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L’école n’est pas une entreprise, le néolibéralisme à l’assaut de l’enseignement public

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« L’école n’est pas une entreprise ». On a retrouvé ce titre sous forme de slogan et d’affiches durant le mouvement social de mai-juin 2003. Il est vrai que les inquiétudes sont nombreuses face à la mondialisation et au développement de la pensée néolibérale. Les projets tels que l’AGCS (Accord général sur le commerce et les services) qui fait de l’éducation un des services dont l’OMC (Organisation mondiale du commerce) souhaiterait la libéralisation sont en effet inquiétants.
Un des propos de ce livre est de dénoncer ces projets et de repérer tous les signes du développement de la pensée néolibérale dans le monde de l’école.
L’analyse est convaincante quand il montre en particulier comment les « recommandations » des experts de l’OCDE ou de la Banque mondiale ont influencé les politiques éducatives menées depuis une vingtaine d’années. Il dénonce en particulier la manière dont la pensée libérale fait du savoir un « capital humain » au service de l’entreprise. Comme tout capital, celui-ci doit être renouvelé régulièrement et est bien sûr jugé à l’aune de la rentabilité. Il montre alors comment se crée un marché de la formation composé d’« entreprises éducatives ».
Il décrit aussi, avec une certaine pertinence, comment les thèses managériales ont imprégné les discours des chefs d’établissements et autres cadres de l’éducation nationale.
L’analyse en revanche est beaucoup moins convaincante lorsque, dans sa recherche de tous les signes du néolibéralisme, il s’en prend aux pédagogies nouvelles. Lorsqu’il affirme que : « La pédagogie nouvelle “non directive” et souplement structurée », l’utilisation des nouvelles technologies, un plus large “menu” d’options offert aux élèves et aux étudiants, l’habitude prise d’un “contrôle continu” sont pensées comme une propédeutique à la gestion “des situations d’incertitude” dans lesquelles le jeune travailleur sera plongé au sortir de ses études. » (page 35) Il oublie que la logique des compétences n’est pas à sens unique.
L’apprentissage de l’autonomie, du choix est aussi une clé de l’émancipation et de la citoyenneté.
Le propos est particulièrement réducteur et caricatural quand il dénonce le passage à une logique de compétence au détriment d’une logique de connaissance pour en conclure que : « L’école est sommée d’adapter les élèves aux comportements professionnels qui leur seront réclamés plus tard. » (p. 78) Est-ce parce que le mot « projet » est aussi utilisé dans le vocabulaire de l’entreprise qu’il faut rejeter la pédagogie qui s’appuie sur ce concept ? Enfin, on retrouve aussi l’amalgame traditionnel qui assimile les « pédagogues » à des « bradeurs » des exigences de transmission du savoir.
Certes, ses remarques sur l’incantation à l’innovation qui imprègne le discours sur l’école peuvent être entendues et nous alerter. De même lorsqu’il nous invite à ne pas confondre « management participatif » et démocratie dans les établissements. Mais on attendait autre chose de cet ouvrage en matière de proposition. On y lit surtout une idéalisation de l’école républicaine au service d’un conservatisme pédagogique et une volonté de préserver cette école largement mythifiée.
Si la pression néolibérale est réelle et forte, il faut éviter les amalgames et les approximations. La réponse à cette pression ne peut se limiter à une déploration sur l’école passée mais réside bien dans une redéfinition des objectifs fondamentaux de l’école et de ses missions.

Philippe Watrelot


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