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« Partir des élèves dont on n’attend rien »

Qu’attendez-vous concrètement de cet article 3, et peut-être plus largement de la loi d’orientation et de programmation de l’école actuellement au Sénat ?

regis_felix.jpgIl nous semblait qu’ouvrir une loi en mettant en avant la coopération, le dialogue (notamment avec les parents) et la mixité sociale lui conférait un esprit, simplement cela puisqu’il ne s’agit pas de directives précises ensuite. Mais cela ouvrirait vers une école préfigurant la société que l’on veut. Bien sûr, nous ne croyons pas en la magie d’une loi, mais c’est tout de même un cadre pour les enseignants, des enseignants que l’on souhaite réflexifs, engagés dans leur travail, connaissant leurs points d’appuis.

Quel a été votre parcours professionnel et au sein d’ATD Quart Monde ?

affiches.jpgLes deux ont été effectivement très liés, il serait bien difficile de ne pas mettre en cohérence son engagement militant et sa vie personnelle… J’ai été professeur de lycée, de classes préparatoires et principal de collège pendant mes sept dernières années. J’avais en tête à ce moment-là que le rôle d’un chef d’établissement c’est de permettre aux enseignants d’aller au bout de leurs projets. J’ai été très agréablement surpris par des jeunes profs sortis d’IUFM par exemple prêts à travailler en équipe, allant se voir les uns les autres.
ATD Quart Monde et moi, voilà trente ans que ça dure. Il me semble que j’ai retrouvé dans la fonction de chef d’établissement des choses que je connaissais et y avais cultivé : écouter, accompagner. Accepter les silences de l’enfant avant qu’il ose parler, et éventuellement critiquer. Etre patient.

Vous aviez très bien raconté ces silences et ces dialogues dans : « Le principal, il nous aime pas ». Et en avril est sorti chez Chroniques sociales, en partenariat avec les éditions Quart Monde « Tous peuvent réussir », rédigé avec onze autres enseignants. Comment écrit-on collectivement ?

couv-7.jpgLes récits sont individuels, mais la grande partie sur les savoirs d’action a pris forme lors de deux séminaires. Ce qui nous portait tous, c’était de transmettre l’idée que tout le monde a à gagner de la coopération. Et nous allons même plus loin puisque le plus important c’est le sous-titre « Partir des élèves dont on n’attend rien ». La posture humaine de l’enseignant fait que dans une classe la réflexion pédagogique sur un projet se portera toujours vers : « Comment cet élève-là, dont plus personne n’attend rien, va-t-il pouvoir devenir acteur ? »

Régis Félix, qu’est-ce qui vous a porté et vous porte toujours, vous ?

Difficile de répondre en deux mots… L’engagement fait je crois partie de mon existence. La rencontre avec les personnes issus de la grande pauvreté, la vraie rencontre je veux dire, celle qui prend le temps, qui amène à se connaître, à découvrir les richesses de l’autre, fait très vite se rendre compte du gachis humain lié à nos fonctionnement, tant à l’école que dans la société. Des personnes méprisées, une société qui se construit sans elles, ce n’est pas acceptable. Je connais la valeur fondamentale de tout être humain. Alors, arrêter maintenant ? Impossible…