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Florence Robine à la tête de la DGESCO

Au CRAP-Cahiers pédagogiques, nous regrettons le départ de Jean-Paul Delahaye, lui qui a œuvré à ce poste et avant au cabinet du ministre pour une vraie refondation et notamment pour une mise en place effective (et qu’on attend toujours !) du socle commun. Nous nous souvenons de sa solide intervention lors d’un colloque organisé par le CRAP autour de l’accompagnement pédagogique, où il montrait combien notre système scolaire avait du mal à s’occuper vraiment des élèves en difficulté et à mettre en place un vrai accompagnement personnalisé.

Mais en même temps, nous accueillons avec un préjugé favorable la nomination à ce poste de Florence Robine, ancienne inspectrice générale puis rectrice. On lui doit l’écriture d’un rapport en 2007 sur les livrets de compétences qui reste totalement d’actualité. A cette occasion, elle avait répondu à nos questions et plaidé vigoureusement pour l’introduction d’une logique de compétences dans notre école :
« Si personne ne remet en cause, bien au contraire, la nécessité de transmettre les connaissances essentielles, de forger une culture commune, l’école a aussi pour mission de préparer le futur adulte qu’elle forme au monde dans lequel il va évoluer. C’est ce que recouvre usuellement le mot de “compétence” : un ensemble d’outils intellectuels faits de savoirs, de savoir-faire, d’habiletés, qui rend apte à s’adapter à une situation nouvelle, à comprendre le monde qui nous entoure, et également à apprendre tout au long de sa vie. La place essentielle qu’occupe désormais la notion de compétence dans l’éducation et la formation tient aussi à ce que l’on sait de la manière d’apprendre des élèves : les savoirs que l’on voudrait les voir maîtriser (lire, écrire des textes, pratiquer un raisonnement scientifique) restent « morts » s’ils ne sont pas mis à l’épreuve, employés à nouveau dans différentes situations, utilisés pour résoudre des problèmes de genre divers. C’est cela aussi que doit faire l’école : enseigner des connaissances et apprendre à mobiliser toutes sortes de ressources, des connaissances mais aussi des savoir-faire, pour former des esprits autonomes et capables d’utiliser les savoirs enseignés en classe au-delà du simple objectif de réussite aux épreuves scolaires… »
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De même invitait-elle à faire évoluer les pratiques d’évaluation :
« Je pense que beaucoup d’enseignants sont mûrs pour faire évoluer les pratiques usuelles d’évaluation, dont ils ressentent les insuffisances. Évaluer ce n’est pas seulement vérifier si la leçon est apprise, si l’élève peut restituer les connaissances enseignées au dernier chapitre lors du fameux et redouté “contrôle”. Là encore, les situations sont très différentes suivant les disciplines. Il est vrai que l’évaluation dans certaines disciplines reste encore très centrée sur des tâches de restitution, d’autres évaluent des activités de transfert de connaissances d’une situation à une autre, certaines évaluent usuellement des savoir-faire en action, d’autres encore des activités de créativité ou même des attitudes. Les histoires, les habitudes sont différentes : c’est là une source majeure de difficulté. Cependant l’évolution des pratiques d’évaluation est inéluctable : regardez ce qui se passe par exemple en langues vivantes, avec l’adoption du cadre européen commun de références. Il nous faudra cependant du temps, de la concertation et de la formation des enseignants pour réaliser cette profonde mutation. »

Florence Robine avait également ici même exprimé à propos de sa discipline, les sciences physiques et chimiques, pour le dossier correspondant des Cahiers pédagogiques, un point de vue ouvert, loin de la sacralisation des disciplines et là encore avec un souci de faire acquérir des compétences multiformes ainsi que le goût de faire des sciences.

Ce que nous attendons d’elle, c’est qu’elle fasse mentir ceux qui pensent que la refondation est en panne, que le socle commun va être vidé de son contenu et qu’on n’arrivera pas à transformer notre école en changeant les pratiques d’évaluation et d’enseignement. Même si tout ne dépend pas bien sûr d’une direction ministérielle. Nous attendons aussi de la fermeté face aux conservatismes qui sans cesse brandissent les obstacles, les « dangers », et préfèrent les grandes déclarations creuses à des avancées concrètes et progressistes. Mais c’est ce que nous attendons d’abord du ministre, comme nous l’avons exprimé récemment.

Jean-Michel Zakhartchouk

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