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Education et diversité. Les fondamentaux de l’action

Françoise Lorcerie (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2021.

Cet ouvrage est construit sur la base de vingt-quatre contributions émanant de trente-et-un auteurs du RIED (Réseau international éducation diversité). Il se démarque par son ancrage francophone, en explorant les enjeux liés à la diversité et l’hétérogénéité des publics scolaires en Belgique, France, Québec et Suisse.

Dans la première partie, les auteurs étudient comment la notion de diversité est reconnue dans l’histoire et la législation de chaque système scolaire et comment elle est interprétée au sein des contextes nationaux, avec plus ou moins d’ouverture à l’universalisme, à une approche plurielle, interculturelle, à travers des démarches à visée inclusive du plus grand nombre, à fortiori des élèves issus de l’immigration. Les auteurs analysent chaque contexte national, de l’élaboration historique des lois en faveur de la diversité aux enjeux complexes liés à leur mise en œuvre au niveau de l’école. Ils relèvent que le personnel scolaire est en demande autant de moyens que de formation pour assurer l’application des promesses et des vertus des lois, décrets et autres textes légiférant sur l’école dans ce domaine. Les chercheurs font la distinction entre les processus d’assimilation et d’intégration. C’est cette dernière qui fait consensus, en articulation avec le besoin de reconnaissance des élèves, chacun inscrit dans une histoire personnelle et singulière. Les auteurs montrent aussi comment la mise en concurrence des écoles peut aggraver la stigmatisation, déterminant des processus ségrégatifs sociaux et ethniques.

Dans ces conditions, on peut imaginer que le travail éducatif et pédagogique des enseignants, même les plus militants, est empêché. Cela rend donc difficile des démarches didactiques considérées comme des « voies étroites » pouvant favoriser l’accueil et la reconnaissance de l’altérité.

Beaucoup d’auteurs avancent aussi des propositions pédagogiques et didactiques pour que l’école soit plus réceptive à la diversité en l’embrassant en son sein, en favorisant un esprit plus démocratique. Sont mises en valeur des démarches coopératives entre les élèves, des démarches didactiques sur l’ouverture et l’éveil aux langues, des démarches d’interconnaissance et de mise en projet pour mieux connaitre les parents. Certains auteurs nous rappellent que les politiques les plus incitatives à la coopération et à l’engagement des parents, basées initialement sur de très bonnes intentions, s’avèrent difficiles à mettre en œuvre, voire inégalitaires pour « les sans voix ».

La formation initiale des enseignants est cruciale pour comprendre, identifier et déplacer les représentations, les regards des futurs professionnels sur les élèves et prendre conscience des stéréotypes véhiculés, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école, envers certains groupes minoritaires, qui placent confiance et espoir dans l’école comme lieu « pour s’en sortir ».

La deuxième partie est consacrée à l’étude des processus sociaux selon la prise en compte ou non de la diversité à l’école et, statistiques à l’appui, des inégalités à l’œuvre pour les enfants d’immigrés. Les auteurs montrent aussi comment les réorientations successives vers des filières moins académiques ou professionnelles construisent des parcours scolaires qui sont autant d’obstacles ou de discriminations potentielles. Une école qui promet une éducation plus inclusive doit s’envisager tout en soignant la composition des classes, celles-ci ne s’enfermant pas sur leur public à besoins spécifiques, mais restant un lieu de socialisation et d’instruction pour tous. Il s’agit aussi d’être attentif à ne pas renforcer des enclaves, des espaces à part comme des niches éducatives, au risque de la pathologisation des difficultés scolaires, à leur essentialisation face aux apprentissages scolaires par des catégorisations cognitives différenciatrices (voire un nationalisme cognitif), construites par les différents professionnels en charge des élèves issus de l’immigration. Dans cette deuxième partie, des contributions originales abordent aussi les usages symboliques de la « race », du genre et de l’origine et la façon dont ils renforcent les inégalités.

La troisième partie est dédiée à la formation des professionnels de l’école aux enjeux de la diversité. Les auteurs décrivent des démarches stimulantes, en formation initiale ou continue, comme par exemple, le travail d’analyse et de réflexivité des situations concrètes de travail, une formation linguistique et didactique de la pluralité des langues, un enseignement de l’histoire-géographie renouvelé qui prend en compte le pluralisme, le repérage des situations ordinaires ou les incidents critiques de racisme dans lesquels on est un simple spectateur, sans réagir aux situations les plus problématiques éthiquement.

Un livre passionnant et très bien documenté qui se conclue avec l’interrogation de Françoise Lorcerie :« L’école au secours de la démocratie ? » À lire pour mieux comprendre les enjeux de la diversité qui se vivent dans l’école et dans la formation des enseignements, et à compléter avec un autre livre sur le sujet : Les enfants migrants à l’école (recension à venir ici-même).

Andreea Capitanescu Benetti