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Le corps dans la littérature de jeunesse
À l’occasion des Nuits de la lecture 2024, les bibliothèques de l’Inspé de Créteil ont proposé une bibliographie autour du corps dans la littérature de jeunesse. Le corps est traversé de sensations, de pensées et de récits dès le plus jeune âge. Parce qu’il ne cesse de changer, de passer du petit au grand, des larmes au rire, de l’agilité à la maladresse, il interroge profondément. Métaphorique ou tout cru, il loge et se meut au cœur des albums.
Certains titres cités figurent sur les listes de référence de l’Éducation nationale organisées par cycle, mais leur mise en réseaux peut transcender ce découpage. Les livres aussi grandissent avec les enfants. Ainsi, chacun des ouvrages présentés est source de questionnement pour tous les âges : avons-nous un corps ou sommes-nous notre corps ? Le corps et l’âme sont-ils liés ? Qu’est-ce que la beauté, la nudité ? Le corps renvoie à la naissance et à la mort, aux tabous et aux rites, aux accidents et aux émotions : il parle, se lit et s’interprète. Corps uni ou dissocié, biologique ou construit, masculin ou féminin, il rythme les grandes initiations de l’enfance et les belles pages de la littérature de jeunesse. Bonne lecture !
Lucie Félix, La promenade de Petit Bonhomme, Les Grandes Personnes, 2015
« Voici un livre dont le personnage principal est votre main ». Les doigts de l’enfant jouent le rôle de Petit Bonhomme et avancent dans le paysage, au rythme d’un texte repris à l’envers afin d’en faciliter la lecture par l’adulte. En suivant le relief des images, le geste accompagne la narration. Avec ses « doigts-jambes », l’enfant saute de bosses en bosses, glisse sur un toboggan, passe un précipice, trébuche et se fait mal, s’arrête devant le chat qui refuse de se pousser… Un livre-jeu de motricité fine, pour comprendre avec son corps l’idée de récit. Par l’autrice de Prendre et donner, qui donne à manipuler des formes pour incarner les grands verbes d’action.
Laura Cattabianchi, Dans les bois, les Doigts qui revent, 2023
Les éditions Les doigts qui rêvent proposent un album tactile, en braille, où les illustrations ne sont pas figuratives mais sonores. Au cours de cette balade dans les bois, les bruits de la forêt, des animaux et des éléments sont produits par des papiers de différentes matières. Une consigne invite l’enfant lecteur à les manipuler, pour produire un son qui accompagne la narration. Un QR code renvoie à une fiche de médiation proposant des pistes d’activités et des idées d’ateliers sensoriels.
Kveta Pacovska, Un livre pour toi, Seuil, 2004
« Déplie le livre autour de toi pour en faire une drôle de maison. Regarde par les trous des pages ce qui se passe derrière. Mets-le debout et regarde-le de loin. » L’artiste tchèque Kveta Pacovska offre aux enfants un livre d’art, parcours mobile et tactile autant que visuel. Cet accordéon de douze mètres de long se lit avec tout son corps : dedans, dehors, allongé, debout ou accroupi. Ses découpes et ses pliages, son rythme et ses couleurs font de ce livre un refuge ou une aventure, qui met mouvement et multiplie les points de vue.
Adrien Parlange, Le grand serpent, Albin Michel Jeunesse, 2019
Un enfant est réveillé par la queue d’un serpent qui s’agite sous son oreiller. Il décide de suivre ses circonvolutions à travers le jardin, les rues de la ville et la forêt. L’enfant lecteur suit avec son doigt ce serpent-chemin, qui sinue à travers les images et sort du cadre pour déborder vers la page suivante. Quand il se retrouve nez à nez avec lui, le serpent lui révèle son secret : « Du fond de mon trou, je ressens des coups, des caresses, des chatouilles, mais je ne sais rien de ma place dans le monde. Raconte-moi. » L’enfant lui raconte alors ce qu’il a vu sur son chemin, et l’écriture de son récit forme un calligramme qui ondule à son tour. L’enfant lecteur est alors invité à revenir sur ses pas pour revoir tout ce qu’il n’avait pas remarqué en chemin : le serpent a réuni deux amoureux, abrité une jeune femme de la pluie, il a soutenu la tête d’un voyageur endormi. « Quand je croiserai ton chemin, je tracerai sur ta peau, du bout du doigt, une croix pour te dire : “Je suis là” », lui répond l’enfant. Un album parfait d’Adrien Parlange.
