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Le harcèlement scolaire est une question éducative et non politique

Il y a un problème avec le discours politique sur le harcèlement à l’école.

Un établissement scolaire, ce sont notamment plusieurs centaines d’enfants qui interagissent toute la journée sans avoir le choix. Dans un tel contexte, l’émergence de conflits entre individus est inévitable. Ces conflits peuvent se traduire par des gestes ou des actes violents (insultes ou coups). Dans certains cas, ces actes deviennent répétitifs et dégénèrent en harcèlement. S’il se prolonge ou s’aggrave, le harcèlement peut avoir des effets très importants sur le bienêtre et la santé des personnes.

Lorsque les politiques parlent de harcèlement, ils évoquent des situations de harcèlement avérées et installées, les situations qui ont effectivement de graves conséquences. À l’école, l’enjeu de la lutte contre le harcèlement est justement de ne pas arriver à ces situations. Traiter le harcèlement à l’école ce n’est pas, pour l’essentiel, sanctionner ou faire un signalement au procureur, c’est d’abord et avant tout interrompre les processus avant qu’ils ne s’installent. Ce n’est pas le même sujet.

Les politiques se saisissent de la question au moment où le travail de terrain a échoué. Ils ont alors beau jeu de dire ou de faire croire que, puisque la situation survient, c’est que « rien n’a été fait ». Ce faisant, ils invisibilisent plus ou moins volontairement les milliers de situations qui ont été traitées et désamorcées par les équipes éducatives.

Le problème de ce décalage, c’est la perception du grand public, et notamment des parents. Dans les médias, le seul discours présent est celui des politiques. Un discours qui porte sur les évènements dramatiques et qui vise à désigner des coupables.

De ce fait, bon nombre de parents imaginent que tout ce qui est « violence à l’école » relève du harcèlement et doit être traité par la réponse pénale. Or, en réalité, beaucoup de faits de violences ne relèvent absolument pas du harcèlement et doivent être traités et sanctionnés dans le cadre ordinaire de l’école.

Le résultat, c’est qu’en réclamant sous le coup de l’émotion une action « contre le harcèlement », les politiques affaiblissent les équipes éducatives en donnant l’impression qu’elles ne répondent pas comme elles le devraient aux situations qui surviennent. Ceux qui travaillent au quotidien à réguler les relations entre les enfants, à apaiser le climat scolaire, à poser des limites sur ce qui est possible ou non, sont désignés au mieux comme inactifs au pire comme incompétents.

Quel peut être le poids de l’intervention d’un enseignant, d’un CPE ou d’un personnel de direction, puisqu’on dit à la télé que tout doit être signalé au procureur ? Comment faire comprendre aux familles qu’un conflit à l’école peut se régler « normalement », dans le cadre de l’école, puisque le message officiel est qu’il faut systématiquement porter plainte ?

La lutte contre le harcèlement est désormais une préoccupation très largement partagée dans les établissements scolaires. Les équipes sont sensibilisées et mobilisées, des méthodologies et des dispositifs pédagogiques existent. Ces équipes ont besoin de moyens et de soutien. Pas d’un discours nuisible à la véritable action de terrain. Pas d’un discours qui ne relève que de l’agitation, là où le sujet devrait être l’éducation.

Le CRAP-Cahiers pédagogiques,
12 juin 2023

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Petit Cahier n°13 – Lutter contre le harcèlement à l’école et au collège

Le harcèlement entre élèves est la forme de violence la plus difficile à repérer, à prévenir et à combattre. Sa dimension collective interpelle avec force l’école dans sa mission de construction de la vie en société. Voici 6 articles pour cerner les réalités multiples et proposer quelques outils pour y faire face à l’école, au collège, en formation.