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Enfance, l’état d’urgence. Nos exigences pour 2022 et après

Collectif CEP-Enfance, préface de Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, Éditions érès, collection Enfances, 2021

Dans un contexte de crise sanitaire et d’élection présidentielle, Enfance, état d’urgence est un cri d’alerte poussé par soixante-et-une associations de professionnels de l’enfance. La condition des enfants dans notre pays est paradoxale : jamais ils n’ont été aussi visibles et admirés dans les médias, aussi désirés par des parents qui bravent des protocoles médicaux très intrusifs pour procréer, protégés par un retour en force des règles d’hygiène et de sécurité tel que les professionnels parlent d’un retour de l’hygiénisme. La politique n’est pas en reste dans ce que l’on peut appeler le culte de l’enfant : l’empilement de rapports et de commission comme les 1000 jours, ou le rapport de Sylviane Giampino pour citer les plus récents.

Mais la réalité du terrain décrite par les associations du collectif CEP-Enfance est tout autre. Depuis leur secteur d’intervention (social, culture, éducation, handicap, justice, périnatalité, petite enfance, protection de l’enfance, santé, santé psychique), chaque contribution dresse un constat et soumet des propositions concrètes au débat publique. La lecture de ces soixante-et-une contributions traduit l’engagement résolu, la passion et le courage des professionnels mais elle suscite la révolte car elle dresse le constat amer que tous les secteurs connaissent les mêmes problèmes :

  • Des taux d’encadrement toujours moins exigeants (par exemple, le taux d’encadrement en crèche est passé de un adulte pour cinq à un pour six avec l’ordonnance Adrien Taquet de l’été 2021) qui poussent les structures d’accueil et de soin (petite enfance, école, animation, protection de l’enfance, hôpital) à accueillir toujours plus d’enfants, toujours plus longtemps avec moins de moyens ;
  • Un personnel dévalorisé dont les salaires ont totalement décroché par rapport aux autres secteurs, avec pour conséquence une crise de recrutement qui aggrave encore la situation dans toutes les structures, ordinaires ou spécialisées, et rend caduque le projet d’un accueil inclusif de l’enfance dans toute la diversité de ses besoins ;
  • Un personnel qui a besoin d’un réinvestissement de la puissance publique dans sa propre formation initiale et continue, irriguée par la recherche, réduite à la portion congrue par les réformes de ces dernières années ;
  • Des listes d’attente à rallonge et des délais de prise en charge indignes dans les secteurs de la santé et du handicap (deux ans d’attente pour un rendez-vous en centre médicopsychologique – CMP), mais aussi dans la protection de l’enfance : jusqu’à dix-huit mois d’attente pour qu’une mesure de protection prononcée par un juge soit effective. C’est intolérable ;
  • Autre conséquence de ce désinvestissement des pouvoirs publics autant que de leur promptitude à élaborer des règlements et des grilles d’évaluation : des personnels obligés de se fixer des priorités, qui tentent de répondre à des besoins de base (besoins vitaux et sécurité physique), qui doivent sans cesse brusquer les enfants dans leur rythme, sans pouvoir leur offrir la qualité de relation et le cadre qui leur permettraient de (re)construire une confiance en eux et en leur avenir.

Sur le plan politique, les associations dénoncent un manque de pilotage stratégique global pour organiser les structures, répartir les moyens de façon plus équitable et efficace, par exemple, réimplanter les équipes pluridisciplinaires de PMI (Protection maternelle et infantile).

L’association La cause des bébés résume la situation par une métaphore particulièrement bien choisie : « Comme un pépiniériste inconséquent, notre société néglige la pousse et cherche ensuite comment redresser l’arbre qui part de travers. »

Cet état des lieux se termine par « Dix exigences d’urgence pour la cause des enfants » qui ont été élaborées par les associations du collectif CEP-Enfance. Entendons leur appel.

Maëliss Rousseau