Elsa Devernois, Audrey Calleja (ill.), Ludovic Rocca (réal. sonore), C’est la petite bête qui monte, Benjamins Media, 2018
« C’est la petite bête qui monte, qui monte… » et trouve sur chaque partie du corps une rime : un bracelet sur le poignet, un pyjama sur l’avant-bras… La comptine traditionnelle en ressort plus rythmée encore. Cette petite bête, par ses va-et-vient aide le jeune enfant à mieux connaitre les parties de son corps, en les rassemblant, et à prendre la mesure de ses limites physiques. Une histoire à lire, à mimer et écouter grâce à un CD MP3, issu d’une collaboration entre une autrice, une illustratrice et une comédienne. Les éditions BenjaminsMedia créent des livres sonores en 3 tailles : S, M, L selon l’âge, ainsi que des versions en numérique, braille et en langue des signes.
Julia Chausson, Gentille alouette, Rue du monde, 2014
« Alouette, gentille alouette, alouette, je te plumerai »… Cette comptine francocanadienne est une chanson à récapitulation, où la même formule énumère en les cumulant les parties du corps. Comme beaucoup d’autres comptines elle joue sur l’ambivalence : l’alouette se fait progressivement déplumer… car on la prépare pour la manger. Et si on lui plume le bec en premier, c’est peut-être parce que l’alouette est l’oiseau qui chante le plus tôt. Dans cette version, la chute lui offre une revanche, mais le jeu avec la peur et la cruauté demeure, parsemant de frissons cette découverte du corps. La typographie, la taille et la couleur des lettres renforcent le rythme de la comptine. Aux éditions Rue du Monde, la collection Les Petits Chaussons revisite les comptines traditionnelles dans de petits livres tout-carton, illustrées par les gravures sur bois de Julia Chausson.
Olivier Douzou, Fourmi, Rouergue, 2012
Sur la page de droite, un ours blanc se devine à peine sur fond blanc, alors que sur la page de gauche, il apparait nettement sur fond noir. Une fourmi noire se promène sur lui : elle se distingue parfaitement sur fond blanc mais sur fond noir, elle se dissimule et se fait passer pour toutes les parties de son corps : sourcils, poils de nez, griffes… Un album graphique et ludique, où retentit la voix de l’enfant lecteur qui déjoue l’illusion : « Mais non ! ». La fourmi qui joue des tours à l’ours finira dans son ventre, bien visible cette fois. Un jeu de reconnaissance qui précise les détails du corps en jouant sur les illusions d’optique, les changements d’échelle et la connivence avec l’enfant, lecteur d’image.
Christian Voltz, Il est où ?, Rouergue, 2007
À partir d’un amas hétéroclite d’objets, un bonhomme fragile nait sous nos yeux… sans toutefois qu’on s’en aperçoive. Notre attention est focalisée sur les objets amoncelés sur la page de droite, qui en passant un par un sur la page de gauche, s’ordonnent et donnent vie petit à petit : le caillou pour la tête, le bout de bois pour le corps, le fil de fer pour les membres. Chaque partie du corps est associée à un repère spatial, car il faut chercher sous, derrière, au milieu de… Le bonhomme est-il sous le caillou ? Non, le caillou c’est sa tête ! Cet album fait naitre la vie du chaos et revisite le jeu du « coucou caché », qui met en scène l’absence et l’apparition. Est-ce que l’autre existe vraiment quand il s’absente ? En tombant, le personnage permet au jeu de recommencer à l’infini, entrainant la jubilation des enfants. Par un auteur illustrateur qui crée des installations éphémères à partir d’objets de récupération.
Gianni Rodari, Beatrice Alemagna (ill.), Giuseppe Bianchi (trad.), La promenade d’un distrait, Seuil jeunesse, 2005
Giovanni est un garçon distrait, qui vérifie régulièrement s’il est « toujours entier ». Le voilà, absorbé par les nuages, qui perd une main. « Qu’est-ce que je suis distrait ! » Il la cherche, oublie de la chercher, puis perd un bras, un pied, une jambe… Des adultes vont trouver chacun de ses morceaux et les ramener à sa mère, sans jugement : « Eh madame, les enfants sont tous comme ça ! » Elle hoche la tête et tout se remet en place… Un album du grand auteur italien Gianni Rodari, qui donne aux enfants le droit de se perdre et de se retrouver. L’adulte est là pour rassembler les morceaux du pantin désarticulé et rétablir la complétude. Blotti dans les bras de sa mère, il ne manque plus rien à Giovanni, son unité est rétablie. Une autre grande italienne, Beatrice Alemagna, signe les images de cette promenade initiatique. Elle est aussi l’autrice d’un film d’animation où les matières variées et les collages interprètent à leur tour le morcèlement de l’enfant, sur la musique des Têtes Raides.
