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Comment poursuivre la refondation du système éducatif ?
Le matin des Assises de la pédagogie, une table ronde donnait la parole à plusieurs personnalités et praticiens. On pourra avoir un écho de celle-ci dans le numéro 533 des Cahiers pédagogiques. L’après-midi, cinq ateliers ont permis d’aborder diverses questions autour de thématiques telles que les perspectives pour le collège, pour l’école primaire, pour la formation des enseignants, pour l’établissement (autonomie et gouvernance), comment mettre en œuvre vraiment la mixité scolaire et sociale, pour lutter contre les inégalités. Dans chaque atelier, un grand témoin observait les débats, une nouvelle phase de ces Assises permettant ensuite de réunir ces observateurs autour de la même table.
- Lucien Marbeuf, professeur des écoles, constate, à travers les discussions dans l’atelier auquel il a participé, des difficultés dans la mise en place des nouveaux cycles et en particulier du cycle 3 CM2-6e : comment le faire vivre avec des gouvernances différentes ? Comment tout gérer de front en même temps ? Que faire quand la pédagogie ne suffit plus ? Une des questions posées dans son groupe : comment améliorer le pilotage institutionnel dans le premier degré afin d’articuler injonctions et autonomie des équipes ? Faire confiance aux équipes sur le terrain ? Qui se réapproprieraient ces temps de formation selon leurs besoins de formation ?
- Françoise Lorcerie, directrice de recherches au CNRS était témoin de l’atelier sur la réforme du collège et elle a perçu un ensemble de notes de participants plutôt positives. Certains collèges, au départ très récalcitrants, «s’y mettent». L’impact des journées de formation a été trop inégal, mais de nouvelles formes de collaborations se mettent en place, notamment autour de l’accompagnement personnalisé. On réfléchit ensemble, on pratique parfois la co-animation. Alors, l’AP devient un levier qui permet de parler pédagogie dans les salles des profs. Dans tout cela, y a-t-il de l’irréversible ? Probablement des pratiques nouvelles d’échanges autour de la pédagogie et de l’évaluation.
- Philippe Goémé, formateur à l’ESPE de Créteil et fondateur de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants) observait l’atelier sur la formation. Il a noté les contradictions existantes entre l’engagement professionnel et les injonctions venant d’en haut, assez souvent inefficaces. Le temps de formation doit être davantage reconnu et être un temps apaisé, devenu un incontournable du métier. De même faut-il clarifier les objectifs de la formation. Ainsi, former aux outils numériques n’est pas former aux applications pédagogiques avec le numérique. Enfin, les participants de l’atelier ont évoqué la nécessité d’une congruence entre les modalités et les attendus de la formation ? Comment mener une réunion, travailler sous forme de projet, en équipe, innover, autant de questions qui se posent et continueront à se poser, après mai 2017.
- Françoise Sturbaut, chef d’établissement et présidente d’éducation et Devenir, était présente dans l’atelier «autonomie et gouvernance des établissements». Une des questions centrales a été : «Comment donner du pouvoir d’agir aux équipes ?». Le terme «autonomie» revendiqué par plusieurs courants politiques antinomiques a un sens différent selon qu’on envisage son sens administratif ou son sens pédagogique. La prise de risques et la confiance ne sont pas dans la culture professionnelle, comment les développer ? Autre question : comment donner un fort sentiment d’appartenance comme cela se passe dans une association ? En faisant attention à l’autocensure des personnels qui n’ont pas conscience des marges de manœuvre possibles.
- Nathalie Mons, sociologue et présidente du CNESCO, a été témoin de l’atelier «mixité sociale» et a inventorié quelques points forts de ce qui peut favoriser la réduction des inégalités : la formation continue des enseignants, une meilleure relation avec les familles (par exemple en connaissant mieux de la part des personnels l’environnement de l’établissement), des partenariats sans que pour autant on externalise les aides et certaines activités culturelles, et bien sûr les pratiques pédagogiques.
On veut croire dans cette table ronde de conclusions que les espoirs nés de la refondation ne seront pas brisés dans les mois à venir, qu’on pourra continuer à aller de l’avant sans être prisonniers d’affrontements idéologiques et en résistant aux tendances régressives. Si parfois la lucidité fait craindre des retours en arrière, l’optimisme de la volonté est bien présent et a dominé ces Assises.
Jean-Michel Zakhartchouk