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Décalages
Le style des BOEN dits « de rentrée » a toujours quelque chose d’incantatoire, on aurait mauvaise grâce à le leur reprocher. Celui du 27 mars dernier[[ Consulter sur le site du minsitère la circulaire n° 2006-051 du 27-3-2006.]] n’échappait pas à la règle en annonçant par exemple que promouvoir l’égalité des chances et améliorer les conditions de la réussite scolaire pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des jeunes sont les deux priorités pour la rentrée 2006.
Quelque chose pourtant alerte en le lisant : le sentiment d’un décalage. Pas tant le décalage habituel entre la langue officielle ampoulée et le quotidien de notre métier ; plutôt l’impression pénible que ce qui est énoncé sert à habiller la réalité au lieu qu’on prenne les moyens de la transformer.
Le socle
D’un côté, un ministre qui dit signer avec la plus grande émotion le décret concernant le socle commun, comme une pierre marquant une étape décisive[[Le socle est paru au BOEN n° 29 du 20 juillet 2006.]]. De l’autre, une réalité inchangée. Dans notre numéro 445 (Où en sont les ZEP ?, septembre 2006) Roger-François Gauthier, inspecteur général, dit à la fois combien le socle devrait amener à changer « l’antique conception, implicite, des programmes d’enseignement “à la française”, conçus comme la juxtaposition disciplinaire et annuelle d’idéaux de prescription de savoirs retenus pour eux-mêmes », et ses doutes sur la possibilité de telles transformations. Sur le terrain, en tout cas, l’avènement du socle fait étonnamment peu de bruit : ni en formation des maîtres, ni dans l’enseignement, on n’a senti la nécessité de changer quoi que ce soit. Le plus criant est sans doute l’imperméabilité de l’enseignement français à la notion de compétences (certes pleine d’ambiguïtés). Alors que le mot est omniprésent (acquisition par chaque élève des compétences du socle commun, répète le texte à l’envi), il n’a aucun écho dans les pratiques d’enseignement ou d’évaluation, hors cas d’équipes pionnières. Les examens, prescripteurs, on le sait, de pratiques en amont, gardent leur forme classique : le brevet des collèges n’a jamais su évoluer vers autre chose qu’un contrôle de connaissances qui ne dit pas ce que les élèves ont appris à faire au terme de la scolarité obligatoire.
PPRE
Les programmes personnalisés de réussite éducative sont présentés comme une mesure essentielle de la loi d’orientation et de programme (voir article de Jean-Pierre Mellier sur notre site avec le dossier ZEP 445). Alors qu’ils doivent être mis en place à la rentrée et que de nombreuses écoles primaires planchent sur la question, ils sont encore à l’état de fantômes dans de nombreux collèges où les équipes en sont à se demander ce que c’est, et se replient volontiers sur ce qu’elles font déjà : remédiations en français – maths après les évaluations 6e. Inertie du corps enseignant qui peine à mettre en route de vrais diagnostics d’équipe ? Sans doute, mais aussi ambiguïté de la démarche. Comment imaginer que le cœur d’un projet ministériel soit constitué par une mesure visant les élèves en grande difficulté d’un point de vue individuel ? À moins que – et le BOEN est ambigu là-dessus – il ne s’agisse des difficultés d’apprentissage que tout élève ou presque va rencontrer « dans l’acquisition du socle » ? Auquel cas on est frappé par l’absence de toute référence à des pratiques de classe qui ménagent des rythmes et modes d’acquisition différents. Au lieu de cela, on privilégie la recherche de remèdes en dehors de la classe. Il est vrai que cela permet de ne pas toucher au fonctionnement de l’école[[Au moment où nous mettons sous presse paraît un rapport officiel qui pointe les limites des PPRE.]]…
On trouve heureusement, sur certains sites académiques[[Par exemple le site de l’IA de Loire-Atlantique ou le dossier signalé par le Café Pédagogique.]], de quoi travailler intelligemment la question des PPRE.
Il aurait fallu, au minimum, sur ce point comme sur le précédent, une université d’été (qu’est-ce que c’était, déjà ?) pour former les formateurs et les enseignants et mettre en route ce bouillonnement de recherches et d’idées de pratiques qui est la marque d’un vrai changement. Et montrer aux enseignants qu’au ministère on s’intéresse vraiment à la formation.
C’est ainsi qu’aurait pu se mettre en place « le pilotage de et par la performance, au cœur de la réforme introduite par la LOLF » à supposer qu’on donne bien à « performance » le sens de « réussite pour tous ».
Florence Castincaud,rédactrice en chef.