Antonin Louchard, La promenade de Flaubert, Thierry Magnier, 1998
Flaubert (Gustave ?) se promène et le vent se lève. Il perd son chapeau, ses lunettes mais aussi la tête, ses bras, son ventre, ses jambes ! Quand le vent se calme, la femme de Flaubert rassemble tous les morceaux, mais un peu dans le désordre… Voilà Flaubert qui marche sur la tête. Le personnage qui à chaque coup de vent se disloque, met en récit l’angoisse de morcèlement du jeune enfant. Celui-ci ne vit pas son corps comme une totalité mais comme dispersé, éparpillé. C’est le stade du miroir qui va lui permettre d’accéder à une représentation de son corps unifiée. L’image qu’il s’en fait est comparable à une enveloppe qui délimite un intérieur et un extérieur et rassemble des « morceaux de corps », comme un habit d’Arlequin. La fin ouverte permet à l’enfant de jouer avec cette peur archaïque… en remettant un peu d’ordre chez Flaubert.
Olivier Douzou, Loup, Rouergue, 1995
« Je mets mon nez, je mets mon œil, je mets mon autre œil… » Peut-on mettre chaque partie de son visage comme on enfilerait des habits pour se préparer ? Qu’est ce qui est accessoire, qu’est-ce qui est essentiel ? Clin d’œil à la comptine « Promenons-nous dans les bois » datant du XVIIe siècle, le loup ne s’habille pas mais nait sous nos yeux, auteur de lui-même. La tension monte, comme dans le jeu traditionnel qui consiste à poser des questions au loup pour différer la rencontre. Le corps est peut-être à la fois ce qui menace de nous dévorer et ce qui en nous dévore. Titre recommandé par le ministère de l’Éducation nationale pour le cycle 1 de l’école primaire.
Ed Emberley, Va-t’en, Grand monstre vert !, Kaléidoscope, 1996
Grand Monstre Vert a deux grands yeux, un long nez, une grande bouche avec des dents pointues… En tournant les pages, l’enfant lecteur découvre chaque partie du visage et contribue activement à former la tête effrayante. Il peut aussi ordonner à chaque partie du visage de disparaitre, et les forcer à s’exécuter grâce au découpage astucieux des pages cartonnées. L’enfant gagne le contrôle sur sa peur, comme dans le jeu du « Fort-Da » décrit par Freud. Ernst s’amuse à lancer une bobine et la ramène vers lui, rejouant les allers et retours de sa mère. Là où dans la réalité il subit, par le jeu il se donne une position active et tente de maitriser ce qui lui arrive. L’histoire transpose dans l’ordre du symbolique l’expérience vécue, sans cesse répétée grâce à une fin ouverte.
Emily Gravett, Elisabeth Duval (trad.), Mon singe et moi, Kaléidoscope, 2007
Une petite fille imprime un mouvement et une forme à son singe en peluche : elle le fait se dandiner comme les manchots, bondir à la façon des kangourous, pendre la tête en bas comme les chauves-souris. Elle expérimente ainsi une première représentation du corps et de son mouvement, à la manière d’une marionnettiste. Le singe, en déployant des membres et une queue interminables, donne une ampleur et une liberté au mouvement, proches de la danse. L’enfant explore les possibilités de son corps propre par la médiation de l’objet transitionnel, peluche ou doudou, en s’essayant à une diversité de positions. Ce faisant, il donne vie à un corps inanimé. Une autrice et illustratrice anglaise à suivre, qui a l’habitude de jouer avec les livres !
Mélie, Aurélie Thomas (ill.), Que me manque-t-il ?, Ebla, 2003
« Au secours ! Je veux sortir de ce gribouillis ! » Le dessin d’un bonhomme têtard puis patate sort du chaos et se demande ce qui lui manque. À chaque acquisition : bras, bouche, oreilles, ventre, il découvre une capacité nouvelle : écouter, parler, se gratter… Cet album associe le corps et sa représentation : les différentes étapes par lesquelles passe le dessin des enfants sont liées à la prise de conscience du schéma corporel. L’enfant se dessine tel qu’il se perçoit. À la naissance, il n’est pas conscient du monde qui l’entoure, ni de son corps propre, ni de la séparation entre les deux : un vrai gribouillis ! Il prend peu à peu conscience de son corps et de la place qu’il occupe dans l’espace grâce aux expériences qu’il vit, aux sensations et aux mouvements. L’autrice enseignante propose sur le site des éditions Ebla un dossier pédagogique.
Jean-Pierre Blanpain, Ce livre est trop petit, Le cosmographe, 2021
Il manque la queue du chat, et un bout de son oreille, il manque la trompe de l’éléphant et les oreilles du lapin… Ces animaux ne sont pas trop grands, c’est le livre qui est trop petit ! Ils ne tiennent pas sur la page et sortent littéralement du cadre. Des rimes, des assonances et des jeux de mot accompagnent les expressions des animaux mécontents de leur sort. Ces corps qui dépassent rendent le hors-champ très présent, et aiguisent le plaisir à imaginer les formes qui manquent. Un album qui joue sur les points de vue et le corps du livre.
