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Aider à apprendre et à retenir : un ingénieux système, avec toujours l’idée de bien expliciter ce qui doit être « su ».

Pour permettre à l’élève de repérer à coup sûr ce qu’il a à apprendre, quelle que soit la place de ce qui est à apprendre dans le document qu’il réalise, ce qui est à apprendre est encadré en couleur, toujours la même. Il ne s’agit pas de tout faire encadrer, il ne s’agit pas non plus de surligner quelques mots clés que l’élève ne saura pas mettre en phrase. Ce qui est encadré est au moins une phrase complète. C’est une définition, une idée forte, une synthèse, un extrait représentatif. Cela peut-être aussi un tableau réduit ou une partie de tableau, un schéma, etc. Rien de très original à ce stade. La proposition complémentaire est de numéroter chaque cadre et de poursuivre la numérotation de leçon en leçon, du début à la fin de l’année. Par exemple, si pour la première leçon tous les élèves ont dans leur cahier de cours et d’exercices cinq cadres différents numérotés de un à cinq, le premier cadre de la deuxième leçon portera le numéro six. L’important est que pour l’élève, la numérotation soit sans faille. Un trou dans la numérotation est pour lui l’indication qu’il lui manque quelque chose. Il sait qu’il a quelque chose à récupérer. Il ne le fera peut-être pas mais il ne pourra pas se cacher derrière l’argumentation « je ne savais pas ».

S’APPUYER SUR LE GROUPE CLASSE

Chaque cadre à apprendre peut être appelé « un bil- let » et l’ensemble des billets constitue « la banque ». Cette banque est collective et partagée par l’ensemble de la classe. Chaque jour, désigné par le hasard, un élève est chargé de réaliser ce qui devient la mémoire collective de la classe. Il recopie dans « la banque classe » les billets au fur et à mesure de leur écriture. Certains jours, il peut n’y avoir aucun billet à recopier ; d’autres trois ou quatre, rarement plus. Sur une année scolaire, en fonction du niveau et de la classe, on arrive en fin d’année à une banque composée de 120 à 160 billets. Au collège, je n’ai jamais atteint le numéro 200, dans aucune de mes classes. Cette « banque classe » est une série de feuilles blanches A4 agrafées les unes aux autres. Elle est récupérée par le professeur à la fin de chaque cours et redonnée au groupe lors de la rencontre suivante. D’un cours à l’autre, ce n’est jamais le même élève qui est l’écrivain. Il est important que tous sans exception soient associés à la rédaction de la « banque classe » à un moment ou à un autre.

La « banque classe » devient la référence absolue. Si certains élèves sont en décalage, la consultation du document leur permet de se remettre à jour. Très vite les élèves absents apprennent à consulter la banque pour voir ce qui a été fait durant leur absence. En cas de conflit, le document collectif fait autorité.

PARTIR DE CE QU’ÉCRIT CHAQUE ÉLÈVE

Pour que chaque élève puisse se reconnaitre dans son ou ses cahiers, il lui faut partir de ce qu’il a dans la tête et ce, pour tous les billets de la banque. L’idée maitresse est de les faire écrire par chaque élève. Écrire, pas recopier. Le travail sur le message à réaliser est fait dans une première phase à l’oral, stylos posés sur la table.

Seuls les nouveaux mots ou éventuellement ceux qui posent des problèmes lexicaux sont écrits au tableau. Plusieurs élèves proposent oralement leurs textes. De propositions en propositions le groupe affine le conte- nu, toujours stylos posés sur la table. Quand l’enseignant pense que le groupe est arrivé à une proposition cohérente, les stylos sont pris en main.

