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Jean-François Durand : « J’ai proposé aux professeurs l’arrêt des groupes de besoin »

Le collège d’environ 500 élèves est situé en zone semi-rurale, semi-urbaine, à une trentaine de kilomètres d’une capitale régionale. Ce collège fait preuve de dynamisme avec des équipes stables, engagées et attentives à la réussite des élèves. Ainsi, de nombreux projets existent et ont été appuyés et financés par la Cellule innovation du rectorat et le programme Notre école faisons-la ensemble.
Je pense, et l’actualité politique de cette dernière année avec six ministres depuis le lancement de cette réforme, tend à le prouver, que cette réforme du choc des savoirs relevait ou relève encore avant tout d’une communication essentiellement politicienne. Si cette annonce s’appuie sur des résultats à des évaluations internationales et démontrant la nécessité de différencier, il n’en demeure pas moins que le traitement de ces difficultés est complexe, doit être global et demande du temps.
La constitution des groupes de niveaux ou de besoins – l’évolution sémantique a d’ailleurs été révélatrice de l’impréparation voire de la précipitation de cette réforme – comportait un risque de ségrégation et de compartimentation des élèves selon des niveaux. La crainte déjà observée de voir les élèves des groupes faibles se faire moquer était présente.
En somme, prendre en compte la différence et la différenciation, sur le fond oui, mais pas sous cette forme-là.
J’ai effectivement pu échanger avec d’autres collègues ou responsables du rectorat, et le sentiment de marche forcée et de précipitation prédominait. L’essentiel, des échanges, portait sur la logistique, l’organisationnel, les emplois du temps. Ou comment, par de la précipitation politique, créer de l’inconfort chez les personnels et les contraindre à gérer la logistique dans l’urgence.
Le travail précieux à l’échelle de l’académie des corps d’inspection, qui ont apporté une vraie réflexion et qui se sont déplacés auprès des équipes, a permis d’aborder la question centrale de la prise en compte de la différence et de commencer à construire des réponses.
Les enseignants ont exprimé des ressentis de lassitude, d’incompréhension, de manque de reconnaissance, puis de colère. Ces sentiments s’expliquent d’abord par le passage sans évaluation des groupes de soutien-approfondissement en 2023-2024 aux groupes de besoin en 2024-2025. La rapidité de demande de mise en place a aussi agacé les professeurs.
Nous avons choisi, pour éviter la stigmatisation des élèves en difficulté, de constituer des groupes hétérogènes. Ceci avec l’appui des corps d’inspection et grâce à l’investissement et à la conscience professionnelle des équipes qui ont construit ces groupes en prenant soin de la particularité de chaque élève.
Question ironique et réponse de l’effet domino. Le nombre d’heures fléchées pour la constitution des groupes de besoins n’était pas suffisant pour une configuration minimaliste (fonctionnement en barrettes uniques pour limiter la consommation horaire). De fait, des heures de la dotation horaire supplémentaire ont été consommées pour faire fonctionner cette réforme, au détriment d’autres actions.
De plus, une division supplémentaire a été ouverte en 6e fin juin 2024 dans l’établissement, et sur les vingt-neuf heures règlementaires du Code de l’éducation, quinze heures ont été attribuées, ne permettant pas de facto la mise en place de ces groupes de besoin sur ce niveau 6e.
Comme indiqué précédemment, nous avons constitué des barrettes uniques (alignement de plusieurs cours sur un même créneau horaire) pour tous les professeurs de la discipline, avec notamment un créneau d’une heure et demie pour répondre à une demande pédagogique des professeurs.
D’abord, deux effets bénéfiques : la taille des groupes d’élèves inférieurs à la taille des classes et l’échange entre professeurs. Mais aussi un sentiment de fatigue et de gâchis, en voyant que le temps politique et des effets d’annonce priment sur le temps long de l’éducation.
Les enseignants, s’ils sont satisfaits de l’effectif groupe, sont mal à l’aise avec l’absence de collectif classe. Ceci est ressenti lors des conseils de classe où la présence des professeurs de français et mathématiques est difficile à organiser.
J’ai proposé lors de la présentation de la DHG 2025-2026 aux professeurs l’arrêt des groupes de besoin pour 2026-2027. Principalement parce que l’évaluation promise dans deux ans par l’actuelle ministre sur la mise en place des groupes est doublement inopérante. D’une part pour cette année 2024-2025, comme je vous l’ai dit précédemment, je ne disposais pas des moyens pour une mise sur les deux niveaux 6e et 5e. D’autre part, pour cette nouvelle année scolaire, je dispose de 3,19 heures (sic) hebdomadaires pour les groupes de besoin soit, au vu du nombre de divisions, de neuf minutes par classe et par matière…
Aussi, il est de mon devoir de rassurer les équipes et d’apporter un peu de stabilité en ces temps politiques incertains (où les poètes et météorologues observent qu’il y a, par année, plus de ministres que de saisons…).
J’ai également proposé la mise en place d’une formation d’initiative locale (FIL), avec un ou deux établissements proches du mien, sur la question centrale de cette réforme : les gestes professionnels de la différenciation en lien avec la coopération à l’école. Les professeurs sont d’accord et émettent déjà des idées, certains ayant déjà des projets dans ce sens. En somme, j’essaie de créer une culture commune, et j’insiste, avec les professeurs. C’est avec eux que cette FIL se construira en coopérant et en répondant à leurs besoins.
De plus, et c’est un avis partagé par les collègues chefs d’établissement autour de l’établissement où je travaille, ces deux dernières années scolaires ont nécessité de notre part un accompagnement bienveillant et bientraitant des équipes.
Enfin, trois éléments me paraissent essentiels à la construction de cette dynamique autour de la différenciation en coopérant : une culture commune, des valeurs communes et la confiance dans les professionnels que sont les équipes de collège, les corps d’inspection et le Pardie ( Pôle académique recherche développement innovation expérimentation).
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