Mem Fox, Helen Oxenbury (ill.), Anne Krief (trad.), 2 petites mains et 2 petits pieds, Gallimard Jeunesse, 2009
Des bébés naissent aux quatre coins du monde, « dans une maison, dans le désert, au milieu des prés ou toujours enrhumés ». Leur différence initiale, de traits ou de couleur de peau, est soulignée par une apparition solitaire sur la page de gauche, sorte de naissance de papier qui les rend uniques. Sur la page suivante, chacun de ces bébés va rejoindre ses pairs et former une joyeuse bande bigarrée. Qu’est ce qui les réunit ? Ce même corps qui les différenciait. Les premiers mouvements des mains et des pieds les rapprochent les uns des autres. Le corps est une donnée naturelle et en même temps un jeu, un mouvement, adressés à l’autre. Un album qui se lit comme une ritournelle.
Taro Gomi, C’est l’heure du bain, petit lion, Autrement, 2009
N’est-ce pas étrange de demander à un lion d’enlever ses habits à l’heure du bain ? Le voilà pourtant qui enlève sa crinière et son pelage. Un petit ours tout nu apparait, à qui Maman demande de nouveau de se déshabiller. N’est-ce pas étrange de demander à un ours de se déshabiller ? Un album sur le corps comme nudité et comme rapport à l’animalité : qu’est-ce que se sentir nu ? Est-ce qu’un animal avec ses poils et sa fourrure est aussi nu que nous ? Est-ce que les déguisements et fictions des enfants ne sont pas une seconde peau ?
Mickaël Escoffier, Kris Di Giacomo, À poil(s), Kaléidoscope, 2008
Il fait exceptionnellement chaud dans la savane. Le lion étouffe sous son pelage et décide d’enlever son costume. Un zèbre l’enfile, dans l’espoir que les lions le laissent enfin tranquille. Une autruche enfile son costume pour ne pas passer inaperçue, une hyène enfile celui de l’autruche pour ne plus sentir mauvais. Le babouin part faire peur à l’antilope avec son costume de hyène, sauf que l’antilope n’est pas la vraie antilope et trouve que cette hyène a un petit gout de babouin… Peut-on enfiler l’identité d’un autre et se faire passer pour lui ? Est-ce que l’habit fait le moine ? Est-ce que le naturel (ici, la chaine alimentaire !) revient toujours au galop ? Un album hilarant signé Michaël Escoffier.
Lydia Devos, Arnaud Madelénat (ill.), Augustine ne rentre plus dans ses bottes, Le Pommier, 2013
Quand l’oie Augustine revient un an plus tard chez sa grand-mère, elle s’étonne de ses petites bottes devenues trop petites pour elle. Pourquoi n’ont-elles pas, elles aussi, grandi ? En voulant saluer les groseilles à qui elle a dû manquer, elle les trouve encore vertes… « Tu es trop grande ! » « Tu es trop petite ! » s’écrient tour à tour les adultes autour d’Augustine : trop grande pour son petit lit, trop petite pour les talons et le maquillage. Une réflexion vertigineuse sur la relativité des corps qui grandissent tout en prenant leur temps, rapportés aux objets qui ne changent pas ou au végétal qui meurt et renait… Une postface encourage l’enfant à se pencher sur les photographies de son premier âge, et à rapprocher sa croissance d’un fruit qui grossit ou d’un arbre qui grandit. Lydia Devos, enseignante en philosophie permet aux plus jeunes de s’interroger sur le changement et la permanence des corps.
Fred Paronuzzi, Kris Di Giacomo (ill.), Le bébé géant, Kaléidoscope, 2017
Un bébé géant est sorti du ventre ! Il parle, refuse le lait et engloutit un poulet, déracine un oranger pour s’en faire un éventail, écrabouille les collines. Tout est démesurément petit, à l’aune de ce bébé fabuleux, alors qu’en temps normal tout parait immense à un enfant. Il adore ça, être « trop grand », jusqu’à ce qu’il s’emmêle les jambes et tombe : impossible de se relever, et personne pour l’aider. Il se sent soudain seul et abandonné, plus faible et fragile qu’un papillon. Tiré du conte traditionnel haïtien Brise-Montagne, cet album évoque la tension du jeune enfant qui veut à la fois tout faire tout seul et rester protégé. Ce désir ambivalent d’être petit et grand traverse son corps sous forme de pulsions qu’il est bon de raconter.
