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L’école des Lumières brille toujours

Eirick Prairat, ESF Sciences humaines, 2022

Après Eduquer avec tact, Erick Prairat, professeur en sciences de l’éducation à Nancy, nous propose  à nouveau un bel ouvrage, dont on peut recommander la lecture.

La première partie est consacrée aux Lumières. L’auteur rappelle les grandes lignes de pensée que sont l’autonomie (savoir penser par soi-même), la laïcité, la vérité (un « horizon de réconciliation »), l’humanité et l’universalité. L’émancipation intellectuelle était le projet des Lumières, ainsi qu’une institution scolaire ouverte à toutes et tous.

La seconde partie est consacrée à Nicolas de Condorcet, plus particulièrement à l’oeuvre scolaire de celui qui peut être considéré comme un des pères de l’école républicaine. Pour lui, l’école libère et émancipe, elle doit être hospitalière et doit veiller à être juste. L’égalité, l’équité, l’idée de socle commun, la pédagogie de la reconnaissance qui vise à stimuler l’estime de soi et la confiance en l’autre sont au coeur des écrits de Condorcet. Il promeut également la pédagogie de la reconnaissance (page 75) et la mixité. Une oeuvre à mieux connaitre.

Les deux dernières parties abordent les grands défis que l’école doit relever.

Parmi les défis, l’auteur en choisit cinq. En troisième partie, il abordera les défis d’hospitalité, de l’efficacité et de la justice. Cette idée d’hospitalité signifie faire place: « faire une place personnelle et institutionnelle à chacun afin que nul ne se sente étranger à l’école ». Accueillir l’autre dans sa pluralité et dans sa diversité, hospitalité plutôt qu’inclusion. Dans cette partie, l’auteur évoquera quelques outils des pédagogies coopératives (le quoi de neuf par exemple), comme dispositifs de libre expression, permettant à l’élève de faire entrer son « dehors » dans le « dedans » scolaire. Il rappelle les nécessaires rituels (accueil, échanges, activités), car ces rituels forment le groupe.

L’importance d’introduire à l’école de la « convivance » (page 94) qui signifie non pas de vivre les uns à côté des autres mais vivre ensemble, les uns avec les autres.

Rendre l’école efficace et juste, c’est un défi dont les résultats, les enquêtes sociologiques et les chercheurs posent un constat inquiétant (page 99). Le niveau baisse, les injustices ne cessent de croitre ou pour le dire autrement, l’école en France est peu efficace et de moins en moins équitable. L’auteur propose quelques mesures (page 111 à 115), comme soutenir la mixité scolaire, réorganiser le collège – avec des équipes pédagogiques plus resserrées – cesser les évaluations et les comparaisons, les classements dès l’école primaire; dédoubler en éducation prioritaire du primaire au collège; une formation continue portant sur des modalités pédagogiques plus efficientes.

Pour terminer l’ouvrage, l’auteur va évoquer de défi de la post-vérité et le défi du vivant. La post-vérité étant les délires conspirationnistes ou « connerie prétentieuse » qui brouillent les frontières entre le vrai et le faux. Cette post-vérité est dangereuse car elle « ruine la possibilité de vivre ensemble en portant atteinte à l’existence d’une réalité commune à la pluralité humaine » (page 127). Pour Prairat, promouvoir une culture de la connaissance et de la vérité est le chemin de ce que doit être l’école.

Enfin, promouvoir l’école du vivant est un défi nécessaire, voire indispensable en valorisant pour l’auteur deux enseignements: l’EMC (enseignement moral et civique) et l’EAC (éducation artistique et culturelle). Ces enseignements sont indispensables pour que l’élève soit un sujet pensant et connaissant mais aussi un sujet sensible, que l’élève s’approprie, écoute et soit attentif. Pour Prairat, l’enjeu de ces disciplines permet « de sentir et de ressentir ce qui nous relie aux autres et au monde, nous donnant ainsi la chance de faire l’expérience du co-naitre » (page 148).

J’ai particulièrement aimé cette lecture qui met en perspective l’école dans sa dimension philosophique et historique, en apportant des éléments contextualisés et actualisés, des propositions concrètes, des pistes de réflexion, des chemins de possibles. C’est un ouvrage à lire et à offrir car il permet d’entrevoir la lumière en ces temps assez sombres.

Marielle Pichetti