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« Osons écrire ! »

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Que va-t-on découvrir de plus marquant sur le métier d’enseignant, de formateur, à travers ce dossier ?

Patrice Bride : Qu’il y a des circonvolutions subtiles qui mènent incessamment de l’oral à l’écrit, pour rendre compte, pour confirmer, pour étayer, et de l’écrit à l’oral, pour commenter, développer, ajuster le propos. Nos métiers sont pétris d’écriture, mais on ne maitrise pas toujours bien cet exercice, on peine en particulier à se défaire du corset de l’écriture administrative, ou de l’idéal de l’écriture littéraire. Nous avons essayé de varier les formes d’écriture dans ce dossier, pour appliquer à nous-mêmes ce que nous recommandons à tous : osons écrire, et, tant qu’à faire, écrire autrement !

« Qu’est-ce qu’écrire sur son métier apporte à celui qui écrit ? » A la lumière du dossier, que répondriez-vous à cette question ?

Philippe Chenot : Il me semble que le dossier donne à lire une diversité de réponses à cette question, qui a certainement à voir avec le rapport que chacun entretien avec l’écriture, avec la manière dont cette activité le mobilise et avec son métier au sens large. Avec le ou les destinataires de cette écriture, aussi : l’histoire racontée peut prendre des formes différentes selon les interlocuteurs réels ou supposés auxquels on s’adresse.
L’écriture peut être le support d’un échange et d’une réflexion partagée entre collègues, que le passage par l’écriture et la reconnaissance mutuelle qu’il crée, permettent d’approfondir. On pense à travers et dans le dialogue, on se sent moins isolé face aux questions de métier que l’on traverse. Écrire sur son métier permet de découvrir une pensée et un positionnement professionnels, de revenir sur sa pratique et de faire d’une expérience l’instrument d’une nouvelle expérience : autrement dit de progresser. Écrire permet d’inventer et de s’inventer en tant que professionnel, écrire est un espace de formation. On peut aussi « simplement » avoir besoin de (se) raconter, pour mieux construire le sens de son action, dans cet écart entre les buts que l’on nous fixe ou que nous nous fixons et ce qui nous mobilise. Mais les obstacles existent, notamment lorsqu’il s’agit de faire rentrer une pensée dans des cases prédéfinies par d’autres, et qui rendent alors difficile une élaboration singulière dans et par l’écriture. Comme le dit Catherine Ravelli dans son article, l’écrit n’est pas (seulement) une trace, loin s’en faut.

Pouvez-vous citer un ou deux passages chacun qui vous ont particulièrement plu ?

Patrice : Extrait d’un texte de Marie Haloux, sur ce qu’écrivent ses élèves : « Thomassin, Michaël, Jimmy, Joris, Serge et des passagers de l’atelier, dans un corps à corps, entre deux propositions d’écriture, créent leurs textes. Les emportent avec eux. Joris me donne les siens. Thomassin laisse ses dessins sur la table. Il est midi, temps de restauration, temps de sortie de l’école, ils ont disparu. »

Philippe : Beaucoup de choses m’ont plu. Mais je retiendrai cette phrase de Françoise Cros qui me semble bien résumer dans quoi le scripteur s’engage : « on n’écrit pas en apesanteur et toute la question réside dans les objectifs de cet écrit, parfois douloureux, parfois rédempteur pour soi, parfois joyeux ».