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Aux frontières du scolaire

Où commence l’école ? Où s’arrête-t-elle ? Si ces deux questions peuvent paraitre anodines, leurs réponses sont loin d’être une évidence comme le montrent les contributions de ce numéro. L’enceinte d’un établissement scolaire ne peut suffire à délimiter ce qui relève de l’institution scolaire et de ses prérogatives, quand la scolarité structure profondément les temps sociaux des enfants et de leurs parents. De la même façon, des apprentissages peuvent s’effectuer dans la vie quotidienne. S’en tenir aux marqueurs spatiotemporels parait illusoire pour comprendre ce que recouvre le scolaire et son pendant, le non scolaire. Mais il n’est pas facile de les approcher quand la porosité ou l’étanchéité de la frontière scolaire sont les sujets de débats récurrents.

La définition du scolaire et de cette frontière est en effet une lutte perpétuelle. Ces différences se sont notamment exprimées en termes d’instruction et d’éducation qui ont posé des limites entre l’école et les familles. Mais un go between entre ces deux mondes éducatifs existe à travers le rapport aux devoirs ou le soutien de la scolarité des enfants. Les frontières se brouillent aussi via des pratiques culturelles (cinéma, théâtre, musique, usage du numérique) ou via des contenus qui, jugés populaires, sont importés dans l’institution scolaire1.

Si la vivacité et la persistance de ces débats témoignent d’une évidence trompeuse, ce dossier propose d’aborder le scolaire par ses frontières sans se limiter à l’école, comme le proposait l’ouvrage Aux frontières de l’école dirigé par Patrick Rayou en 2015. Plutôt que de fixer arbitrairement la ligne de démarcation entre le scolaire et le non-scolaire, il donne à lire comment cette frontière floue et mouvante est plus concrètement négociée ou disputée dans différents contextes, dans et autour de l’école.

Ce dossier est structuré selon trois parties :

  • des hybridations actuelles difficiles à situer, qui montrent la porosité de la frontière à travers plusieurs exemples : la construction d’un guide au Festival d’Avignon, la visite au musée ou encore l’usage de ChatGPT ;
  • des « exportations » potentielles du scolaire vers le non-scolaire, lorsque les pratiques éducatives sont celles de l’exploration du milieu extérieur, la découverte de l’entreprise ou encore la fréquentation du CDI ou de la piscine municipale ;
  • des « importations » et une tendance à la scolarisation de temps (quelle spécificité de l’école maternelle ?) ou dans l’espace (quelles modalités dans le périscolaire ?) de manières d’être ou de faire.

Finalement, le dossier souligne combien l’école et son mode de socialisation restent prédominants malgré les recompositions en cours du monde éducatif. On peut observer des formalisations moindres ou des ouvertures de l’institution quand d’autres dispositifs témoignent d’une extension de son influence. Serait-ce une actualisation du constat de Guy Vincent qui, en 1994, considérait que les frontières de l’école pouvaient s’ouvrir et se déplacer à mesure que son « dehors » adopte une même forme de pratiques et de conception de l’éducation ?

Baptiste Besse-Patin
Chargé de recherche en sciences de l’éducation, laboratoire Experice, université Sorbonne-Paris-Nord
Aurélie Zwang
Maitresse de conférence en sciences de l’éducation, laboratoire Lirdef, université de Montpellier

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Notes
  1. Nous tenons à remercier Yves Reuter pour l’aide apportée lors du cadrage de ce dossier.