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Bouge ton attitude, oublie tes certitudes

nipedu-logo-nouveau.jpgLa montre connectée, c’est le comble de la geekerie qui ne pense même plus à craindre le ridicule. C’est à peu de chose près en ces termes que, cet été, Fabien prenait une nouvelle fois à partie Régis, alors que ce dernier réglait un achat à grand coup de bracelet estampillé de la marque à la pomme.

« Tu m’emmerdes », finit par se défendre notre pourtant placide podcasteur : « Ma montre, c’est mon coach personnel. Sans elle, je ne lèverais jamais le cul de mon fauteuil ! »

Technophilie, technophobie

La prise de bec est loin d’être anecdotique. Au sein de la rédaction de Nipédu, elle traduit une tendance à mettre à dessein en concurrence technophilie et technophobie. C’est autour de cette tension entre deux postures caricaturalement opposées que repose d’ailleurs la dynamique éditoriale de la plupart des dossiers de Nipédu. La récente émission consacrée à l’EPS et au numérique n’a pas fait exception : il y est question des pratiques d’automesure connectée dans le cadre de séquences d’éducation physique1.

Dans cet épisode du mois de novembre, nos invités ont échangé autour de propositions pédagogiques qui mettent en adéquation la tête, les jambes et la machine au service de l’éducation physique. Depuis plusieurs années, à l’instar de Learn-O ou des travaux de recherche de Gaëtan Guironnet, de nombreuses initiatives de collègues professeurs d’EPS ou d’éducateurs sportifs invitent le jeune public non seulement à utiliser le numérique dans le cadre des activités physiques, mais aussi à penser la relation entre les deux.

Ainsi, dans une publication passionnante, Brice Favier-Ambrosini et Matthieu Quidu s’interrogent sur le potentiel émancipateur ou au contraire aliénant des pratiques de mesure de soi (quantified self) dans le cadre de séquences d’EPS2. C’est à travers l’analyse croisée de leurs données quantitatives, mesurées et modélisées par les capteurs et les applications numériques, et de leurs données phénoménologiques (ce qu’ils ressentent, leurs sensations dans l’effort) que les élèves sont invités à affiner leurs performances, tout en questionnant les pratiques de collecte, de stockage et de partage de ces données personnelles.

La balle au centre

Avec la mise en œuvre et l’analyse de ce projet d’autoquantification, l’EPS n’est plus une fin, mais bien une opportunité pour sensibiliser les élèves aux pratiques, aux exigences, voire aux dérives du self-tracking. C’est un de ces projets d’éducation au et par le numérique qui trouvent du sens bien au-delà des apprentissages disciplinaires, au regard des enjeux et des défis de ce siècle.

Ni bien ni mal, ni bonnes ni mauvaises, les pratiques de mise en données de notre vie sont une nouvelle occasion de nous questionner et de questionner nos élèves sur notre rapport au monde désormais digitalisé, à l’autre, à soi, entre plaisir et anxiété, entre service et servitude. L’émission de novembre, tout comme cette chronique, nous aura permis de remettre une fois de plus la balle au centre, quelque part entre fascination technophile béate et rejet technophobe.

Régis Forgione, Fabien Hobart et Jean-Philippe Maitre

 

Notes
  1. https://nipcast.com/nipedu-s10e2-tu-mas-traite-de-formateur/.
  2. Brice Favier-Ambrosini et Matthieu Quidu, « L’auto-quantification en EPS et par l’EPS », e-novEPS no 19, juin 2020.