Margaret Wise Brown, Esphyr Slobodkina (ill.), Michèle Moreau (trad.), Le petit pompier. Didier Jeunesse, 2022
Un grand pompier, avec son grand camion, suivi par son grand chien, éteint un grand incendie tandis qu’un petit pompier, avec son petit camion, suivi par son petit chien, éteint un petit incendie. Mais lorsque la nuit tombe, le grand pompier fait un petit rêve de rien du tout, alors que le petit pompier fait un rêve vraiment énorme ! Un album qui joue sur le contraste petit/grand sans hiérarchiser les deux personnages, dotés d’une gale valeur. Ce classique de la littérature américaine, publié en 1938 aux États-Unis, est le livre d’enfance préféré de Barack Obama. À la fois d’avant-garde et très populaire, il est signé Margaret Wise Brown, membre du Laboratoire des Écrivains de la Bank Street School, école expérimentale new-yorkaise.
Le mouvement
Marie Hall Ets, Catherine Chaine (trad), Montre-moi !, L’École des loisirs, 2011
Ramper comme un chat plaqué au sol, se tortiller comme un serpent, sauter comme un lapin, battre des bras comme une oie, avancer à quatre pattes en broutant comme une vache : « montre-moi comment tu fais ? » demande un enfant à chaque animal rencontré. Il observe avec beaucoup de curiosité et de sérieux la façon dont chaque corps se déplace, d’où nait le mouvement, et le reproduit. Il finira par se mettre à courir, sans plus imiter personne : à sa façon. On peut imiter et rester soi-même ! Cette autrice et illustratrice américaine a étudié à la fois l’art et la psychologie de l’enfant.
Janik Coat, Danse avec Bernie, Hélium, 2020
Dans ce grand livre cartonné, l’ours Bernie compare sa taille avec celle d’un petit garçon à l’allure de lutin. Malgré leurs différences, les mouvements les plus simples (marcher, descendre, sauter) s’enchainent dans une chorégraphie qui reprend tous les verbes de la musique et du mouvement. Une belle invitation au rythme et à la danse, à partir de gestes et de sensations simples.
Pascale Bougeault, Yoga-baba, L’École des loisirs, 2007
Paul se concentre sur son corps pendant sa séance de yoga et fait « comme si » : il rugit comme un lion, se balance comme l’autruche, s’accroupit comme la grenouille, remplit ses poumons et les vide en soufflant. Ses sensations intérieures : cœur qui bat, respiration, sont mises à l’honneur, ainsi que les images mentales qui lui permettent de prendre une pleine conscience de son corps, grâce à la proximité enfant-animal.
Ilya Green, La dictature des petites couettes, Didier Jeunesse, 2014
Olga, Ana et Sophie organisent un concours de beauté, avec robes et petites couettes obligatoires. Quand Gabriel et le chat veulent participer, pas question : un garçon et à fortiori un chat avec plein de poils gris, ça ne peut pas être beau ! Qu’en pense le jury ? Constitué de fourmis noires, il va trouver les participants beaucoup trop grands, poilus et chevelus : c’est bien connu, il faut être tout petit et tout noir pour être beau… Une réflexion sur la beauté relative, le regard sur les corps, et une mise en évidence des normes de genre qui pèsent autant sur les filles que sur les garçons. Tous les corps sont à libérer !
Audrey Poussier, Le plus beau, L’École des Loisirs, 2009
« Qu’est-ce que tu as ? – Je suis gros ! » Qui est gros ? Grand ? Le plus grand ? Qui est beau ? Le plus beau ? La bande d’animaux d’Audrey Poussier entoure le lapin rose qui se trouve laid. Chacun d’eux va mettre en avant ses particularités et l’aider à s’accepter. Un album pour aborder la différence physique sur un pied d’égalité.
Anthony Browne, Marcel La Mauviette, L’école des Loisirs, 2013
Marcel, le jeune chimpanzé, est qualifié de « mauviette » : il courbe l’échine devant le gang des gorilles, et demande pardon quand il n’a rien fait. Un peu de jogging, des bananes, des cours d’aérobic et de la musculation, voilà Marcel qui devient fort, très fort, jusqu’à impressionner les brutes… qui s’en prennent à une fille seule. Qui est vraiment fort au juste ? Et au fond, qui est Marcel ? Avec ce corps d’antihéros sous un pull Jacquard, le grand Anthony Browne offre une réflexion sur le muscle et l’apparence, interrogeant la force et la faiblesse.
Vincent Cuvellier, Ronan Badel (ill.), Émile et la danse de boxe, Gallimard jeunesse, 2016
Émile veut faire de la danse, mais pas n’importe quelle danse… Il veut faire de la danse de boxe. La singularité d’Émile permet de déjouer les stéréotypes qui collent à la peau des filles et des garçons.
