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Manger et ne pas manger

L’alimentation, un thème aussi essentiel à la vie que marginal à l’école. Son lieu principal, la cantine, n’est pas un lieu scolaire mais périscolaire : ce qui est autour, à l’extérieur. Comme nous le montre Claude Lelièvre, l’alimentation des élèves du primaire est un sujet longtemps laissé à la seule responsabilité des familles, puis délégué aux communes. Situation qui laisse longtemps subsister des situations de carence. Et pourtant il faut bien qu’ils mangent ! C’est une longue évolution qui mène du réfectoire de lycée sur le modèle monastique ou du repas pris sur le pouce des primaires aux selfs actuels et à leurs menus établis par des diététiciens.

L’alimentation apparait comme thème d’enseignement dans plusieurs disciplines, plusieurs séries du système scolaire, à différents niveaux de l’enseignement, sans cohérence apparente. On mange à l’école : dans la cour, dans la salle des maitres ou des professeurs, parfois en classe, en sortie, dans les limbes d’une tolérance aux contours variables. Mais il y a aussi des élèves qui arrivent à l’école le ventre vide, avec les retentissements qu’on sait sur leur concentration et leur capacité d’apprendre. Que la cantine ferme et c’est toute une organisation familiale, scolaire, municipale qui se trouve bouleversée. L’alimentation est une réalité omniprésente à l’école, même si son importance est rarement formulée.

Réaliser ce dossier nous a conduites à envisager des enjeux multiples. Ils sont éducatifs, bien sûr : est-ce que l’alimentation s’enseigne ? De quelle manière ? Dans quel(s) cadre(s) ? Mais aussi sociaux et politiques : quels enjeux se nouent autour des repas de cantine ? Autour de la prise en compte des traditions et choix alimentaires ? Quelles en sont les conséquences économiques, environnementales ? L’alimentation à l’école, c’est finalement une question très politique !

Les contributeurs de ce dossier nous ont apporté de multiples éclairages. L’alimentation est un thème transversal qu’on voit ici traité en éducation morale et civique, en histoire, en français, en langues vivantes. Et pourtant, nous avons été surprises de l’écho relativement faible que l’appel à contributions a suscité dans les enseignements disciplinaires : signe d’une importance mineure dans les programmes ? D’un impensé disciplinaire, en quelque sorte ?

Ce que les auteurs du dossier nous montrent, c’est surtout que l’alimentation est, bien au-delà de l’école, l’affaire de tous : une coéducation. Les bonnes volontés sont là, en témoigne l’abondance des initiatives locales ou nationales, dans lesquelles il est d’ailleurs difficile parfois de s’orienter. Les lignes bougent, mais la question reste parfois complexe par ses enjeux économiques ou idéologiques.

Enfin, hors des murs de la cantine, l’alimentation est une jubilation de la langue, un plaisir simple, un pas vers l’autre, une appropriation qui demande du temps.

Alexandra Rayzal
Professeure d’histoire-géographie en collège à Paris
Hélène Limat
Coordonnatrice ULIS à Calais