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Panoramiques

On ne voit pas très bien en quoi les idées qui sont développées dans ce dossier de la revue Panoramiques dont nous apprécions souvent la qualité, sont vraiment « à rebrousse-poil ». Elles sont bien plutôt l’expression d’un profond conformisme antipédagogique, qui a l’outrecuidance de jouer les victimes alors même qu’il est très présent dans les médias. On retrouve en effet tous les poncifs des diatribes contre la « déroute de l’école », la « montée de l’ignorance », la réduction des cours à de l’« animation » avec les nouveaux programmes et les nouvelles pratiques prônées par des IUFM quasi totalitaires… Est présente aussi bien sûr la vieille théorie du complot, qui est toujours une faute contre l’intelligence historique…

Certes, toutes les contributions ne sont pas de la même farine. On distinguera celles qui cherchent réellement à faire avancer la réflexion (mais elles sont peu nombreuses) et celles qui se contentent de mettre en accusation, à coups de procès d’intention et de contre-vérités. Le plus consternant réside dans les propos de Jean-Claude Barreau qui ose affirmer par exemple que dès le XVIIe siècle, la majorité des Français savaient lire et qui ressort la vieille histoire des grands-mères qui « au sortir du certif » (dont étaient exclus, rappelons-le, la moitié des Français) « savaient parfaitement lire, écrire, compter ». Car bien entendu, toutes les enquêtes et recherches sérieuses qui indiquent le contraire sont des manipulations !… On retrouve aussi la défense bornée des « disciplines » (qui n’a rien à voir avec une discussion de fond sur ce qu’est une discipline scolaire, dont personne ne songe sérieusement à contester la légitimité) et la caricature de toute tentative d’interdisciplinarité (à travers la contribution de la présidente de la Société des agrégés). Ou encore, la condamnation des TICE (ce que dit par exemple François Lurçat des correcteurs orthographiques est vraiment digne du café du commerce). La plupart des contributeurs brossent un tableau très noir de l’école et surtout présentent les pédagogues comme des hurluberlus, à genoux devant la spontanéité des élèves, les téléphones portables et le rap, mais à aucun moment, ne nous proposent d’autres pistes que de « restaurer », de poursuivre le rêve d’un âge d’or qui n’a existé que pour une élite (et que nous sommes nombreux à ne pas considérer comme un âge d’or).

On lira cependant avec intérêt la partie consacrée à l’enseignement à l’étranger, plus concrète et plus informative.

Bref, un dossier qui n’a rien de pluriel, contrairement à ce qui est annoncé dans la page IV de couverture (« ensemble éclaté ») ; la revue annonce un tome II à partir de réactions de lecteurs. Espérons que des réponses permettront à d’autres voix de se faire entendre. Le débat pluraliste est trop rare ; c’est de cela dont nous avons besoin plutôt que d’un ensemble de lieux communs, avec des exemples infiniment ressassés et des phrases toutes faites qu’on retrouve sous diverses plumes. Pauvreté de la pensée et mépris de la réalité : est-ce cela le « rebrousse-poil » ?

Jean-Michel Zakhartchouk