Jessica Love, Julian est une sirène, L’École des Loisirs, 2020
Dans le métro, Julian et sa grand-mère croisent des sirènes. Trois flamboyantes créatures, qui laissent trainer au sol des queues de poisson turquoise. De retour à la maison, il se pare avec les plantes vertes et les rideaux du salon. Comment va réagir sa Mamita ? Elle l’emmène à la Mermaid Parade, défilé de drag-queens dans les rues de Coney Island. La grand-mère désarmante accueille sans jugement le gout de son petit-fils et lui donne l’occasion de l’explorer dans la joie et le partage. « Notre désir le plus profond est finalement d’être vu tel que l’on est par les personnes que l’on aime », explique l’autrice américaine. Le corps comme une façon d’être intimement soi-même, sous les yeux des autres.
Thierry Lenain, Delphine Durand (ill.), Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi ?, Nathan, 2011
Pour Max, le monde est divisé entre les « avec zizi » et les « sans zizi ». Jusqu’au jour où arrive Zazie, une fille qui joue au foot, dessine des mammouths et grimpe aux arbres. C’est sûr, elle triche : Max décide de prouver à tout le monde que Zazie a un zizi. Les filles ont-elles réellement quelque chose en moins ? Un premier roman pour comprendre pourquoi il arrive aux garçons de le penser.
Michel Van Zeveren, La porte, L’École des Loisirs, 2009
Une petite fille cochon se prépare à prendre un bain, se dénude et s’admire dans la glace de la salle de bains. Mais ce n’est pas simple d’avoir de l’intimité lorsque toute la famille rentre sans frapper : la mère avec le dernier né, les deux frères pour aller aux toilettes, le père pour se brosser les dents, et même le chat, au grand désespoir de la petite fille qui se cache derrière sa serviette. Elle hurle le seul mot de cet album sans texte : « La porte !!! », et donne à lire le corps comme un espace à soi.
Beatrice Alemagna, Bertha et moi, L’École des loisirs, 2024
Une petite fille, Moi, s’écorche le genou en tombant sur des cailloux. Il saigne, puis une croute se forme, à qui elle décide de donner un nom : Bertha. Elle s’en fait une amie, lui raconte tout, jusqu’au jour où Bertha tombe, elle aussi. La grande autrice italienne Beatrice Alemagna fait d’une croute un personnage qui symbolise le temps qui passe et évoque la disparition. Le corps se souvient longtemps des chutes, son histoire est aussi celle de la douleur et de la cicatrisation.
Grégoire Solotareff, Olga Lecaye (ill.), Mimi l’oreille, L’École des loisirs, 2003
Mimi le lapin n’a qu’une oreille, ce qui ne le rend pas si différent des autres lapins. À l’âge de sept ans, il se met en tête d’être comme tout le monde. Il veut aussi comprendre comment marche le monde, et est convaincu qu’il faut pour cela avoir deux oreilles. Il entreprend un long voyage au cours duquel il va croiser des êtres qui, comme lui, sont finalement singuliers. Olga Lecaye et Grégoire Solotareff, mère et fils, signent un album fort, qui n’élude pas le désir de ressembler aux autres et chemine à son rythme vers l’acceptation de la différence. Comment être heureux en étant différent ? Est-ce que tout le monde ne se sent pas différent des autres ?
Jin-Ho Jung, Alain Serres (adapt.), Regarde en haut !, Rue du monde 2015
Penchée à sa fenêtre, la jeune Suji scrute la rue, assise dans son fauteuil roulant depuis un accident. Elle ne voit que le haut du crâne des passants. « On dirait des fourmis » qui marchent vite, sont pressées et ne la voient pas. Suji les appelle : « Est-ce que quelqu’un peut regarder en haut ? » Un seul garçon entend son cri et lève la tête. Il va inventer une façon d’être ensemble en s’allongeant sur le sol afin qu’elle puisse voir tout son corps. Une belle allégorie de l’inclusion, qui transforme les situations au lieu de demander aux individus de s’adapter. Une invitation à regarder en haut pour regarder autrement.
Claude Ponti, Schmélele et l’Eugénie des larmes, L’École des loisirs, 2005
Schmélele est pauvre, sa maison n’a ni murs ni toit, seulement une porte. Ses parents travaillent tellement dur qu’ils finissent par devenir minuscules et disparaitre… Un livre du grand Claude Ponti où les adultes rétrécissent sous les difficultés et où l’on découvre qu’il y a toutes sortes de larmes : lourdes, énormes, mouillées, légères, bleues, profondes… Une expérience physique de la tristesse et des épreuves, qui coutent au corps mais ne restent jamais éternellement figées, car avec l’Eugénie des larmes, il y a toujours l’Eugénie du rire.
