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100 idées pour connaître et comprendre le dessin enfantin. Comment favoriser son évolution ? Comment favoriser son apprentissage ?

L’auteur est professeur honoraire en psychologie du développement à l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Il consacre ses travaux depuis une vingtaine d’années au dessin d’enfant et il vient de faire paraître cet ouvrage qui permettra à tout un chacun de « connaître et comprendre le dessin enfantin ». Au-delà de notre familiarité avec des œuvres qui ornent nos intérieurs et décorent les murs des écoles maternelles, qu’en est-il en termes d’évolution, de développement ? S’agit-il d’une quête de réalisme ou de l’adoption progressive de normes culturelles qui permettent la découverte du monde ? Si oui, comment pouvons-nous faciliter en faire une occasion d’apprentissage des langages et normes sociales ?
Les 100 idées qu’il expose s’appuient sur de nombreux dessins issus de la collection de l’auteur ou d’autres sources pour suivre et critiquer la première hypothèse évoquée ci-dessus, celle du réalisme. Elle repose sur une succession de phases allant d’un « réalisme fortuit » illustré par un tracé ovoïde qui devient une dame puis un soleil selon Cécile, âgée de trois ans, à un réalisme « intentionnel » puis « intellectuel » pour finir par être « visuel ». Or cette approche naturaliste néglige le fait que le dessin « est un moyen d’expression individuel qui se sert de la sève culturelle » (p. 28). Cet écart avec la réalité est manifeste dans les dessins de sous-marins ou de fées que l’enfant n’a jamais vus que dans des œuvres graphiques ou imaginés à partir de récits et non découverts « dans la réalité ».
Tout cela fonde la thèse de l’auteur selon laquelle nous sommes en présence d’un « langage graphique » qui va posséder sa grammaire (notamment une combinatoire permise par une syntaxe) et son répertoire d’objets graphiques qu’on peut assimiler à un lexique. L’analyse qui en découle fait du rond « une clé d’entrée dans le dessin figuratif » (p. 48-49). Ce qui entraîne chez l’enfant une évolution culturaliste dont témoignent les dessins étudiés qui montrent les acquisitions d’orientation du dessin sur la feuille, l’irruption et l’utilisation de la couleur puis des couleurs.
Vient ensuite la question de l’abandon du dessin enfantin. En effet, tout se passe comme si, contrairement au langage parlé et écrit, l’activité graphique de l’enfant n’est plus valorisée, elle devient du temps perdu et le manque de reconnaissance qui frappe alors cette activité s’accompagne d’une difficulté technique liée à l’acquisition de la perspective sur laquelle l’auteur revient en fin d’ouvrage. C’est l’occasion pour René Baldy de reprendre le constat de Sir Kenneth Clark qui faisait remarquer que « rares sont les personnes qui savent regarder un tableau pendant plus de temps qu’il n’en faut pour peler une orange et la manger » (p. 80). Autrement dit, aux parents de s’appliquer ce conseil pour développer leurs connaissances sur le dessin et pour apprécier, déguster, celui que leur tend leur enfant.
C’est l’occasion pour René Baldy de revenir sur la saga du bonhomme. D’abord visage rond, il acquiert progressivement des membres, un tronc, des cheveux, des mains, des pieds, des souliers, et des habits ; puis, il fume la pipe, elle et il joue à la balle, monte à cheval ; enfin, il se socialise, se situe dans une fratrie ou une classe et exprime des sentiments, des émotions qui ne sont pas toujours convenus, qu’il ne faut surtout pas vouloir interpréter. Mais, bien sûr, alors que les paroles s’envolent, les dessins eux demeurent et sont un support de dialogue avec les enfants. C’est ce qui est souligné ainsi : « La valeur éducative de beaucoup d’activités enfantines réside pour une part dans l’activité elle-même (jouer, dessiner, etc.), mais aussi, pour une autre part très importante, dans le partage de l’activité avec des personnes bienveillantes » (p. 151). Il faut aussi remarquer que l’enfant, grâce au dessin qu’il signe de son nom ou qu’il accompagne d’une légende devient un « pré-scripteur » au sens chronologique du terme (p. 156-162).
Suivent des idées assez surprenantes qu’il m’a été donné d’échanger avec un peintre grec, Avyeris Kanatas, selon lesquelles artistes et enfants s’inspirent les uns des autres et réciproquement. L’éloge de la copie est parfaitement justifié par l’analyse du dessin de Cécile qui s’inspire, à douze ans, de deux œuvres de Jérôme Bosch pour en créer une originale qui est analysée page 185. L’apprentissage du dessin en perspective, réelle ou inversée, rapproche, non sans une certaine malice, David Hockney et Vincent Van Gogh dont la chaise empaillée sert à démontrer les limites de la photographie contrainte par son angle de prise de vue.
La dizaine de dernières idées nourrit une réflexion sur l’avenir du dessin enfantin avec ce premier constat qu’il témoigne d’autant plus d’un développement du langage graphique que l’enfant passe moins de temps à regarder la télévision, d’où une triple règle pour la fréquentation des écrans : « modérément, activement et conjointement » (p. 219). Cette recommandation s’accompagne d’une prévision selon laquelle « la tablette graphique pourrait constituer la solution de survie du dessin enfantin » (p. 221) et d’une analyse rapide de travaux portant sur son utilisation par des enfants et des adultes.
Ce livre de René Baldy tient ses promesses car il permet de réhabiliter non seulement le dessin enfantin mais de faire des dessins d’enfants un médiateur de leurs apprentissages pour peu que les adultes s’efforcent de les connaître et de les comprendre pour dialoguer avec les enfants et faciliter ainsi leur découverte du monde.