L’oral encore. Pour évaluer la prise de parole en continu

Quelques observations :

(1) Parler en public est une compétence majeure qui s’acquiert et se conforte tout au long de la scolarité, de la Maternelle à l’Université. À condition que les enseignants de toutes les disciplines… l’enseignent. Il va sans dire, mais disons le quand même, que cette fiche pour la PPC (prise de parole en continu) doit se construire avec les élèves, dès le début des apprentissages et aux cours des séances « essais et erreurs » où l’on s’exerce et où on observe et construit les critères à formaliser par la suite.

(2) L’échelle d’évaluation à 4 degrés est faite pour éviter le refuge du ou des évaluateurs dans le mitan du lit de l’incertitude évaluatrice. Et pour donner aux élèves un ordre de grandeur familier, on leur indique à quelle fourchette d’une note sur 20 correspond chaque lettre.

Consigne impérative : inscrire une lettre et pas une note ! Impossible ainsi d’aplatir les choses à la fin en faisant « la moyenne » des fourchettes !

(3) La verbalisation écrite, pour être formative et recevable par l’évalué, devra comporter obligatoirement des « + » à côté des « – »

(4) Présence : L’orateur, trice doit aller se faire voir (!) et regarder son auditoire (et pas seulement le prof, le tableau, sa feuille, un unique camarade rassurant, etc.) Pas de regard fuyant ou honteux donc… Exercice difficile à l’adolescence, perçu souvent comme une véritable «épreuve». Cela dit, la « présence », comme la photogénie, la « personnalité » qui « crève l’écran », restent difficilement réductibles par une analyse rationnelle qui ne saurait l’épuiser.

Audibilité : être entendu jusqu’au fond de la salle. Ar-ti-cu-ler. (cf. Démosthène, etc.)

Oralité : « parler » sans « lire » ses notes. Performance très difficile à réaliser mais indispensable pour accrocher l’attention de l’auditoire. Plus l’élève est jeune, plus il est autorisé à s’accrocher à ses notes.

(5) On retrouve ici le cheminement de nos exercices rhétoriques bien connus : exposés, dissertations, commentaires, etc. La présence de ces différentes parties sera déjà une réussite certaine et appréciée comme telle.

(6) C’est ici que cette tâche complexe, la PPC, atteint son degré maximal d’incertitude pour une évaluation quantifiable qui voudrait se traduire par un chiffre sur 10 ou sur 20. Selon l’importance anthropologique du sujet traité, on lui donnera au moment de la sommation finale plus ou moins d’importance. Car l’évaluation de cette tâche complexe, comme pour toutes les autres, n’est pas réductible à la somme de ses parties intermédiaires. Mais qui ne le sait pas ?…

Une remarque encore… Cette fiche ne dit strictement rien des dispositifs et des situations pédagogiques qu’il convient de créer dans les classes pour que les élèves de la Maternelle à l’Université (en passant par les Prépas et les Grandes Écoles…) s’entraînent et réussissent in fine à prendre la parole en public. En classe, dans toutes les disciplines où on veut donner un peu longuement la parole aux élèves en les faisant « passer au tableau » pour des exposés, des corrections, etc., les occasions sont nombreuses de s’y exercer. Tout au long d’une année scolaire, on peut choisir de travailler et de mettre l’accent sur tel ou tel critère de réussite, et sur celui-là seulement cette fois-là.

De plus, il est certain que toutes les activités de théâtre, d’expression corporelle, d’improvisations diverses, les concours de rhétorique ou de tchatche, les émissions radios ou télés montées en classe, etc., sont tout particulièrement indiquées pour apprendre cette compétence majeure : parler et exister par sa parole devant et avec les autres…

Raoul Pantanella