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«On apprend à parler, écrire, lire en parlant, écrivant et lisant…»

Certains commentaires parus dans la presse sur les projets de programme montrent un très faible niveau de lecture… ou beaucoup de parti-pris de leurs auteurs.
Tout d’abord, nous dit-on, avec les nouveaux programmes, on ne « ferait plus de grammaire ».

Qu’en est-il de l’étude de la langue ? Reprenons ce qui était dit dans les programmes encore en vigueur. Ils sont fondés sur un apprentissage de la langue, énoncé non pas en termes d’objectifs et de compétences langagières à construire, mais sous la forme de longues listes de nomenclature grammaticale, entrant dans le détail des classes de mots et des structures syntaxiques. Cette inflation terminologique visait une grammaire d’étiquetage particulièrement lourde en fin d’école primaire. Elle a conduit à un apprentissage abstrait et fragmentaire des règles sous la forme « énoncé de la règle et exercice d’application », obstacle à toute vision synthétique du système de la langue. Le rapport de l’Inspection générale (rapport dirigé par Philippe Claus) en a fortement souligné l’échec.

Ces programmes apparaissent très décalés par rapport à une logique de socle de connaissances et de compétences. Tous les spécialistes de sciences du langage consultés par le Conseil supérieur des programmes en ont souligné les défauts.

Nos projets de programmes ont tenté de corriger ces défauts en partant du principe que l’enseignement du français consiste bien à travailler d’abord les compétences parler, écrire, lire et qu’on ne les travaille jamais mieux qu’en parlant, écrivant et lisant… L’accès à la réflexivité sur la langue n’étant pas un préalable à son exercice.

La réflexion sur la langue, elle, doit d’abord consister à observer, modifier, substituer des énoncés avant d’apprendre une terminologie grammaticale, en mettant l’accent sur les régularités les plus fréquentes avant d’entrer dans le détail. La visée est d’abord orthographique aux cycles 2 et 3 ; elle est plus réflexive ensuite au cycle 4 où l’on insère la grammaire de phrase dans les contraintes de discours et où l’accent est mis aussi sur l’étude plus systématique du lexique.

Plus généralement, je suis effaré de voir des professeurs revendiquer leur liberté pédagogique et exiger ensuite des programmes qui sont de véritables carcans impossibles à enseigner. Quand je parcours les programmes de français de 2008 je revois ceux que j’ai moi-même subis dans ma jeunesse. Mais à l’époque tout le monde ne passait pas en 6e classique.

Un dernier point : certains oublient également que le latin et le grec ne figurent pas dans les enseignements obligatoires dont nous devions faire les programmes. Ce choix date de la création des collèges modernes sous l’occupation (réforme Carcopino). Je trouve que la situation des technologies et des sciences est plus préoccupante pour notre pays que l’extension de l’enseignement du latin et du grec. Mais de cela nul groupe de pression ne se préoccupe. O tempora ! O mores !

Denis Paget
Membre du Conseil supérieur des programmes