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« Penser les espaces, c’est penser globalement. »

Quels sont les enjeux d’une architecture et d’un espace scolaires bien pensés?

Cathy Marret : En tant que chef d’établissement, je pense immédiatement à l’apaisement du climat scolaire. Des raisons multiples peuvent être évoquées.
Des locaux fonctionnels et beaux impliquent un gain de temps et d’énergie humaine. Ils permettent de favoriser les relations professionnelles et pédagogiques. Ils répondent aux besoins liés au confort : lumière, chauffage, éclairage, beauté des lieux. On peut s’y sentir plus respecté et plus valorisé. Mais tout cela ne peut exister sans une anticipation qui demande de questionner tous les acteurs, élèves y compris.
Ces espaces bien pensés, qu’il s’agisse d’un établissement neuf ou réhabilité, seront d’autant plus efficaces que les besoins en outils numériques auront été pris en compte, seront effectifs et utilisés. De même, que serait un bel établissement sans un bel enseignement en son sein ? La pédagogie au service des besoins des élèves peut à elle seule déjà embellir le quotidien de chacun.

Nadine Coussy-Clavaud : Un espace scolaire bien pensé va renvoyer l’image du soin apporté par une société à ses enfants et à leur éducation. Le choix des matériaux, la diversité des espaces, le travail de la lumière, la prise en compte du développement durable, sont autant de points qui vont valoriser l’établissement et montrer la considération que l’on a pour tous ses usagers.

Penser les espaces, c’est penser globalement : les enseignements, les circulations, le bienêtre, des zones pour l’effervescence et d’autres pour le répit, les innovations qui vont survenir au delà du temps de la construction. Un établissement bien pensé va offrir des conditions de travail optimisées pour tous et un véritable lieu de vie. Il peut poser des bases solides pour la citoyenneté, la coopération, en rendant lisibles les lieux d’échanges et de partages. Je pense à un lycée de la région bordelaise où les contours des arbres ont été habillés de bois pour être la fois des tables pour travailler, des estrades pour un spectacle et des lieux de rassemblement, et où de petites bibliothèque d’échange de livres ont été placées dans les couloirs sur le modèle de celles que l’on trouve dans les villes.

À priori, on peut penser que les enseignants ont peu de prise sur ces questions, n’étant pas décisionnaires sur les locaux scolaires. Est-ce que votre dossier contredit cette impression ?

C. M. : Nous avons eu beaucoup d’enseignants qui ont témoigné qu’ils avaient pu agir sur leur environnement en travaillant de pair avec leur direction et leur gestionnaire. Ceux-là ont eu la chance et le plaisir de pouvoir participer à des aménagements qu’ils ont eux-mêmes rêvés. Maintenant, ces témoignages montrent aussi la force du pouvoir d’agir lorsqu’il est à l’œuvre. Mais c’est vrai qu’il reste encore beaucoup à faire. En ce début du 21e siècle, les collectivités territoriales ne manquent pas de travail !

N. C.-C. : Certes, mais les enseignants ont peu ou rarement prise sur la conception de nouveaux espaces scolaires, je veux dire sur des projets de grande envergure. Il y en a cependant mais, nous l’avons constaté, c’est à la marge. De grands progrès seraient à faire dans ce domaine. Une écoute des besoins, une observation des usages seraient nécessaires, ainsi qu’un véritable travail avec l’ensemble des acteurs, y compris les élèves. On s’aperçoit aussi que, bien souvent, l’aspect budgétaire réduit les ambitions, hormis pour quelques établissements « vitrines ». En revanche les projets menés en interne, dans les classes ou dans des lieux choisis tels les cours de récréation, les CDI, les salles de classe, les lieux intermédiaires explosent littéralement et grand nombre d’entre eux voient le jour. On peut compter dans ce domaine sur la ténacité des chefs d’établissement et des équipes.

Avez-vous le sentiment après avoir fait ce dossier que c’est une question dont s’emparent enseignants et équipes éducatives ?

N. C.-C. : Oui, comme nous l’avons dit précédemment, ces questions intéressent de plus en plus les équipes, ne serait-ce que dans l’agencement des salles de classe, dans le choix d’un mobilier plus adapté aux pratiques. Notre expérience sur le terrain nous donne des indicateurs dans ce sens. La place du numérique a vraiment soulevé de nouvelles interrogations sur le sujet mais aussi la mise en place de pédagogies innovantes. Il apparait évident que la question de l’espace se posera différemment lors de la mise en place de travaux de groupes que dans un cours magistral. Il y a un fort désir chez nombre d’enseignants de sortir du modèle de la classe « autobus ». Il est également à noter qu’un développement de l’éducation à l’architecture sensibilise de plus en plus d’enseignants qui mettent en place des projets et diffusent dans leurs équipes, aux élèves, mais aussi aux parents. Les images, les témoignages qui circulent sur internet, mais aussi les expositions comme celle qui s’est tenue à la Villa Noailles en 2014 et qui a montré des propositions du monde entier, concourent également à diffuser, à donner des envies et des idées.

C. M. : En tous les cas, c’est une question récurrente chez les enseignants, car beaucoup rêvent d’une amélioration de leur cadre de travail et certains rêvent plus que d’autres et vont jusqu’à essayer de réaliser leur rêve. Ça marche mieux si c’est un projet collectif et financé. Mais certains de nos textes montrent qu’il suffit de pas grand-chose pour changer un espace de vie : de la motivation, un force collective à l’œuvre et hop ! L’espace se dévoile autrement. À vous de lire !