Si pour des productions simples, la démarche décrite ci-dessus peut être suffisante, face à des messages plus complexes, un écrit au tableau sera nécessaire. Il sera réalisé, simultanément, par trois élèves. De s’apercevoir qu’il est possible sur une idée d’avoir des productions divergentes toutes correctes va faire que nombre d’élèves vont oser proposer leur propre texte. Enfin telle est la consigne… Ce n’est pas toujours aussi simple, cela l’est même rarement en début d’année, avec une classe qui n’est pas habituée à ce mode de travail. On peut mesurer alors combien une activité d’apprentissage et de mémorisation est perturbante. Elle représente un véritable effort physique, même si ce sont les neurones qui chauffent. Ceux qui ont be- soin encore de recopier, il y en a, sont au moins obligés de faire un choix entre les versions. On peut espérer qu’ils vont s’inspirer de la proposition du tableau qui pour eux est la plus parlante.

S’ASSURER DE CE QUE CHACUN A COMPRIS ET RÉALISÉ

Un autre rituel est mis en place. Dans un premier temps, dès que le billet 20, 40 ou 60 est rédigé, pour l’heure de cours suivante chaque élève dans la classe sait qu’il a à recopier sur une feuille double les vingt billets précédents. Il connaît le tarif en cas d’oubli. Dans un deuxième temps, la banque est relue, billet par billet, un élève différent pour chaque billet. Cela permet à chacun de contrôler et corriger éventuelle- ment, de le rendre s’il juge que le résultat est correct ou de le recommencer dans une deuxième version pour la fois suivante. Dans un troisième temps, toutes les banques sont corrigées. Cela peut sembler un gros travail pour l’enseignant. C’est en fait beaucoup plus rapide que de relire un cahier. La banque est notée. La notation est aisée. vingt billets pour vingt points. Toute erreur conceptuelle fait perdre le point du billet correspondant. Deux surtaxes éventuelles avec deux points pour l’orthographe et deux points pour le soin…

On rencontre quelquefois le zéro pour l’élève qui ne fait pas son travail ou qui l’oublie. Appliquer « chirurgicalement » la sanction est parfois délicat mais impératif si l’on veut que la situation ne se renouvelle pas trop souvent. En fait, très rares sont les mauvaises notes.

UN MOYEN DE RÉVISER SANS EN AVOIR L’AIR

Réviser… Un moyen sûr de ne pas soulever l’enthousiasme des élèves. Avec la banque, il n’est pas question de révision mais de vérification. On vérifie que ce que l’on a fait est conforme à ce qui est attendu. Le nombre des questions lors de ce travail de relecture permet de mesurer la motivation des élèves. Une vingtaine de billets demande en général une heure de travail collectif, une heure de travail intense. Ce travail n’est pas du temps perdu. C’est un travail de (re) médiation. Il s’agit de vérifier que des productions, qui peuvent être de formes différentes, sont justes conceptuellement.

Non négligeable, cette vérification est un travail payant pour l’élève puisque la moyenne d’un groupe classe est très souvent autour de quatorze ou quinze. La perspective de cette bonne note est un moteur im- portant pour le groupe.

UN MOYEN DE POUVOIR SUIVRE LE TRAVAIL TOUT AU LONG DE L’ANNÉE ET D’ANNÉE EN ANNÉE…

La banque est validée de vingtaine de billets en vingtaine de billets. À la fin de l’année, demande est faite aux élèves de rassembler l’ensemble des documents, d’y rajouter les derniers billets et de conserver cet en- semble pour l’année suivante. Tous n’en sont pas capables. Certaines feuilles sont perdues ou ont vécu une année scolaire mouvementée. Une majorité d’élèves toutefois est capable de rassembler ces documents. Ce seront les premières pages du cahier de l’année sui- vante. Se pose alors le cas des élèves qui n’ont pas, avec les enseignants de l’année, développé cette technique. Il est possible, pour ne pas les laisser sur la touche, de réaliser des photocopies. En termes de mémorisation, ça n’a plus du tout le même impact. L’élève se retrouve avec le document d’un tiers, l’efficacité en est très réduite. Mais cela reste tout de même une entrée constructive puisqu’elle leur permet de s’associer à un groupe et de voir ce que l’on attend d’eux d’ici la fin de l’année. Et puis, il s’agit de convaincre les collègues d’adopter une telle démarche…

Robert Guichenuy
Collège Rouget-de-Lisle, Schiltigheim, IUFM (Institut universitaire de formation des maitres) d’Alsace