Gaia Cornwall, Christiane Duchesne (trad.), Jabari plonge, D’eux, 2021
À la piscine, Jabari est bien décidé à sauter du haut du plongeoir. Mais, arrivé au bas de l’échelle, il se met à hésiter et repousse à plusieurs reprises l’instant fatidique. « J’ai oublié de faire mes étirements », invoque-t-il, avant de se contorsionner dans tous les sens. Le père, figure importante de l’album, accueille la peur de son fils avec bienveillance au lieu de la minimiser ou de la tourner en ridicule. C’est Jabari qui trouvera lui-même les clés pour la dépasser. Gaia Cornwall met en scène une famille noire dans un épisode susceptible de concerner le corps de tout enfant.
Caroline Burzynski-Delloye, Un corps de rêve, Gallimard Jeunesse, 2006
Sur le mode de la confidence, chaque partie du corps prend au pied de la lettre une expression du corps humain : « tête de chou », « yeux de merlans frits », « bras de fer », « fidèle bras droit », « gros bidon » ou « cœur d’artichaut »… Ainsi se construit, puis s’éparpille un personnage singulier, une créature de rêve. Le corps a son langage, les expressions qu’on lui prête montrent la relation entre corps et esprit.
Yuichi Kasano, À la sieste, tout le monde !, L’École des Loisirs, 2011
Une grand-mère sort son matelas sur la véranda pour qu’il prenne l’air. Le chat décide d’y faire sa sieste, suivi par la grand-mère, par une poule et ses poussins, un petit garçon et son chien, une chèvre, une truie et ses porcelets. Les corps des personnages s’ajustent et s’enchâssent harmonieusement sur cet espace à la fois réduit et accueillant, laissant penser qu’il y aura toujours de la place pour tout le monde. Le sommeil est exprimé dans toute son aise, avec force bâillements et grognements quand soudain, un tremblement de terre… Grand-mère a fini sa sieste.
Werner Holzwarth, Wolf Erlbruch (ill) De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, Milan, 1999
« Est-ce toi qui m’as fait sur la tête ? » Une petite taupe reçoit un caca sur sa tête et part à la recherche du coupable. Elle va enquêter auprès de tous les animaux qu’elle rencontre, chercher à se venger puis retourner sous terre, « là où personne ne peut lui faire sur la tête ». L’image se focalise tantôt sur la tête, tantôt sur le postérieur des personnages, et montre l’importance du stade anal chez l’enfant : les selles font partie de lui-même, il n’est pas anodin de s’en séparer, de voir partir une partie de lui. C’est aussi un moment de plaisir, plaisir d’expulser ou plaisir de garder, où l’enfant expérimente la maitrise et le contrôle. Un grand classique qui permet de lier et symboliser par un récit ces expériences fondatrices.
Fran Manushkin, Ronald Himler (ill.), Anna Solal et Frédérick Leboyer (trad.), Bébé, L’École des Loisirs, 1976
Bébé est bien au chaud dans le ventre de sa maman. Tellement bien qu’il décide d’y rester, d’autant que Madame Bontemps ne cesse de dialoguer avec lui. Catherine sa sœur, Marc son frère, son grand-père et sa grand-mère essaient de le convaincre : la menace, une pièce d’un franc ou un gâteau au chocolat… Rien n’y fait ! Il y a pourtant une chose, toute simple, qui le fera changer d’avis : une promesse de Papa. Un album qui donne envie de naitre et de s’incarner, où les corps sortent de la fusion mais restent liés.
Marc Barnett, Jon Klassen (ill.), Alain Gnaedig (trad.), Le loup, le canard & la souris, L’École des Loisirs, 2020
Un loup dévore une petite souris, qui reste coincée dans le ventre de la bête. Elle y fait la connaissance d’un canard qui vit là : « J’ai peut-être été avalé, mais je n’ai aucune intention d’être mangé ! C’est chez moi ici. Tu serais étonnée de voir ce que l’on peut trouver dans le ventre d’un loup ». Une nappe, des chandelles, un tourne-disque. Le ventre du prédateur se transforme en un intérieur où il fait bon vivre, une bonne raison pour le sauver du chasseur ! Un clin d’œil hilarant aux contes traditionnels, où être dévoré tout cru symbolise aussi le retour au ventre maternel, d’avant la naissance. Titre recommandé par le ministère de l’Éducation nationale pour le cycle 1 de l’école primaire.
Claude Ponti, Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron, L’École des loisirs, 2009
Bih-Bih s’aperçoit que son chemin se trouve sur la langue du monstre Bouffron-Gouffron… qui est en train d’engloutir le monde. Une fois dans son ventre, elle part à la recherche de la première goutte de la première pluie, seul remède permettant de redonner vie à la Terre. Un album qui se tourne dans tous les sens, avec des images ou des fragments de textes orientés dans des directions différentes sur une même double-page. Bih-Bih, aux allures d’Alice avec sa robe bleue et son tablier blanc, expérimente les changements de taille et se confronte aux questions essentielles de la dévoration et des renaissances.
