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Ne marginalisez pas les EPI, monsieur le ministre !

Le ministère de l’Éducation nationale s’apprête à publier un arrêté sur le collège qui fragiliserait le dispositif des « enseignements pratiques interdisciplinaires ». Leur mise en œuvre, peu cadrée, serait laissée à l’initiative des équipes et il y a un risque que tous les élèves n’en bénéficient pas. Ce serait à coup sûr un moyen de les marginaliser et de remettre en cause de fait une innovation qui pourtant était un élément fort des changements nécessaires du collège. Certes, le projet de décret n’abroge pas les EPI, mais sous couvert d’autonomie et de « liberté » pédagogique, il envoie le signal aux enseignants que ce dispositif pourrait ne pas être pertinent, au moins pour certains élèves, alors qu’il s’agit d’une voie pourtant féconde et adaptée aux exigences de notre temps. Par ailleurs, la réintroduction de nombreux enseignements facultatifs va rendre plus difficile la mise en œuvre des EPI : en effet, ces options vont détourner au profit d’une minorité d’élèves une grande partie des marges horaires prévues pour fonctionner en petits groupes ou en co-intervention.

Pourtant, les EPI ont permis à de nombreux projets d’éclore, projets souvent ingénieux et permettant de traiter de questions essentielles pour former le citoyen de demain, autour du développement durable, de la pratique des médias ou du dialogue des cultures et des arts par exemple. Avec les EPI, des compétences vraiment fondamentales sont développées, compétences indispensables à tous les élèves : capacité à travailler en groupes, à faire un exposé oral, à mener des recherches en vérifiant les informations…

Certes, les EPI ne sont pas le seul temps où ces compétences sont travaillées, mais sont souvent un levier pour expérimenter des pratiques nouvelles dans toutes les disciplines, grâce en particulier au travail d’équipe entre enseignants. Les EPI stimulent la créativité des professeurs et redonnent du sens aux apprentissages. En aucun cas, l’interdisciplinarité n’est un obstacle à l’acquisition des « fondamentaux », bien au contraire, elle permet de redonner du sens à chaque discipline, en les mettant en perspective et en permettant ainsi aux élèves de décrypter un quotidien complexe.

Nos organisations mettent en valeur dans leurs publications, leurs moments de formation, leurs forums de discussion, de nombreux EPI et publient des témoignages d’acteurs, mais aussi de parents vantant les mérites d’un dispositif qui fait peu à peu ses preuves et qui a besoin de temps pour développer tous ses atouts. Il serait désastreux de casser cet élan comme cela avait été le cas jadis sous d’autres ministères pour les itinéraires de découverte (pourtant jugés efficaces, y compris par le décret qui les rendait facultatifs) ou les TPE (réduits à une année au lieu de deux).

Bien entendu, il est nécessaire d’en mesurer les effets, mais précisément, les rendre facultatifs empêcherait cette évaluation dont le ministre souligne souvent l’importance pour les innovations.

Pour toutes ces raisons, nous demandons à monsieur le ministre de l’Éducation nationale de ne pas mettre en péril une pièce maitresse de la rénovation de notre école, ce qui nous ramènerait au collège d’il y a cinq ans, lequel n’a nullement fait la preuve, lui, de son efficacité.

Pour le moins, il faut maintenir l’obligation pour les établissements de mettre en œuvre des EPI à tous les niveaux d’enseignement, avec un horaire suffisant, en impliquant le maximum de disciplines et en gardant un cadrage, certes souple, mais effectif, en lien avec les attendus des programmes et à partir de grandes thématiques. A l’heure où il est souligné par toutes les études internationales que l’enseignement doit mieux préparer les élèves à un monde en constante mutation technologique, leur permettre d’intégrer des compétences complexes, faire le contraire serait une navrante régression, en particulier en terme d’égalité réelle face à la réussite.

Le 6 juin 2017

Signataires :
CRAP-Cahiers pédagogiques, Éducation & Devenir, FAGE, FCPE, FESPI, SE UNSA, SGEN-CFDT, SGL, UNEF et UNL

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