« Recherches et pratiques », au pluriel

En inaugurant une nouvelle formule de hors-série numérique des Cahiers pédagogiques, qui fait dialoguer les recherches et les pratiques, nous ne faisons pas preuve d’originalité. C’est le projet de notre revue depuis quatre-vingts ans.

C’était aussi le projet des fondateurs des départements de sciences de l’éducation en 1967, celui des IREM (instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques) en 1972, c’est aussi celui de l’Institut français de l’éducation (et des institutions dont il est l’héritier, tel l’INRP) en particulier à travers les LEA (Lieux d’éducation associés), des IUFM (Instituts universitaires de formation des maitres) et des institutions qui leur ont succédé, et de bien d’autres.

Tous avaient la même ambition : éviter que les chercheurs soient enfermés dans leurs laboratoires et les praticiens dans leurs classes, construire entre eux une relation horizontale. Et aussi rompre avec deux illusions, deux tentations : celle d’une recherche qui dirait « les bonnes pratiques » à des enseignants réduits au rôle d’exécutants, et celle d’une expérience de terrain qui suffirait à être la source de toute connaissance du métier.

Nous tenons aux pluriels. Celui des recherches, dans la pluralité des disciplines et des chercheurs, dans la pluralité des formes et des paradigmes. Non pour afficher un relativisme dangereux, mais pour rappeler que le questionnement, le doute, la controverse sont les piliers de toute approche scientifique. Et celui des pratiques : non pour poser que toutes les pratiques se valent, mais pour rappeler que les chemins de l’éducation sont multiples, complémentaires, que leur diversité est imposée par la diversité des publics scolaires élèves et des contextes de plus en plus incertains et traversés par des changements.

C’est aussi la pluralité des questionnements : réunir chercheurs et pratiques c’est supposer que les questions des uns et des autres ne sont pas à priori les mêmes mais qu’un effort commun peut les faire converger.

Cette publication (que nous proposerons à nos lecteurs une fois par an) repose sur la pluralité des sujets : les trois thèmes qui y sont abordés forment trois dossiers totalement distincts. Leur association illustre trois relations différentes et complémentaires entre recherches et formation.

Autour de Steve Masson, nous abordons des recherches de neurosciences en interrogeant ce que l’on peut faire des connaissances sur la mémoire de travail dans l’accompagnement des apprentissages. Les propositions du chercheur sont soumises à des praticiens qui expliquent comment ils se les approprient, comment elles répondent (ou pas) aux questions qu’ils se posent.

Autour de Daniel Favre, il est question des recherches qui élargissent le cadre des neurosciences en interrogeant le rapport entre cognition et émotion. Les propositions du chercheur sont discutées par un autre chercheur (qui est aussi formateur et praticien) dans un dialogue sur les concepts. Deux réactions de praticiens complètent ce minidossier.

Autour de Sylvain Connac, Océane Cochon, Albert Irigoyen et Jérôme Train, nous donnons à voir une recherche collaborative autour des pratiques de la classe puzzle (ou jigsaw), qui associe chercheurs et praticiens depuis la conception du questionnement jusqu’à la publication des résultats. Le texte de présentation de la recherche a été écrit par le collectif, il est accompagné de textes individuels des praticiens qui disent comment chacun a contribué au projet.

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