donc un panorama des chantiers en cours que propos de ce dossier. Il en ressort l’image de disciplines en plein bouleversement, loin d’un enseignement au rabais que l’on entend parfois dénoncer. Le problème sera peut-être plutôt l’inverse : comment ne pas être trop ambitieux dans des disciplines complexes pour les enfants et les adolescents, comment définir le bon niveau d’exigence ? Chantiers à suivre.

Patrice Bride