Ole Könnecke, Anton et les rabat-joie, L’École des loisirs, 2013
Nina, Greta et Lukas ont du travail : bêcher, biner, ratisser. Anton voudrait bien les aider, mais il n’a pas d’outil. Vexé, il décide de s’allonger par terre et de faire le mort. Lukas veut lui creuser une belle tombe, mais Nina et Greta ne l’entendent pas de cette oreille : Lukas leur a pris leur pelle. Puisque c’est ça, Lukas fait le mort aussi. Nina s’allonge, puis c’est au tour de Greta. La disposition quasi géométrique des quatre enfants, allongés en ligne sur les doubles pages est hilarante, comme le ton sur lequel est évoqué, et apprivoisé dans le corps, l’état de mort.
Margaret Wise Brown, Une chanson pour l’oiseau, Didier Jeunesse, 2013
Un oiseau est mort. Des enfants le découvrent, l’enterrent, lui inventent une chanson, avant de reprendre leurs jeux. Le texte de Margaret Wise Brown date de 1938, mais on mesure la modernité de cet ouvrage où tout est dit : le cadavre, l’enterrement dans ses détails, la mémoire qui demeure, avec la tombe de l’oiseau et le rituel.
Muriel Bloch, Mireille Vautier (ill.), 365 contes de la tête aux pieds, Gallimard jeunesse, 2000
365 histoires racontées par la grande conteuse Muriel Bloch, pour raconter le corps humain, ses sortilèges et ses métamorphoses, de la peau jusqu’aux os et de la tête aux pieds. « Le monde des contes reste pour moi peuplé d’hommes et de femmes aux corps inoubliables, hors normes, excessifs, hybrides, porteurs de signes troublants où se côtoient grandeur et petitesse, laideur et beauté, où la frontière entre l’humain, le végétal et l’animal reste floue. » Cette anthologie honore les corps qui clochent dans les contes, bossus, boiteux, borgnes, aux mains coupées, aux cheveux de salade, à la peau d’ours ou à la peau d’âne.
Céline Ripoll, Sébastien Ripoll (ill), Le tatouage de Mataora, Grandir, 2017
Le jeune chef Mataora est connu pour ses exploits guerriers. Bien trop préoccupé à « parfaire l’art de la guerre plutôt que l’art de l’amour », il reste sans épouse. Un soir où il rêve de danses guerrières, les femmes-esprits du monde d’en bas lui rendent visite. Il épouse l’une d’elles. Le jeune chef repart à la guerre, mais un soir, « il semble oublier qu’elle est sa femme et non son ennemie ». Tout se mélange dans sa tête et sa main s’abat sur elle. Au petit matin, elle n’est plus là. Parti à sa recherche dans le monde d’en bas, il va découvrir le tatouage, « l’art de tracer dans la peau les chemins de la vie », qui vont le protéger de sa colère. Un conte initiatique sur la naissance du tatouage maori, élégamment évoqué dans les volutes et les spirales des illustrations.
Anais Vaugelade, Comment fabriquer son grand frère : un livre d’anatomie et de bricolage, L’École des loisirs, 2016
Zuza décide de se fabriquer un grand frère, pas un « petit bébé de rien du tout » comme sa sœur Mariama. Entourée de ses assistants les jouets et munie de l’Encyclopédie Crocodilis, elle débat et compare : la poupée rigide est dotée d’un squelette à l’extérieur comme les crevettes, le poupon mou n’en a pas, à l’instar de la limace, et Zuza en possède un, à l’intérieur. Quand Cow-boy fait remarquer que les os en bois ne se plient pas, Zuza les coupe puis les fixe avec des élastiques, découvrant et inventant les ligaments. La réflexion fonctionne par analogie, grâce aux échanges, chaque étape posant un nouveau problème à résoudre. Restera à se poser la question : comment donner vie à ce frère ? Avec une table des matières et la relecture d’une docteure en biologie, Lucille Moriceau. Dossier pédagogique sur le site de L’École des Loisirs.
Stéphane Jaubertie, Une chenille dans le cœur, éd. Théâtrales jeunesse, 2008
Une enfant de dix ans contrainte de vivre serrée dans un corset de bois, rencontre un bucheron qui a coupé tous les arbres sauf un. Pour que l’enfant vive, il faut tailler dans le cœur de ce dernier arbre un corset neuf qui lui permettra de grandir. Mais le bucheron a promis qu’il ne l’abattrait pas. Stéphane Jaubertie rapproche le corps du corset pour évoquer la difficulté à grandir, la filiation et l’altérité.