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Et maintenant, concrétisons la Refondation !

Le principe du socle commun inscrit dans la loi d’orientation de 2005 a été dévoyé. Au lieu d’être l’outil du renouveau pédagogique, il était devenu l’instrument du pilotage technocratique par les évaluations sommatives, de la réduction des finalités de la scolarité obligatoire à des « fondamentaux » marqués par une idéologie passéiste plutôt que par les savoirs didactiques et pédagogiques reconnus. De la définition du socle à la réécriture des programmes, en passant par les modalités d’évaluation et de certification, les décisions prises n’ont pas été à la hauteur du principe d’un bagage commun dont l’acquisition est garantie à tous.
Nous ne voulons plus de ces errements. Nous ne voulons plus des prescriptions démesurées dont on accepte, avec une grande hypocrisie, qu’elles ne soient pas appliquées. Nous ne voulons plus des injonctions contradictoires qui demandent à la scolarité commune école-collège d’assurer à la fois la sélection et la réussite de tous. Nous ne voulons plus d’un système d’évaluation incompatible avec des acquisitions progressives de compétences. Nous ne voulons plus voir les équipes livrées à elles-mêmes, sans accompagnement solide et sans formation continue adaptée.

Nous attendons du futur Conseil Supérieur des Programmes qu’il soit indépendant de tous les lobbies disciplinaires habituels et qu’il fasse une large place aux praticiens innovants, aux militants des mouvements pédagogiques, aux chercheurs en science de l’éducation dans leur diversité, et à des personnalités extérieures au système éducatif. Nous souhaitons qu’il s’enrichisse de points de vue étrangers à notre système français. Nous souhaitons également qu’il dispose des moyens de mener ses propres expertises, auditions et consultations.

Nous demandons au Conseil Supérieur des Programmes de redéfinir les piliers du socle en conservant la référence aux compétences-clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie européennes de manière à l’inscrire dans une forme de continuité indispensable à l’action pédagogique. Nous lui demandons toutefois d’introduire le pilier « apprendre à apprendre », écarté dans la version précédente, alors que le travail personnel des élèves doit être au cœur de la refondation de l’école. Et nous lui demandons d’en finir avec la fragmentation des compétences et des savoirs, avec l’encyclopédisme et l’empilement, en formulant pour chacun des “piliers” des compétences terminales en nombre limité. Nous souhaitons un socle lisible par tous les acteurs, à commencer par les élèves et les parents.

Nous voulons des programmes au service de l’acquisition des compétences du socle commun. Pour cela, ils doivent lister pour chaque cycle les ressources à mobiliser pour maîtriser les compétences attendues. Les programmes doivent s’inscrire dans la logique de maîtrise du socle commun : pour cela, il faut harmoniser leur rédaction, indiquer les compétences générales du socle qui sont travaillées, avec des parties communes à plusieurs disciplines. Ces programmes, conçus comme des référentiels, fourniront ainsi des objectifs propres aux disciplines, d’autres objectifs transversaux et interdisciplinaires, ainsi que des situations d’apprentissage et d’évaluation faisant le lien entre les disciplines et le socle commun. Les programmes doivent être réunis dans un document commun, qui donne à tous les acteurs une vision globale des apprentissages à mener et des champs d’études rencontrés.

Le Livret Personnel de Compétences (LPC), tel qu’il est conçu actuellement est un obstacle à la mise en œuvre du socle commun, car il prétend être à la fois un outil de suivi, de communication avec les familles et de validation des acquis. Il est soit trop lourd, soit insuffisamment précis, soit trop technique selon les fonctions qu’on privilégie. Nous demandons que les textes réglementaires distinguent clairement l’attestation finale du socle commun dont le contenu est défini nationalement (en clarifiant les niveaux d’exigence requis) et les outils qui sont au choix des équipes pédagogiques pour le travail de suivi des acquisitions des élèves au quotidien sur la base de cadres nationaux.

Nous voulons un réel travail commun entre école primaire et collège dans le cadre de réseaux pédagogiques du socle. Ce travail passe par un cycle commun CM1/CM2/6ème qui remet en cause l’idée d’un palier de fin de CM2 au profit de la continuité de la scolarité obligatoire. Le conseil école-collège doit organiser ce travail commun : il devra être rendu matériellement possible et être reconnu dans les missions et services des personnels concernés.

Le Diplôme National du Brevet et le Certificat de Formation Générale doivent être supprimés sous leur forme actuelle. Il ne peut pas y avoir discordance entre validation du socle et examens terminaux. Nous proposons que ces deux diplômes soient remplacés par un Brevet du socle commun qui atteste des niveaux atteints dans les différentes compétences du socle. Ces niveaux pourront être évalués dans des travaux divers : travaux individuels et collectifs, travaux disciplinaires et interdisciplinaires, projets collaboratifs, portefeuille de réussites…

Notre école est à la croisée des chemins. L’indispensable refondation ne peut advenir sans changements profonds. La loi les permet. Les décrets d’application doivent leur donner corps.

Paris, le 13 mai 2013