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Cinq ouvrages à propos de l’innovation

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De l’élève à l’enfant. École de la République contre Éducation nouvelle ?, Vincent Monetti (dir.), INRP, 2005, 118 pages.
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Nouvelles citoyennetés et Éducation nouvelle. L’école entre mémoire et innovation, Vincent Monetti (dir.),. INRP, 2005, 130 pages.
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L’innovation dans l’enseignement français, XVIe- XXe siècles, Marcel Grandière et Agnès Lahalle (dir.), SCEREN- INRP, 2004, 172 pages.
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Jules Ferry, Mona Ozouf, Bayard-BNF, 2005. 70 pages
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Les enseignants ont-ils besoin d’une déontologie ?, Cahiers de la Maison de la Recherche, université Lille-3. Série Ateliers, 33-2005, 56 pages.


Les deux livres de la même équipe dirigée par Vincent Monetti, posent la question de l’innovation et des réformes, en cherchant à sortir des faux débats qui l’obscurcissent : instruction/éducation, centration sur les contenus/centration sur l’enfant, pédagogie du modèle/pédagogie du besoin, etc., en remontant à leur origine, au tournant XIXe-XXe siècles.
Le premier livre (avec le ? dans son titre) met en lumière un rapport dialectique, et que « les formes réductrices du débat contemporain (sont) comme des produits historiques, comme les fruits d‘une radicalisation progressive des positions, comme effets du temps ». Ce n’est pas un soixante-huitard iconoclaste et chevelu, mais le respectable Léon Bourgeois, qui fut président du conseil à la fin du xixe siècle (Combes étant son ministre de l’Instruction publique) et plus tard président de la Société des nations, qui a déclaré en 1904 que « le but de tout enseignement général n’est pas d’apprendre, mais d’apprendre à apprendre » ! À l’appui de cinq articles sur les conceptions de l’enfant, de la pédagogie, du rapport au territoire, de la visée morale, un recueil de textes pertinents de cette époque, pas toujours faciles à trouver et assez longs pour être utilisables, choisis pour « relativiser l’unité des convictions et en percevoir la complexité ».
Le second livre confronte à un choix de textes des promoteurs de l’éducation nouvelle les projets et textes produits par des équipes d’établissements, surtout des collèges, engagés récemment dans les processus innovation-valorisation, en se limitant aux thèmes de l’éducation à la citoyenneté. Si la similitude du vocabulaire est frappante, les conceptions ne sont cependant pas les mêmes, les innovateurs d’aujourd’hui ne partageant pas la vision optimiste de leurs prédécesseurs d’il y a parfois un siècle ; les contextes ne sont pas les mêmes. Mais, que ce soit pour nuancer notre vision de l’éducation nouvelle ou pour réfléchir à l’innovation ou à l’éducation à la citoyenneté, les deux ensembles de textes seront utiles.
Le livre, dirigé par Marcel Grandière et Agnès Lahalle et que préface Daniel Hameline, élargit le regard historique, en rappelant que, « s’agissant d’innovation, l’histoire des idées pédagogiques et l’histoire des pratiques scolaires ne marchent pas toujours du même pas ». On y apprend beaucoup sur l’innovation, une dimension qui nous tient à cœur, à travers quelques exemples : la place, plus grande qu’on ne le dit souvent mais quand même en marge, du français dans la culture scolaire des xvie et xviie siècles, la marche concrète de l’école (primaire), de la classe, sous l’Ancien Régime, les débuts de l’enseignement du dessin, l’émergence d’un enseignement de la physique au xixe siècle, se séparant de celui de la philosophie mais restant longtemps marginal. L’exemple de l’enseignement de la lecture montre l’ambivalence de l’innovation, son lien avec des innovations techniques (la plume métallique), son lien avec la volonté de former tout l’enfant en le scolarisant : apprendre à lire, et comment, ou scolariser pour former tout l’enfant. Le livre retrace aussi la naissance, l’évolution et la diversification du « corps enseignant », à partir de la création des lycées (sans oublier l’ancienneté de tout un personnel de non-titulaires). Enfin, une enquête sur des étudiants d‘IUFM montre comment se télescopent, dans leur esprit, Ancien Régime et IIIe République quant à l’état de l’école et à la condition des enseignants.
On retiendra aussi cette affirmation d‘Anne-Marie Chartier : « une innovation ne prend sens et efficacité que rapportée à la globalité du projet éducatif dans lequel elle prend place » et une réserve quant à l’idée d’un progrès linéaire des idées pédagogiques.
Quant au petit livre de Mona Ozouf, en fait le texte d’une conférence, toujours brillante, il rafraîchit les idées et les remet les idées en place à propos de Ferry (Jules), qui justement, à propos de l’innovation, est alternativement vilipendé ou adulé par la droite ou par la gauche.
Le dossier sur la déontologie des enseignants déborde certes la question de l’innovation. Mais, avec d’autres articles intéressants, on la retrouve dans la réflexion d’Anne Barrère : les enseignants ont la responsabilité de l’ordre dans leur classe, mais n’ont-ils pas aussi, dans une certaine mesure du moins, celle de l‘échec de leurs élèves, via le lien entre l’évaluation quotidienne et le parcours scolaire qui en est la résultante ? On ne peut repousser la question du revers de la main en arguant que bien d‘autres facteurs entrent en jeu.

Jacques George