Science sans conscience
Juin 1979. Dans la rubrique « Tribunes Libres » des Cahiers pédagogiques, la présidente de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP) interpelle le ministre Beullac et le président Giscard sur la suppression de postes de professeur d’École normale et le démantèlement des instituts de recherche sur l’enseignement des maths qui résulte de ces politiques. Elle dénonce les justifications ministérielles « diffamatoires » qui « daubent » sur le temps de service statutaire des enseignants sans répondre aux questions de fond sur la formation des enseignants. Faut-il vraiment prendre au sérieux ce genre d’argumentaire ?
Le thème du dossier du mois, « outils manuels, outils conceptuels », interroge la séparation bien française entre enseignement pratique et théorique, entre concret et abstrait, entre oral et écrit, et les hiérarchies qui en découlent. Les articles mettant en cause les clichés qui débouchent sur la dévalorisation des formations manuelles et la survalorisation des formations intellectuelles côtoient dans le dossier des articles qui explorent les articulations superficielles ou indispensables entre les deux.
L’article le plus polémique du dossier commence par dénoncer les propos injurieux du député gaulliste Joseph Comiti, qui a posé cette question à ses collègues à l’occasion du débat budgétaire: « Savez-vous ce qu’est un concept incitatif exerçant une influence sociomotrice ? C’est un ballon. » L’auteur de cet article, Jacques André, est alors formateur de professeurs d’EPS (éducation physique et sportive). Il a choisi d’examiner sérieusement la question, en partant de ces « dauberies » politiciennes dont Claude Allègre fera plus tard également ses choux gras en inventant de toutes pièces le concept de « référentiel bondissant », sous prétexte de dénoncer l’intellectualisme des IUFM (instituts universitaires de formation des maitres).
Yannick Mével