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La pensée et l’action

« Il nous parlait de l’École en tant qu’institution en nous faisant bien comprendre que nous en étions des acteurs et en nous montrant la marge de manœuvre que nous avions », nous écrit Odile Sotinel, l’ancienne secrétaire générale du CRAP, qui fut son étudiante.
Il sera temps plus tard de revenir sur les apports de Jacky Beillerot aux sciences de l’éducation. Au lendemain de sa disparition brutale, nous ne pouvons que dire notre grande tristesse, et rappeler quelques traits de son action.
Il avait milité au bureau de l’UNEF au lendemain de la guerre d’Algérie, soucieux d’orienter l’engagement des étudiants vers la cause de la démocratisation de l’enseignement, puis au SGEN-CFDT. Il avait commencé comme professeur d’histoire au lycée d’Angoulême puis à l’IUT de Poitiers, au CAFOC de Versailles, avant de s’orienter vers les sciences de l’éducation et de devenir l’assistant de Gilles Ferry à la jeune université de Nanterre, où s’est déroulée toute sa carrière universitaire. Il a été l’un des premiers à affirmer qu’une des questions essentielles, aujourd’hui, était la formation des adultes, et cette préoccupation se retrouve dans quelques-unes de ses réalisations et publications les plus marquantes.
D’abord les Biennales de l’éducation et de la formation, qu’il organisait avec maîtrise depuis 1990. Plus récemment, le Manifeste pour un débat public sur l’École, publié en 2002 par un petit groupe constitué notamment à son appel ; ce groupe produit depuis des fiches qui prolongent le Manifeste.
Dans ces deux entreprises comme dans bien d‘autres au cours de sa vie, Jacky Beillerot montrait que pour lui il fallait associer à l’action, dans l’action, non seulement les diverses personnalités, mais aussi les divers groupes, associations et mouvements de France et de l’étranger ; ainsi, il réservait dans les Biennales une place au Climope, le comité de liaison des mouvements pédagogiques. Et les Biennales débordent le champ de l’enseignement, de même que J. Beillerot travaillait aussi à la formation des travailleurs sociaux. Tous ceux qui l’ont approché ont été sensibles à son accueil, à sa culture, à son sens de l’humour. Il était « rayonnant », vient de nous dire Gilles Ferry.
Il a toujours apporté avec enthousiasme son concours aux Cahiers pédagogiques et l’un de ses derniers textes aura été sans doute la conclusion du dossier sur l’autorité dans le numéro de septembre. Relisons la fin de ce texte, non sans émotion : « Changer de monde est assurément angoissant, mais rarement désespéré. Nos ancêtres ont inventé l’au-delà ; nous savons sans doute davantage, aujourd’hui, que Victor Hugo était un visionnaire quand il écrivait : C’est ici qu’était le paradis. Là-haut, ce n’est que le ciel. »
Le colloque que nous organisons fin octobre sur ce thème de l’autorité qu’il avait plusieurs fois abordé sera une manière de continuer ce combat pour une pensée complexe, une pensée libre…

Jacques George