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Aborder la philosophie en classe à partir d’albums de jeunesse
Un ouvrage qui sera très utile pour les professeurs des écoles qui tentent l’aventure de la discussion philosophique en classe et notamment à partir de la littérature jeunesse, malgré le peu d’encouragement des programmes actuels. Une méthode rigoureuse, et de nombreuses pistes sont indiquées.
Edwige Chirouter avait intitulé sa thèse À quoi pense la littérature de jeunesse ?. L’ouvrage qu’elle vient de sortir poursuit le chemin entre la littérature de jeunesse et la philosophie. Préfacé par Michel Onfray avec lequel elle anime des ateliers de philosophie et présenté par Michel Tozzi qui dirigea sa thèse, cet ouvrage, vous en conviendrez, est bien accompagné. Il pourrait certainement se passer de la recension qui va suivre et son avenir brillant semble tracé.
Je m’autorise cependant ces quelques lignes qui reprendront, d’emblée, un extrait de Lettre à Ménécée, qu’Épicure rédigea et que Michel Onfray a sélectionné pour nous, page 10 : «Tel, qui dit que l’heure de philosopher n’est pas venue ou qu’elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l’heure n’est pas venue ou qu’elle n’est plus».
Sur les sept chapitres que comporte l’ouvrage, cinq présentent des thèmes que les enseignants pourront reprendre dans leurs classes. Il s’agit, par exemple, de l’amitié, l’amour et la différence (chapitre 5), du travail et de l’argent (chapitre 7), de l’art et du beau (chapitre 5), ou encore de l’ignorance et de la connaissance (chapitre 6). Chaque chapitre est un véritable guide pédagogique, très pratique et fonctionnel. Il présente les séances à réaliser en classe, rappelle le dispositif et présente quelques repères notionnels utiles. Ensuite, il propose quelques textes littéraires pouvant être lus par l’enseignant, avant la discussion entre les élèves ; mais également d’autres références de textes à mettre à la disposition des élèves. Viennent ensuite des exemples de questionnement permettant de lancer, relancer voire approfondir la réflexion des élèves.
Un chapitre, le deuxième, est consacré à la présentation, précise, du dispositif. La démarche proposée est toujours la même ; elle comprend la constitution d’une bibliographie (riche et variée) sur le thème choisi, la mise en réseau et la lecture des livres dans la classe pour préparer la séance qui se tient, quelques jours, voire une semaine, après.
Le premier chapitre du livre définit, quant à lui, les enjeux théoriques de la philosophie avec des enfants. Il réaffirme également, et c’est là que réside, pour moi, une grande partie de la richesse du livre d’Edwige Chirouter «le lien entre philosophie et littérature» (page 21 et suivantes). «La fiction littéraire, loin de trahir et de déformer la réalité, la révèle dans ce qu’elle a de plus profond. Elle établit un pont entre l’expérience singulière […] et le concept». Cette partie est riche et enrichissante, pour le lecteur, professeur des écoles qui doit amener ses élèves à lire et à écrire le monde tout en les aidant à pénétrer et mieux comprendre le monde de l’écriture et de la lecture.
Plus avant dans le livre, Edwige Chirouter donne également des informations utiles qui pourront être reprises par les enseignants parfois contraints, encore en 2011, de devoir justifier une pratique de la philosophie dans leurs classes. À noter l’intéressante sélection d’albums de référence pour les cycles 2 et 3 nourrie de commentaires tirés des très officiels documents d’accompagnement des programmes qui apparaissent comme autant d’arguments pour faire pratiquer la philosophie aux enfants.
Au final, ce livre qui nous offre une pensée sur le monde devrait aider les professeurs des écoles à faire entrer davantage encore, tous leurs élèves dans le monde de la pensée. Et ça, j’ai bien aimé !
Dominique Sénore